Alta Semper pour redonner du tonus au développement

Par Soumayya Douieb

Créée il y a quelques années par Mohamed Elmanjra, Oncologie et Diagnostic du Maroc est en passe de devenir un géant dans le traitement du cancer et l’imagerie médicale. L’opérateur de santé qui vient de perdre son actionnaire historique Abraaj, aura peut-être gagné au change avec l’arrivée dans son tour de table du britannique Alta Semper Capital. De bon augure pour un développement sur le long terme!

De l’aveu de son fondateur, Mohamed Elmanjra, ancien patron de Meditel (actuellement Orange Maroc), l’entreprise ne perd pas de l’argent même si elle n’a pas encore atteint le niveau de rentabilité qu’il aurait souhaité. Car pour lui, cette entreprise est une course de fond, et le domaine choisi n’est pas du genre à accepter les plans de rentabilité à court terme. «qg… Tout cela a été fait de sorte que nos centres ne perdent pas d’argent. Nous ne gagnons pas non plus beaucoup d’argent, car notre business plan est construit sur le long terme. Quand on met 50 millions de dirhams dans une machine, ce n’est pas au bout de deux ans qu’on va l’amortir. Cela dit, nos centres sont en bonne santé financière. C’est sur le long terme, 10 ans, et en continuant à améliorer nos services que l’on va réellement commencer à gagner de l’argent », expliquait Mohamed Elmanjra dans une interview accordée à un organe de la place. C’est dire que l’entreprise prend son temps pour bien faire les choses. À date d’aujourd’hui, le réseau d’ODM compte une dizaine d’établissements, dont des centres très connus tels que Al Kindy et Radiologie Anoual. En plus de ces deux, Oncologie et Diagnostic du Maroc gère aussi le centre d’anatomo-pathologie Moulay Driss, la clinique Menara à Marrakech et centres en lancement à Oujda. D’ailleurs, et en dehors de sa politique d’acquisition de centres existants, ODM a construit de toute pièce le Centre oriental Al Kindy à Oujda dont l’ouverture devrait intervenir à la fin de l’été 2018. Établi sur 3000 m2, ce centre viendra compléter l’offre à Oujda. Un projet similaire est d’ailleurs lancé à Fès et devrait voir le jour dans 1 an. L’opérateur garde d’ailleurs un œil sur le démantèlement de Meden Healthcare (pôle santé du groupe Saham) dont ODM a déjà acquis deux unités. «Dans le développement, on a investi un peu plus de 100 millions de dirhams. Si l’on inclut les acquisitions, nous sommes sur une enveloppe de plusieurs centaines de millions de dirhams. L’engagement des nouveaux investisseurs se traduira par une entrée au Maroc de plusieurs centaines de millions de dirhams », ajoute Elmanjra.

Un apport en centaines de millions de dirhams

L’arrivée du fonds d’investissement britannique dans le tour de table, en lieu et place de Abraaj Maroc entre dans ce cadre (voir encadré Alta Semper Capital). ODM est sur un “créneau porteur“, et ses perspectives de développement son prometteuses. La recette de cette réussite réside dans la taille d’ODM, qui lui donne un pouvoir de négociation important face aux partenaires. C’est ce qu’explique le patron du réseau de cliniques : «Nous n’avons rien inventé. Cela se résume en deux idées de base: la gestion et le pouvoir de négociation. Les cliniques ne sont pas là à gérer chaque dirham. Exemple basique : le crédit bancaire. Quand c’est un individu ou une petite clinique, il remercie la banque de lui donner ce crédit sans regarder les conditions. Nous avons remis à plat toutes les lignes de financement avec tous nos partenaires financiers. On a tout renégocié à la lumière de la nouvelle configuration. Nous avons optimisé les coûts financiers qui représentaient des pertes inutiles pour les établissements. Parfois, c’est de l’ingénierie financière». Ajouter à cela, la possibilité de négocier avec les fournisseurs de matériels pour de plus grandes quantités d’achats. En laissant la gestion médicale aux praticiens et en reprenant les aspects de gestion, le modèle ODM fait un mariage heureux entre investisseurs et médecins pour développer le réseau. D’autant plus que les patients n’ont pas eu à débourser davantage pour payer leurs prestations de soins. Mieux, le patron d’ODM affirme que les prix ont même été revus à la baisse, dans plusieurs cas, pour les aligner avec la tarification nationale de référence.

L’Afrique à l’horizon

Avec un fort potentiel de développement au Maroc, Oncologie et Diagnostic du Maroc concentre pour le moment ses efforts de développement sur le marché national. Ce qui ne l’empêche pas de lorgner sur le reste du continent, en gardant œil sur les mouvements sur le vaste marché continental. « Sur les 18 mois qui arrivent, le focus restera certainement le Maroc. On doit asseoir notre réseau au Maroc avant d’aller voir au-delà des frontières. Nous comptons nous développer d’abord à travers des partenariats avant d’envisager une installation dans un autre pays. Cela ne pourra intervenir qu’à partir de 2020 », avait-il précisé. En attendant, le réseau de centre d’oncologie et d’imagerie médicale mène également des campagnes de dépistages gratuits de cancer auprès des populations. Avec plus de 200 salariés, ODM sert annuellement plus de 60.000 patients.

 

Abraaj Capital : un retrait forcé par ses difficultés!

«…ODM a besoin de partenaires financiers engagés pour entamer la phase suivante de son développement. L’idée de départ était d’ouvrir le capital à d’autres investisseurs aux côtés d’Abraaj. Il y a eu plusieurs partenaires intéressés par ODM et le Maroc, il y a eu ensuite une sélection et petit à petit les choses ont évolué et Alta Semper a été retenu ». Cette déclaration de Mohamed Elmanjra, fondateur et PDG de ODM, issue d’une interview accordée à un confrère, pourrait permettre d’expliquer le départ d’Abraaj. En effet, après la cession de ses participations dans Saham à Sanlam, avec pas moins de 80% de plus-value, ODM serait devenu le principal actif d’Abraaj au Maroc ; ce qui selon Elmanjra« ne justifiait plus d’avoir toute une équipe sur place ». Le fonds d’investissement a donc fermé son bureau local et transféré les activités marocaines à Dubaï. Soit. Mais ce second désengagement, après celui de Saham, ne pouvait être fortuite ; il marque une réduction de son implication dans le marché marocain. À cela, faut-il ajouter quelques déconvenues du Groupe d’Arif Naqvi (fondateur d’Abraaj) avec ses investisseurs à l’international. Le groupe confronté à des difficultés financières a dû céder ses fonds africains, latino-américains et turcs au fonds d’investissement américain Colony Capital. On parle même d’une cession de certains de ses actifs. À l’origine, une controverse sur la destination des fonds confiés par la Fondation Bill & Melinda Gates, Proparco et le Groupe Banque mondiale. Malgré un démenti d’Abraaj, ces investisseurs estiment que le milliard de dollars confié à Abraaj n’aurait pas été utilisé dans des investissements dans la santé comme prévu. Entre temps, et au passage, Arif Naqvi fait l’objet de poursuites criminelles par un tribunal de Sharjah aux Émirats Arabes Unis pour l’émission de deux chèques en bois respectivement de 300 millions $ et 217 millions $ à son partenaire Hamid Jafar, fondateur de Crescent Group. Abraaj trainerait une dette de près de 1 milliard $. Alors, un peu de sous ici et là ne peut que faire du bien!

Alta Semper Capital prend la place d’Abraaj

En retirant ses pions, Abraaj a, selon Mohamed Elmanjra, réussi une belle opération avec une plus value intéressante, parce que n’étant pas acculé à sortir. C’est le groupe britannique Alta Semper Capital, gestionnaire de fonds, qui a repris la place anciennement tenue par Abraaj dans le capital d’ODM. Alta Semper s’est associé à un groupe d’investisseurs dont Ashmore Group pour acquérir la majorité du capital du réseau de cliniques marocain. Le fonds d’investissement, spécialisé dans la santé, les biens et services en Afrique, a déjà mené d’autres opérations sur le continent. D’abord en Égypte où Alta Semper Capital a pris les rênes de Macro Holding, une société de produits cosmétiques et de médicaments génériques. Puis au Nigéria, où le capital-risqueur londonien a injecté 18 millions $ dans Health Plus Limited, première chaîne de pharmacies en Afrique de l’Ouest. La chaîne compte pas moins de 80 points de vente, ce qui en fait l’un des plus grands détaillants spécialisés en Afrique de l’Ouest. Le rachat des parts d’Abraaj au Maroc constitue sa troisième opération sur le continent.

Mohamed Elmanjra, un retour aux sources…

Perdu de vue ? Après son départ de Méditel en mars 2013, Mohamed Elmanjra s’est fait assez discret. Suffisamment pour se faire oublier un peu. Mais l’homme, qui n’est plus à présenter, n’a pour autant pas chômé. Il crée la même année, Blue Mango Capital, une société de gestion de participations. Un temps annoncé pour prendre la tête du pôle santé du groupe Saham, il aura préféré faire cavalier seul et monter sa propre entreprise. En lançant Oncologie et Diagnostic du Maroc, Mohamed Elmanjra boucle la boucle. En effet, au moment où il prend la tête de Méditel en 2008, Elmanjra avait déjà roulé sa bosse aux Etats-Unis et en France, dans plusieurs entreprises du secteur de la santé. De General Electric MedicalSystems aux lancements des star-upVioptix et Masimo spécialisées dans l’électronique médicale, en passant par le développement d’Adac (médecine nucléaire), Mohamed Elmanjra a baigné dans le monde de la santé depuis longtemps. L’intermède Méditel lui aura permis de se reconnecter à son pays et d’y prendre ses marques finalement. Avec ODM dont il est fondateur, PDG mais actionnaire minoritaire, Elmanjra tient les rênes de la décision et accorde le développement de l’entreprise avec sa vision de la pratique médicale. Il fait surtout un retour à ses premières amours. Et si la loi permettant le capital privé dans les cliniques a facilité les choses, Mohamed Elmanjra pense toujours que les médecins doivent détenir une part du capital pour qu’ils restent investis. Une sage approche…
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