Avez-vous souvenir de la «Ligue Arabe» ?

Par Pr. Jamal Eddine Naji

L’année prochaine elle osera fêter ses 80 ans ! Le 22 Mars 1945 elle fût baptisée et domiciliée au Caire comme : «Ligue des États Arabes» du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Une organisation régionale, avec statut d’observateur aux Nations Unies, fondée par six États, après l’adoption d’un «Protocole d’Alexandrie» en 1944 : l’Égypte, la Syrie, le Liban, l’Irak, la Transjordanie (la Jordanie actuelle), l’Arabie Saoudite et le Yémen.

Aujourd’hui, elle compte 22 États. Le Maroc la rejoignit en 1958 et le dernier adhérent sera l’État des Comores, en 1993. Sur les huit secrétaires généraux de ses huit décennies de vie, un seul fût non égyptien (le tunisien Chedli Klibi, quand l’Égypte fût exclue en 1979, suite à ses accords de Camp David avec Israël, et le siège fût transféré à Tunis. Suite au Sommet extraordinaire de Casablanca, en Mai 1989, l’Égypte réintégra la ligue en Septembre 1990 et le siège se réinstalla au Caire. Depuis 2016, l’égyptien Ahmed Aboul Gheit est son Secrétaire Général, ayant rempilé pour un 2ème mandat en Mars 2021. Dix ans ans est la norme à ce poste, hormis le record de 20 ans atteint par Mohamed Abdulkhalek Hassouna (1952 /1972) qui connût la guerre de Suez (ou «al3oudouane attoulati») ! Depuis 2022, l’organisation est présidée par l’Algérie, selon une logique de présidence tournante.

Une telle fiche pourrait vous suffire pour meubler votre mémoire sur cette organisation. Car que rapporter d’autre sur elle, comme grandes décisions qui seraient historiques, que liraient les générations futures dans leurs manuels scolaires ? Des déclarations, reniées ouvertement ou sous cap par une partie des membres ?!… Des initiatives de paix ou de guerre prises par un membre ou un groupe de membres sans quelconque concertation, encore moins, coordination ou validation, avec le reste des membres ?!..Une organisation qui a parmi ses objectifs mères : « encourager la coopération entre les États membres dans différents domaines, protéger leur indépendance et leur souveraineté individuelles et collectives, coordination de l’action politique et la défense des intérêts des pays arabes, promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité en prévenant les conflits, en résolvant les différents et en agissant dans un esprit de solidarité et d’unité… ».

« Kalam Fi Kalam ! »

Ces objectifs et d’autres, aussi nobles et même miséricordieux, sonnent en langue arabe, comme des prières dans la bouche d’un croyant non pratiquant, acceptant son impuissance, incapable de volonté pour se prendre en main et pour forcer son destin afin de concrétiser ses serments de foi. « Kalam fi Kalam » ! Une logorrhée pour tribuns plus ou moins légitimes, pour sommets, cérémonies et rituels superfétatoires par leur décorum, toujours dépassés et décalés par rapport au monde et à sa marche vers l’avenir de l’humanité ! Et pourtant, les forces initiales existent dans cette partie du Monde…

22 nations, peuplées par plus de 475 millions d’âmes en 2024. En tête, l’Égypte avec près de 115 millions, le Soudan près de 50 millions, entre 45 et 40 millions, l’Algérie, le Maroc et l’Irak ; entre 39 et 35 millions l’Arabie Saoudite et le Yémen, moins de 25 millions la Syrie, entre 12 et 10 millions la Tunisie, la Jordanie et les Émirats Arabes Unis, entre 6 et 5 millions le Liban, la Mauritanie, Oman et Koweït, entre 3 et moins de 2 millions Qatar, Bahreïn et Djibouti, et moins d’un million de Comoriens. En recoupant les estimations de la Banque Mondiale et celles de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), on obtient pour les 22 pays une population active de plus de 145 millions, mais juste, en moyenne, 45% de participation à la population active chez les 15 ans et plus ! Indicateurs inconnus pour la Ligue Arabe, elle regarde ailleurs…

Pour 2024, l’OIT fignole certains des chiffres qui ne peuvent espérer devenir objets de réflexion, de travail et de décisions dans la Ligue Arabe… Pour 12 pays les plus dynamiques parmi les 22 de la Ligue, elle pointe : un taux de participation de la main d’œuvre de 49,3% ; un taux de chômage de 10,3 % ; un taux d’emploi informel de 50,7% ; un taux de « travailleurs pauvres » de 12,6%.

Des chiffres qui feraient blêmir et mobiliser les États de l’Union Européenne s’ils les vivaient sur leur continent. Et pourtant, les Arabes, fiers de leur «Ligue » octogénaire, ont multiplié, de l’Océan au Golfe, des coquilles d’huitres pour espérer ramasser des perles de développement : le «Conseil de l’Unité Économique Arabe», crée en 1957, instituant en 2005 une « Grande zone arabe de libre-échange»; le Conseil de coopération du Golfe, crée en 1981, composé de six États, l’Arabie Saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, Émirats Arabes Unis et Qatar; « l’Union du Maghreb Arabe Uni » (UMA dont le conseil des chefs d’État ne s’est plus réuni depuis 1994) ; et  l’« Accord d’Agadir » établissant un libre-échange entre l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie, entré en vigueur en 2007.

Au bout du compte, la Ligue de 1945, qui a précédé la naissance de la famille européenne en 1957 (les traités de Rome créant la Communauté Économique Européenne – CEE -), enfile les coquilles mais bien peu de perles… A en juger par le vécu du (bientôt) demi-milliard d’âmes arabes vivant dans cette partie du globe…

Une partie, à propos, qui compte un petit pays, qui n’est pas membre de la Ligue (et pour cause, multiples causes !), qui donne des sueurs froides à tout ce monde arabe et au monde entier… Et qui n’est peuplé que par moins de 10 millions d’habitants : Israël…

Cherchez l’erreur… Pour bâtir et laisser à l’avenir de meilleurs souvenirs de ce monde dit arabe ! Sans sa «ligue» que ne retiendra pas sa mémoire de demain. Comme aujourd’hui.

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