Attendons pour voir…
Nabil EL BOUSAADI
C’est avec un résultat bien plus serré que ce que prédisaient les sondages – 50,9 % contre 49,1% – que Luiz Inacio Lula da Silva, l’ancien metallo qui avait présidé aux destinées du Brésil de 2003 à 2010, fera, à l’âge de 77 ans, son retour aux affaires de l’Etat, le 1er Janvier prochain mais, cette fois-ci, avec la marge la plus faible entre les deux finalistes de la présidentielle depuis le retour de la démocratie au Brésil après la dictature militaire qu’il a connu de 1964 à 1985.
Acclamé par des centaines de milliers de partisans massés sur l’Avenida Paulista de Sao Paulo mais se disant, néanmoins, « moitié heureux, moitié inquiet » du fait du silence aussi assourdissant que troublant de son adversaire qui a tardé à reconnaître sa défaite, le nouvel-ancien président a prôné, dans son discours post-électoral, la « paix et l’unité » et s’est félicité du « retour de la démocratie et de la liberté » au Brésil.
Mais, en déplorant la présidence clivante de Jair Bolsonaro, l’icône de la gauche brésilienne et patron du Parti des Travailleurs a tenu à préciser que « personne ne veut vivre dans un pays divisé, en état de guerre perpétuelle (car) il n’y a pas deux Brésil (mais) un seul peuple et une seule nation ».
Dénonçant, par ailleurs, le fait que la déforestation de l’Amazonie et les incendies aient fortement augmenté durant la présidence Bolsonaro, le nouveau président élu, pour lequel « le Brésil et la planète ont besoin d’une Amazonie en vie » a signalé, d’emblée, que « le Brésil est prêt à jouer, à nouveau, les premiers rôles dans la lutte contre le changement climatique ».
Mais, bien que douze années après avoir quitté le pouvoir, Lula, qui s’apprête à rendre « le Brésil heureux de nouveau » après avoir livré un duel acharné à son prédécesseur et ennemi de toujours, Jair Bolsonaro, soit encore considéré comme étant près du peuple et très aimé particulièrement dans les régions pauvres du Nord-est du pays, il n’en demeure pas moins vrai que, pour une bonne partie des Brésiliens, il incarnera toujours la corruption car pour être élu, en 2018, le président Bolsonaro avait beaucoup misé sur la haine du Parti des Travailleurs en le traitant de « voleur » et d’« ancien prisonnier ».
Ainsi, même si la victoire de Lula est une bonne nouvelle après que le mandat de son prédécesseur ait été marqué par la stigmatisation des minorités, l’incurie sur le plan environnemental, la promotion des intérêts de l’agro-business et une haine à peine dissimulée de la démocratie et de ses mécanismes, force est de reconnaître que malgré sa défaite, l’ancien capitaine de l’armée brésilienne qui est toujours soutenu par Washington, l’armée, la police, l’église évangélique et les lobbies des armes et de l’agro-business a vu son camp se renforcer au Parlement et dans certains Etats ; ce qui compliquera la mise en œuvre, par le nouveau président, de ces ambitieux programmes sociaux et éducatifs qu’il chérit tant et qui constituent la pierre angulaire de sa politique.
En considérant, enfin, qu’en dépit des scènes de liesse dans les rues du pays avec des feux d’artifice et un discours de victoire plein de promesses, le nouveau mandat du président Lula s’annonce plutôt ardu, attendons pour voir…