Bricolage: Redistribution des cartes en vue

Après plus de dix ans d’existence, le secteur du bricolage amorce une nouvelle phase dans son développement, le tout sur fond de domination du marché traditionnel (quincaillerie, droguerie). Entre les enseignes qui baissent le rideau, celles qui souhaitent ouvrir leur capital pour accélérer leur croissance, ou encore celles qui repensent leur business model, le marché risque d’être la scène de plusieurs opérations en capital. A commencer par Mr Bricolage qui serait à la recherche d’un potentiel repreneur.

Mr. Bricolage, la chaîne française de grande distribution spécialisée dans le bricolage, le jardinage, la décoration et l’aménagement de l’habitat aurait mandaté un conseiller financier pour chercher un repreneur. Selon les spécialistes du domaine, après le départ du franchiseur français, la partie marocaine, Brico Invest, société détentrice de la master-franchise au Maroc, chercherait à se désengager du capital.

Pour rappel en 2015, la maison mère de Mr. Bricolage France a décidé de sortir du capital de Brico Invest, la structure qui détient des magasins à l’enseigne Mr. Bricolage au Maroc (Marrakech, Agadir, Tanger et Casablanca). Le groupe français qui possédait une participation de 19,57%, soit environ 11 millions de dirhams, reste toutefois partenaire commercial et franchiseur au Maroc.

«Les parties ont cependant décidé de pérenniser leur excellente coopération à travers un nouveau protocole d’accord définissant les termes d’un partenariat volontariste pour l’exploitation de l’enseigne Mr Bricolage, son développement commercial et l’accompagnement dans l’élargissement du réseau de magasins», avait expliqué Majid Benjelloun, directeur général de Brico-Invest.

Cette décision a été prise par les actionnaires français dans le but de se focaliser sur leur repositionnement au profit d’un choix de développement sur le marché français (cf encadré «Pourquoi Mr Bricolage France a quitté le Maroc»). «Ils ont appliqué au Maroc le format européen caractérisé par des produits conçus pour la clientèle du Vieux continent. Une stratégie élitiste, qui ne s’est pas avérée judicieuse pour leur développement», avait avancé un professionnel du secteur pour expliquer le développement titubant de l’enseigne depuis son arrivée au Maroc.

Embellir la mariée?

Après ce retrait, qui n’a pas manqué malgré tout de susciter nombre d’interrogations sur l’avenir de l’enseigne, Mr Bricolage a connu l’année suivante un nouveau coup dur : l’incendie du magasin de Marrakech alors que flottait encore dans les esprits l’offre de rachat fin 2015 de la part de son principal concurrent, Bricorama. Finalement le deal ne s’est pas conclu et le management a profité de cette conjecture d’événements pour mieux revenir.

Réaménagement complet du site de Marrakech avec à la clé un magasin entièrement repensé, de nouvelles implantations des différents rayons, un agencement et des présentoirs redésignés, ainsi qu’une attention particulière à tous les aspects de l’accueil et des services aux clients.

Le management a par ailleurs mis en place une nouvelle organisation du personnel et des effectifs du magasin ainsi que de nouvelles méthodes de gestion des stocks pour encore mieux répondre aux besoins spécifiques de la clientèle du magasin.

Le magasin de Marrakech devient ainsi le premier du réseau à voir se matérialiser le nouveau concept mis en place dans le cadre de sa nouvelle stratégie de développement. Brico-Invest annonce également le renforcement de son maillage territorial qu’il amorce avec l’ouverture d’un deuxième magasin au centre de Casablanca.Un concept en milieu urbain donc, car tous les opérateurs du secteur ont fini par constater que ces magasins du centre-ville prospèrent, notamment grâce à une clientèle d’habitués. De
fait, pour des achats plus fréquents,
les clients préfèrent rester dans le
centre urbain au lieu de se déplacer en périphérie. Le leader du secteur dans la distribution moderne Bricoma, qui dispose aujourd’hui de 16 implantations dans différentes villes etemploie 800 personnes, a initié lui aussi cet ajustement en termes de format. L’enseigne appartenant à la famille Chahad est en train de tester un nouveau format de magasins (moins de 1.000 m²). Si le premier situé à Temara, donne des résultats probants, il sera sans doute dupliquer dans d’autres villes du royaume.

Un potentiel conséquent

Si le marché du bricolage donne l’impression d’un certain essoufflement, car il faut avouer qu’à la base la marocain n’est pas particulièrement bricoleur, il n’en reste pas moins que le potentiel existe et qu’il est encore inexploité. Il n’y a qu’à voir les résultats de Bricoma pour s’en convaincre :

un chiffre d’affaires de 690 millions de dirhams en 2016 contre 600 en 2015 ; etjusqu’à fin septembre 2017, une hausse de 16% en termes de chiffres d’affaires et +20% en termes de fréquentation, avec des projections qui tables sur une croissance d’entre 15 et 18% pour 2018. Ceci dit, Bricoma est elle aussi à la recherche de nouveaux fonds pour financer son développement. Son top management n’exclut pas une IPO à court terme ou encore l’ouverture de son capital. «Le marché des magasins spécialisés est encore dans une phase embryonnaire, puisque le Marocain n’est pas bricoleur….Et comme, nous évoluons dans un marché qui n’est pas encore saturé, nous considérons donc que nous avons le temps pour chercher d’autres investisseurs et d’autres opportunités», avait déclaré il y a quelques semaines à la presse Mohamed Filali Chahad, le PDG de l’enseigne.

Du côté de Brico Invest, les affaires n’ont pas été toujours aussi facile car l’entreprise a connu plusieurs exercices déficitaires, totalisant jusqu’à 70 millions de dirhams de pertes (6,5 millions d’euros).Mr bricolage a toutefois retrouvé l’équilibre en 2015. En 2013, près de dix ans après son implantation au Maroc, l’enseigne a envisagé d’aborder un nouveau virage pour accélérer son développement. Brico Invest a cherché à ouvrir son capital pour financer une nouvelle vague d’ouvertures de points de vente, mais sans succès.

«Le vrai problème de ce marché est le sourcing, qui consiste à l’approvisionner en marchandises tout en gardant un œil sur le coût général des achats.Pour cela, il faut bien connaître le consommateur marocain, mais aussi ses fournisseurs pour négocier au mieux l’importation des produits et surtout diversifier ses sources d’approvisionnement. C’est d’ailleurs la principale raison de l’échec des différentes franchises du secteur au Maroc, car les maisons mère imposent un sourcing pas toujours approprié pour le marché local», conclut la même source.

A cela il faut ajouter l’arrivée régulière de nouveaux entrants telsque Brico Smart (BS), un supermarché de l’outillage, plomberie, bricolage, électricité, sanitaire, quincaillerie ou encore dans un autre registre l’enseigne suédoise Ikea (décoration, ameublement…) qui ont intensifié la concurrence, sans oublier la forte présence du véritable numéro 1 du secteur : l’informel.

Soumayya Douieb

Petite histoire du bricolage moderne au Maroc

Pas très connu il y a de cela quelques années, le secteur du bricolage, contrôlé par une poignée d’enseignes nationales et internationales, a connu un grand chamboulement.

Ayant fait son entrée au Maroc à partir de 2004, le bricolage représente aujourd’hui une branche à part entière dans la distribution spécialisée. Ce marché a connu l’entrée de quatre opérateurs : Weldom, Bricorama, Bricoma et Mr. Bricolage. Ces enseignes ont pour but la restructuration d’un marché qui reste dominé par des petites structures «drogueries», manquant de diversité dans l’offre produits et de transparence dans les prix. Si l’expérience s’avère concluante pour Bricoma et Mr. Bricolage, les deux premières n’ont pas eu le même succès. En effet, elles se sont désengagées du marché marocain quelques années après leur installation.

Ce qui est sûr c’est qu’après plus de 10 ans de leur déploiement dans le marché du bricolage, les grandes surfaces spécialisées en bricolage ont connu un essor important, compte
tenu du budget alloué par les ménages au bricolage et à l’habitat. Faute de chiffres officiels, les opérateurs parlent du bricolage comme étant le deuxième poste le plus significatif des dépenses des ménages au niveau de la grande distribution, après l’alimentation. Ainsi, le taux de croissance du secteur oscille autour de 10% annuellement, ceci après avoir affiché une croissance entre 10 et 15% entre 2004 et 2010.

Pourquoi Mr Bricolage a quitté le Maroc 

«Les magasins intégrés seront cédés, dix-sept seront même fermés et une dizaine de points de vente seulement seront conservés afin de servir de vitrine.Mr. Bricolage a choisi son camp. Le groupe de magasins de bricolage arborait jusqu’à présent une configuration atypique, constitué qu’il est de 672 magasins indépendants franchisés en France (dont des Briconautes, sa marque discount) et de 87 points de vente détenus en propre. Le tout coté en Bourse. Ce véritable ovni de la distribution a décidé mercredi, par un vote unanime de son conseil d’administration, de n’être plus à l’avenir qu’un réseau d’indépendants.

Dans cette logique, le parc de magasins intégrés va être progressivement cédé à des adhérents possédant déjà des magasins ou à de nouveaux investisseurs. Une dizaine de points de vente seulement seront conservés afin de servir de vitrine à la franchise. Quelque 32 cessions sont prévues dans les trois ans. Une trentaine d’autres unités suivront, après avoir été rendues «désirables» par 13 millions d’euros d’investissements. Dix-sept autres points de vente seront, eux, tout simplement fermés, avec en jeu 238 emplois. « Nos magasins intégrés ont perdu au total 11 millions d’euros lors du premier semestre, explique Christophe Mistou, le nouveau directeur général arrivé en mars. Certains pourront être redressés, au prix d’investissements et, notamment, d’un apurement de leurs stocks, mais d’autres sont structurellement déficitaires». «Nous voulons concentrer nos efforts sur l’accompagnement de notre réseau d’adhérents-entrepreneurs».

Related posts

Top