Colombie: Arrestation de l’ancien président Alvaro Uribe

«La privation de ma liberté me cause une profonde tristesse pour mon épouse, pour ma famille et pour les Colombiens qui croient encore que j’ai fait quelque chose de bien pour la patrie» a écrit, ce mardi, sur son compte «Twitter», Alvaro Uribe qui avait présidé aux destinées de la Colombie de 2002 à 2010 au nom de la «droite dure» et ce, après que la justice de son pays ait ordonné son arrestation pour son implication dans une affaire de manipulation de témoins contre un opposant de gauche.

Mais, à en croire les médias du pays, malgré sa condamnation à l’issue d’une audience à huis-clos, Alvaro Uribe, 68 ans, qui est le parrain politique de l’actuel président Ivan Duque et le chef du Centre Démocratique, le parti au pouvoir, ne sera pas transféré, pour le moment, dans une prison mais assigné à résidence même s’il encourt jusqu’à huit années d’emprisonnement pour «subornation» et «fraude procédurale».

En dépit du très fort soutien que lui témoignent encore ses concitoyens pour la fermeté de sa politique contre les guérillas de gauche, l’ancien président est entendu depuis le 9 Octobre dernier dans le cadre d’une enquête pour «manipulation de témoins».

En effet, en 2014, en sa qualité de sénateur, l’ancien président Alvaro Uribe avait porté plainte contre un de ses adversaires, le sénateur de gauche Ivan Cepeda accusant ce dernier de s’être rendu dans une prison pour convaincre des paramilitaires de témoigner contre lui afin de le faire condamner pour complicité avec les milices anti-guérilla.

Or, à l’issue de cette enquête, la Cour, qui ne s’est pas contentée de décréter un non-lieu a décidé  d’ouvrir une enquête contre l’ancien président pour «manipulation de témoins» et «obstruction à la justice» alors même que ce dernier reste visé, par ailleurs, par d’autres enquêtes pour des crimes présumés liés notamment au long conflit armé ayant opposé, durant six décennies, le gouvernement de Bogota aux Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC).

C’est dans ce cadre, d’ailleurs, qu’en Juin dernier, la Cour Suprême de Colombie avait annoncé l’ouverture d’une enquête portant sur une affaire d’écoutes illégales qui, en 2019, auraient visé des journalistes, des hommes politiques, des syndicalistes et même d’anciens militaires ; une affaire à propos de laquelle l’ancien président a toujours clamé son innocence et qui a même poussé le parti du Centre Démocratique, au pouvoir, à mener une intense campagne médiatique pour défendre «l’honneur» de son chef.

Et si, enfin, pour les partisans de l’ancien président colombien, il serait injuste et inadmissible que «le sauveur de la patrie» soit envoyé en prison alors que les chefs guérilleros des F.A.R.C., démobilisés depuis 2016, siègent au Congrès en application des dispositions dûment fixées par l’accord de paix, l’actuel président Ivan Duque a lui-même volé au secours de son chef en déclarant, face aux caméras : «J’ai cru, je crois et je croirais toujours en l’innocence et en l’honorabilité de celui qui, par son exemple, a gagné une place dans l’histoire de notre pays».

Le soutien d’une large frange de la population colombienne dont bénéficie encore l’ancien président est-il suffisant pour l’extirper des griffes de la justice de son pays? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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