Comment Glovo a conquis le monde (ou presque) en moins de 5 ans!

Si aujourd’hui on peut affirmer sans avoir trop peur de se tromper que beaucoup de marocains urbains connaissent Glovo, ou du moins ces motos avec un caisson jaune à l’arrière qui sillonnent dans tous les sens les grandes villes du royaume, cela n’a rien d’un épiphénomène. «L’armée jaune» de la start-up espagnole est connue dans plus de 26 pays aujourd’hui. Zoom sur un business model qui n’a pas fini de faire parler de lui tant par sa croissance fulgurante que par la précarité dans laquelle il met de facto ses coursiers, que ce soit au Maroc ou ailleurs.

Quelques chiffres pour commencer et se rendre compte de l’ampleur du phénomène Glovo : 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une hausse de plus de 200% par rapport à 2018, année où les ventes avaient déjà bondi de 350% ; 50.000 livreurs Glovo, à vélo ou à moto, pour apporter à domicile des repas de restaurants dans 300  villes mais aussi couches pour bébés, médicaments, fleurs, etc; et pour finir quelque 460 millions d’euros  levés depuis 2015 auprès d’investisseurs attirés par l’essor du secteur, et vient d’accéder fin 2019 au statut envié de « licorne », à savoir ces start-ups valorisées au-delà d’un milliard de dollars

Pour cette seule année 2019, la strat-up a levé quelques 300 millions d’euros.

Dans le détail, le concept a séduit des fonds européens comme Entrée Capital (Londres) et Bonsai Venture Capital (Madrid), qui y ont injecté 5 millions d’euros à l’été 2016, dans la lignée d’une levée d’amorçage bouclée fin 2015 pour un montant de 2 millions d’euros.

Le compteur monte avec un tour de table qu’emmènent un investisseur historique (Seaya Capital) et deux nouveaux entrants : le groupe e-commerce Rakuten et le fonds digital franco-chinois Cathay Innovation, monté avec Bpifrance et China Development Bank.

L’opération, annoncée à 30 millions d’euros, doit notamment permettre à Glovo de diversifier les catégories de produits disponibles à l’achat.

Fin 2019, c’est le fonds souverain d’Abu Dhabi, Mubadala dans la start-up espagnole Glovo qui y investit 150 millions d’euros.Objectif : soutenir son expansion express, à savoir couvrir une dizaine supplémentaire de villes par semaines, et recruter quelques 300 nouveaux ingénieurs et développeurs d’ici mi-2020 pour faire passer le délai de livraison de 30 minutes actuellement à 15 minutes. Créée en 2015, Glovo espère commencer à être rentable à partir du 1er trimestre 2021.

Le business model agressif

En 2013, lorsqu’il quitte Airbus, il trouvait que ça n’allait pas assez vite pour lui dans l’aéronautique. « L’industrie est un peu lente… Je cherchais un autre rythme », explique à l’AFP l’ancien ingénieur aéronautique, la silhouette élancée, le regard bleu concentré.

Aujourd’hui, le voici servi. Le jeune Espagnol dirige 1.500 employés dans 26 pays, dont la moitié à Barcelone, sa ville natale, à partir de bureaux flambants neufs dignes de la Silicon Valley: poufs, baby-foots, cafétéria décorée de photos polaroïd des jeunes employés.

Oscar Pierre a fondé Glovo, aux côtes de Sasha Michaud (cf encadré), en 2014 dans sa ville natale.  Au départ, l’idée  est  de vous livrer, n’importe quoi ou presque, en moins d’une heure, sur un vélo ou un scooter. Mais d’emblée, c’est la restauration qui a dominé l’essentiel des livraisons. Du pour étendre ses parts de marché, la start-up espagnole multiplie les partenariats avec des fournisseurs locaux et des enseignes de la grande distribution et des chaînes de restauration rapide. En France, des partenariats ont été signés à Paris avec Chilam Tacos (street food mexicaine), Bagel Corner et le marché des Enfants-Rouges, Carrefour, Mc Do ou encore KFC .Au Maroc, Glovo est partenaire de Burger King et de Tacos de Lyon,….. Au Kenya, de Simbisa qui regroupe plusieurs enseignes (Pizza Inn, Chicken Inn, Galito’s, Creamy Inn et Stop & Shop & Bakers Inn).

Glovo s’est attaqué au marché africain fin 2018 avec le Maroc, où l’application est accessible à Casablanca, Rabat et Marrakech. Depuis janvier 2019, celle-ci est également disponible à Nairobi. Sur le continent, comme ailleurs dans le monde, Glovo suit une stratégie agressive de développement. En 2018, l’entreprise avait lancé une nouvelle ville tous les quatre jours en moyenne. Après des lancements réussis au Maroc, au Kenya et en Côte d’Ivoire, la start-up espagnole spécialisée dans la livraison, créée en 2015, s’attaque au Ghana et au Nigeria d’ici la fin de l’année.

Les livreurs, le nerf de la guerre

En clair, pour croître, Glovo s’implante là où la concurrence est moins vive qu’en Europe occidentale : Amérique latine, Kazakhstan, Ukraine, Maroc, Côte d’Ivoire, etc.

Aujourd’hui, la start-up continue de multiplier les partenariats mais compte développer ses capacités de distribution grâce aux «SuperGlovo», des entrepôts d’épicerie qu’elle détient en propre. Elle en compte sept aujourd’hui et veut en ouvrir une centaine d’ici à deux ans. Et prévoit aussi d’optimiser les temps de livraison grâce aussi aux algorithmes qui gèrent au plus précis la préparation des commandes, afin d’ajuster au maximum le timing des coursiers, avec l’objectif de réduire à 15 minutes les délais de livraison.

Les coursiers, auxquels il est promis des revenus «jusqu’à 15 euros de l’heure. À vélo ou à scooter avec leurs sacs jaunes portant le logo Glovo, ils vont réaliser les achats au nom du client et collectent le paiement au moment de la livraison.Le service fonctionne 7 jours sur 7, de 8 h à minuit. Les coûts de livraison pour une commande sont essentiellement basés sur le nombre de magasins et la distance parcouru.

Au-delà de l’aspect marketplace, Glovo propose une offre btob sous l’angle de la «flotte de coursiers à la demande»; et une API qui permet d’intégrer son service de livraison aux plates-formes e-commerce.L’idée à terme est d’être capable de livrer toutes sortes d’objets, y compris de particulier à particulier. Par exemple, des clés oubliées chez quelqu’un. À côté de cela, l’entreprise s’est lancée dans les «cuisines fantômes», ces entrepôts où des restaurants préparent des repas exclusivement destinés à la vente par livraison. Elle en a déjà ouvert dans plusieurs villes en Espagne, mais également à Buenos Aires, Kiev ou encore Milan.Mais plus que ces projets, ce sont les livreurs qui ont fait la Une en Espagne ces derniers mois. Selon l’AFP, plusieurs grèves dénonçant un quotidien sous pression et des heures de travail insuffisantes pour obtenir un revenu décent ont éclatées.

Vingt-et-un livreurs ont traîné Glovo en justice, l’accusant de les traiter en «faux indépendants», soumis aux mêmes contraintes que des salariés mais sans les avantages sociaux dont ces derniers bénéficient.Les tribunaux ont donné raison onze fois aux livreurs et dix fois à Glovo, selon l’entreprise. La Sécurité sociale espagnole lui réclame des cotisations impayées pour des centaines de livreurs.

Pour l’heure, les 2000 coursiers au Maroc travaillent dans le silence car la demande est très forte. Le recrutement de livreurs était d’ailleurs momentanément suspendu fin 2019, car Glovo était saturé. Pourtant, leurs recettes restent maigres et leurs conditions de travail précaires, entre accidents et parfois même agressions. Leur statut d’auto entrepreneur ne leur garantit aucune protection.Les livreurs sont payés à la commande (entre 8 et 15 dirhams), l’investissement de départ (scooter la plupart du temps), le carburant, l’assurance du véhicule étant à leur charge. Selon une enquête du mensuel EE, leur revenu est ainsi estimé entre 1.000 et 2.000 dirhams par moisune fois toutes les charges déduites.

Soumayya Douie

Un duo gagnant

Après une formation d’ingénieur aéronautique à l’Université Polytechnique de Catalogne et au Georgia Institute of Technology, Oscar Pierre Miquel a décroché un poste au sein d’Airbus à Toulouse en France. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expérience a été de très courte durée : il n’y restera que de juillet à décembre 2013. Dans la foulée, il crée FUO Concept, une market place dédiée aux produits artisanaux, avant de démarrer l’aventure Glovo à la fin de la même année.Né en 1992 et héritier d’une famille d’entrepreneurs d’origine française installée en Espagne depuis le XIXe siècle, il a aussi monté une ONG qui lutte contre la pauvreté au Malawi et en Catalogne grâce à l’éducation, Zikkomo (2010-2016)

Mais Oscar Pierre n’a pas monté Glovo seul. L’aventure a démarré aussi sous l’impulsion de Sacha Michaud. Fondateur d’une agence de développement Web dans les années 90, fut plus récemment chargé du portail Wanadoo en Espagne, puis responsable, sur place, des activités du site de Paris Betfair.

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