COP26 : à mi-parcours, l’écart Nord-Sud toujours béant

A mi-parcours de la cruciale COP26, les pays en développement ont fustigé lundi les engagements selon eux insuffisants des nations les plus riches, accusées de sacrifier les vies de milliards d’habitants de la planète en première ligne du réchauffement climatique.

Au cours de la session plénière faisant le bilan de la première semaine de négociations, les groupes représentant les pays en développement et émergents n’ont pas mâché leurs mots, malgré les nouvelles promesses, en particulier de financement, engrangées ces derniers jours.

« Le groupe des Pays les moins avancés est préoccupé par le fait que les actions de certains pays ne sont pas en ligne avec les déclarations, il y a une déconnexion entre les déclarations publiques et ce qui se passe dans les négociations », a dénoncé son président Sonam Phuntsho Wangdi.

Il s’est notamment inquiété de la façon dont l’objectif de limitation du réchauffement à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle – l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris devenu de facto le plafond à ne pas dépasser pour éviter les pires impacts – serait reflété dans la décision finale de cette COP26.
« Tout compromis » sur ce point « voudrait dire négocier avec la vie de milliards de personnes dans les pays les plus vulnérables comme les nôtres », a-t-il insisté.

Avant cette COP, les engagements de réduction des émissions de CO2 des Etats pour 2030 menaient vers un réchauffement « catastrophique » de 2,7°C, au mieux 2,2°C en ajoutant les objectifs de neutralité carbone pour le milieu du siècle, selon le rapport de référence de l’ONU-Environnement.

La première semaine a vu des annonces significatives, du renforcement des objectifs de réduction des émissions de l’Inde, du Brésil ou de l’Argentine, à l’engagement d’une centaine de pays à réduire les émissions de méthane en passant par des promesses de sortie du charbon.

L’ONU-Environnement n’a pas encore mis à jour ses prévisions de hausse de la température, mais selon diverses analyses préliminaires d’autres experts, si et seulement si toutes les nouvelles promesses étaient effectivement remplies, on pourrait limiter le réchauffement un peu au dessous de +2°C.

Mais, alors que chaque dixième de degré supplémentaire entraîne son lot de nouvelles catastrophes, le plafond de +1,5°C serait toujours dépassé. Et la requête des nations les plus vulnérables de soumettre chaque année des engagements plus ambitieux devrait rester lettre morte, selon les observateurs.

« Il y a deux vérités ici », note Helen Mountford, du centre de réflexion World Resources Institute. « Nous avons fait beaucoup de progrès dans certains domaines, que nous n’aurions jamais imaginés il y a deux ans, mais, en même temps, ce n’est pas assez ».

La plupart des pays ont manqué d' »ambition » pour mettre en oeuvre l’accord de Paris sur le climat, a regretté à Glasgow Barack Obama, qui était président des Etats-Unis à l’époque de la COP21 de Paris en 2015, appelant à « faire plus » et louant la « colère » de la jeunesse sur la crise climatique.

Faire plus en termes d’ambition, mais aussi sur la question explosive du financement, insistent en choeur les pays en développement, estimant que leurs « préoccupations » ne sont pas prises en compte.
« Il y a une mauvaise foi des pays développés qui demandent toujours aux pays vulnérables de faire davantage », mais sans avoir mis les fameux « 100 milliards » promis sur la table, insiste dans un entretien avec l’AFP Ahmadou Sebory Touré, qui préside le Groupe77+Chine rassemblant 134 pays en développement ou émergents.

En 2009, les pays développés avaient promis de porter à 100 milliards de dollars par an leur aide aux pays en développement pour réduire leurs émissions et s’adapter aux impacts. Mais il manquait encore plus de 20 milliards en 2019 et le Nord espère désormais y parvenir en 2023.

« Arrêtons les paroles en l’air sur l’accès aux financements », a dénoncé Lia Nicholson, au nom de l’Alliance des petits Etats insulaires (Aosis), déplorant que les populations en première ligne « soient prises en otage d’une charité aléatoire ».
Après une première semaine, les ministres entrent en piste pour tenter de trouver des compromis sur les grandes orientations politiques, mais aussi sur les articles en suspens depuis trois ans concernant les règles d’application de l’accord de Paris, notamment le fonctionnement des marchés carbone.

Et il y a encore beaucoup de pain sur la planche, avec des sessions de négociations déjà envisagées tard chaque nuit.
Mais certains doutent de la volonté des grands émetteurs d’aboutir à une déclaration finale ambitieuse, telle la militante Greta Thunberg qui a déjà qualifié cette COP d' »échec » devant des milliers de jeunes manifestants vendredi à Glasgow.

« Si le changement climatique est une alerte rouge pour l’humanité, pourquoi tant de pays à la COP26 négocient-ils comme si c’était un simple exercice incendie ? », lance aussi Rachel Rose Jackson, de l’ONG Corporate Accountability.

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