Le gouvernement va-t-il mettre fin à la gratuité de l’enseignement? Depuis quelques jours, la question alimente les débats. Ce qui n’était jusque-là qu’un projet cher à l’ancien gouvernement et une recommandation du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS) pourrait bientôt franchir l’étape de la concrétisation. A en croire les informations relayées, une loi devrait être adoptée cette semaine, instaurant les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur public, dans le cadre des réformes de l’éducation.
La loi dont il est question s’inscrit dans le cadre de la réforme de l’éducation. Il y’a quelques années encore, ce projet de fin de gratuité avait été porté par le gouvernement sous la direction de l’ancien chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane. Objectif: financer l’enseignement supérieur public, confronté ces dernières années à des effectifs pléthoriques. De 780 000 étudiants en 2016/2017, l’on serait passé cette année à 900.000 étudiants dans les universités marocaines, y compris le grand nombre d’étudiants subsahariens inscrits dans les universités dans le cadre du partenariat entre le Maroc et les pays d’Afrique subsaharienne. En 2016, le CSEFRS avait donné son avis favorable par rapport à ce projet de loi-cadre, suscitant l’ire des syndicats d’enseignement.
En effet, ce projet prévoit une contribution des familles pour financer les études de leurs enfants. Le CSEFRS avait suggéré en 2016 que seules les familles aisées s’acquittent de frais d’inscription, à partir du lycée jusqu’à l’université. Si le financement de l’enseignement supérieur est pointé comme la principale raison, Lahcen Daoudi, ancien ministre de l’éducation avait confié à l’AFP que «la gratuité n’est pas en jeu. Ces frais d’inscription c’est pour faire en sorte que les riches arrêtent de profiter du système», sachant que l’Etat consacre 25% de son budget à l’enseignement. Ces efforts financiers ne parviennent toutefois pas à redorer le blason de l’enseignement dans le Royaume puisque selon l’UNESCO, le Maroc fait partie des 25 pays les moins avancés en termes de scolarisation.
De manière détaillée, les frais d’inscription seraient instaurés dans certaines branches de l’enseignement supérieur et pour certaines couches sociales. L’enseignement primaire et secondaire ne serait pas concerné.
Suite à l’avis favorable du CSEFRS, les syndicats d’enseignement avaient exprimé leur désapprobation de la proposition d’instaurer des frais de scolarité au niveau de l’enseignement universitaire, prévue dans le projet de loi-cadre. Ils estiment qu’il existe d’autres moyens et sources de financement autre que le fait d’imposer les frais d’inscription aux familles. D’autres moyens seraient envisageables, de l’avis des syndicats, comme la participation financière des communes, la création d’un fonds spécial de soutien de l’enseignement ou une contribution financière volontaire des organismes et des entreprises privées. Selon les opposants à cette décision, cette mesure serait en contradiction avec les engagements qui visent à encourager le renforcement de l’enseignement supérieur public, d’autant plus que pour plusieurs milieux défavorisés, l’enseignement supérieur serait le seul ascenseur social pour ces familles. Dans le milieu syndical, les opposants à ce projet espéraient que le nouveau gouvernement renoncerait à ce projet porté par le gouvernement précédent. Malheureusement, le projet de loi-cadre résiste et le gouvernement serait sur le point de l’adopter.
Danielle Engolo