Espagne: Le retour de l’extrême-droite?

Les espagnols qui semblaient à peu près certains de n’avoir jamais à revivre cette ère du franquisme qui avait duré de 1937 jusqu’à la mort du Caudillo en 1975 ont été violemment secoués ce dimanche 7 Octobre 2018 lorsqu’ils ont vu que le parti  Vox, une petite formation politique d’extrême-droite, non représentée au Parlement, lancée il y a à peine 5 ans par d’anciens militants du Parti Populaire parmi lesquels Santiago Abascal, son actuel président, a pu réunir, dans la capitale espagnole, 10.000 sympathisants à l’intérieur d’une même enceinte pendant que 5.000 autres étaient restés dehors faute de place.

Les madrilènes ont été frappés de stupeur en voyant autant de monde applaudir, pendant des heures, les discours enflammés des principaux dirigeants du parti Vox célébrant la glorieuse histoire du pays. Non pas celle de la guerre civile ou de la dictature franquiste d’après-guerre, mais celle -plus éloignée encore- qui, le 7 Octobre 1571 (et qui fait que la date du rassemblement n’est donc pas fortuite) avait permis à la coalition chrétienne dirigée par l’Espagne «d’empêcher l’Europe de tomber dans la barbarie» en venant à bout de l’Empire Ottoman.

Pour l’histoire, cette bataille qui fut le point d’orgue d’une croisade organisée par le Pape pour libérer Chypre que le Sultan Sélim II venait de conquérir, avait mis aux prises, dans le Golfe de Patras en Grèce, des centaines de galères espagnoles et vénitiennes à autant de vaisseaux turcs. Les chrétiens, menés par le jeune prince Don Juan d’Autriche, remportèrent ce jour-là une victoire décisive à l’issue de laquelle l’amiral turc avait été fait prisonnier avant d’être décapité et 15.000 captifs chrétiens furent libérés.

«El Periodico de Catalunya» évoque «le plus grand rassemblement d’extrême-droite depuis des décennies» ajoutant, dans sa «une», que «le parti alimente son essor en attaquant le processus (à savoir, l’indépendance de la Catalogne), l’immigration et le féminisme». Et le quotidien de poursuivre en précisant, par ailleurs, que «ce qui a le plus enflammé le public, ce sont les attaques permanentes contre le sécessionnisme catalan» mais aussi l’immigration notamment lorsque son président Santiago Abascal s’était écrié : «les criminels sont majoritairement des étrangers».

Mais, les deux grandes questions figurant au programme de Vox et afférentes à la lutte contre l’immigration et à la condamnation de la sécession qui, en Catalogne et au Pays Basque, menace la nation espagnole n’ont pas été les seuls sujets abordés par les orateurs.

Evitant la langue de bois si chère d’ordinaire aux politiciens de la vieille garde ringarde et cléricale, ceux-ci ont, tour à tour, défendu, en usant de termes clairs et précis, la patrie, la famille, voire même les coutumes et les traditions ; que celles-ci soient festives comme la corrida ou même sacrées comme ces multiples processions qui ont toujours fait l’objet de mépris de la part des formations de gauche.

Ce dimanche, tous les thèmes chers à l’extrême-droite avaient été mis en avant. Ainsi, il avait, également, été question de recentralisation de l’Etat, de dissolution des régions autonomes,  d’interdiction des partis indépendantistes, de suppression de la fameuse loi dite «de la mémoire historique» qui , en 2006, avait interdit l’exaltation du franquisme, d’expulsion des immigrés en situation irrégulière voire même de la récupération de Gibraltar, de la construction de murs dans nos provinces occupées de Sebta et Mellilia et même du retrait de l’Espagne de l’espace Schengen avec un alignement sur le groupe de Visegrad dans lequel on trouve la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie.

Il y a lieu de préciser qu’en une seule année, Vox a connu une très forte progression dans les sondages en passant, selon une enquête du CIS (Centre de recherches sociologiques), de 0,2% lors des dernières élections à 1,4%. Et même si ce taux reste très faible en comparaison avec la place qu’occupe actuellement l’extrême-droite dans d’autres pays européens, il a énormément surpris dans un pays qui, alors qu’il croyait en avoir fini avec la dictature qu’il avait connu durant près de quarante années, voit une petite formation d’extrême-droite progresser à un rythme effréné et passer, en quelques mois, de 3.000 à plus de 10.000 adhérents.

Au vu de tout cela, certains sondages attribuent, à Vox, trois voire même quatre sièges ou plus aux élections européennes qui se tiendront en Mai 2019 et lui prédisent une entrée en grandes pompes au Parlement espagnol lors des prochaines législatives. Ces pronostics se révèleront-ils exacts ou seront-ils démentis par les faits ? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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