Espagne: l’E.T.A. annonce sa dissolution…

C’est officiel, après avoir déposé les armes le 8 Avril 2017, l’ETA a distribué à la presse, ce jeudi 3 mai 2018, une “déclaration finale” où, après des décennies d’une lutte acharnée contre le franquisme et surtout au nom de l’indépendance d’«Euskal Herria», le Pays Basque et la Navarre, elle annonce sa dissolution et la cessation de toute activité politique.

Considérée par l’Union Européenne comme étant une organisation terroriste bien qu’ayant renoncé à la violence en 2011 et déposé les armes l’année dernière, l’ETA donnera ce vendredi une «conférence internationale» à Cambo-les-Bains, au pays basque français, en présence des représentants de plusieurs partis politiques espagnols et, dit-on, de Gerry Adams, l’ancien chef du Sinn Fein et de son bras armé l’Armée Républicaine Irlandaise (IRA).

Pour rappel, l’ETA, (Euskadi ta Askatusana) signifiant «Pays basque et liberté», est une organisation armée basque indépendantiste fondée le 31 Juillet 1959 à Bilbao en Espagne donc en pleine dictature franquiste, par des étudiants nationalistes basques marxistes-léninistes. Mouvement révolutionnaire, résolument anti-franquiste et défendant «l’identité nationale» son premier assassinat avait concerné un garde civil franquiste en 1968 alors que son premier grand coup d’éclat fut l’assassinat, en 1973, de l’amiral Carrero Blanco, l’homme fort du régime franquiste; une opération par laquelle l’ETA avait acquis un réel prestige et réussi à attirer à elle la sympathie de nombreux espagnols.

Mais, fait paradoxal, ni la mort de Franco, ni la démocratisation de l’Espagne, ni l’entrée du pays dans l’Union Européenne, ni la chute du mur de Berlin ni même le statut d’autonomie accordé au Pays Basque n’ont poussé l’ETA à changer son fusil d’épaule et à revoir sa stratégie. Aussi, à partir des années 1980 c’est presque une centaine de personnes qui étaient assassinées chaque année par l’organisation.

Restant donc sourde à l’évolution du pays et du monde et étant devenue, aux yeux de tous, et notamment de  l’Union Européenne, une organisation terroriste, l’ETA se verra alors refuser toute contrepartie à sa dissolution. C’est à ce titre d’ailleurs que ce jeudi, le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a déclaré que «quoiqu’elle fasse l’ETA ne trouvera aucune faille et pas d’impunité pour ses crimes» avant d’ajouter que «tout le projet d’ETA a été un échec retentissant. Elle n’a rien obtenu en assassinant des centaines de personnes, ni même quand elle a arrêté de tuer parce que sa capacité d’action avait été anéantie par les forces de sécurité et elle n’obtiendra rien de nouvelles opérations de propagandes».

Au cours d’une conférence de presse donnée à Saint Sébastien, le Collectif des Victimes du Terrorisme (COVITE) a sommé l’ETA de condamner la terreur, de faire la lumière sur 358 crimes restés inexpliqués  et de s’abstenir de rendre des hommages publics à ses militants lorsqu’ils sortent de prison.

De son coté, l’Etat espagnol a vertement condamné le message en date du 20 Avril dernier par lequel l’ETA, qui a regretté «les torts causés» et qui a tué plus de huit cents personnes tout au long de son existence, n’a sollicité le pardon que pour les seules victimes qui n’étaient pas  parties au conflit ; ce qui revient à dire que les dizaines de policiers et autres agents des forces de sécurité assassinés par l’organisation ne sont pas des victimes à ses yeux mais des «cibles légitimes»; une intransigeance qui lui coûtera chère et accentuera son rejet par la population.

Le désarmement de l’ETA et sa dissolution vont-ils enfin laisser place à la paix ? Si l’on en croit le militant écologique basque français Txetx Etcheverry, “le désarmement n’est pas la paix (car) il faut que les gouvernements français et espagnol aident à résoudre toutes les conséquences du conflit, à réparer le mal fait à toutes les victimes, à régler la question des prisonniers et des exilés et (enfin) à poser les bases d’un nouveau vivre-ensemble au Pays Basque”. Le chemin vers une véritable paix étant donc parsemé d’embûches, attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

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