Fort plaidoyer pour un portage politique de la culture

Hommage de la Fondation Ali Yata et du CERAB à feu Aziz Belal

Capitaliser sur le Soft power exceptionnel de la culture marocaine pour en faire un véritable levier de développement

Lotfi M’rini

Lui succédant, l’auteur de « Culture et développement. Repères pour une politique culturelle », Mohamed Lotfi M’rini est revenu sur son expérience en tant qu’ancien secrétaire général du ministère de la culture, dont le budget ridicule ne dépasse pas 0,25% du budget de l’Etat. C’est dire que le ministère de la culture est considéré comme le parent pauvre dans la vision étatique.

Et pourtant la culture en tant qu’identité est un vecteur important de la marocanité mais également en tant que marché, en tant que production de biens et services et surtout de biens porteurs de chances.

Après avoir souligné la nécessité dans ce cadre de saisir comme il se doit l’intervention des différents partenaires en la matière (Etat, gouvernement, entités territoriales élues, écrivains, artistes, organismes onusiens etc), il a estimé que les questions qui s’imposent dans le cas du Maroc concernent essentiellement le portage politique.

Pour qu’une politique publique puisse être admise au rang de priorité il faut qu’il y ait un portage politique fort, selon lui, soulignant que l’intervention du portage politique devait être très apparente.

C’est ce qui fait défaut au Maroc. La question culturelle est considérée au niveau protocolaire comme le dernier souci de la politique publique, a-t-il indiqué, soulignant que ceci est très grave car la politique joue des rôles essentiels dans la stabilité politique du pays, laquelle stabilité est fondée sur la culture. C’est le cas aussi de la cohésion sociale et du lien social qui se fondent sur la culture.

Si on ne fait pas attention à ces agrégats qui sont importants, on aura une crise de compréhension de ce que devrait être la culture avec tous ses rôles dans la société.

Et M’rini de rappeler que les Marocains ne cachent pas leur fierté de la diversité culturelle de leur pays, comme le souligne la Constitution dans son préambule qui parle de différents affluents, lesquels peuvent jouer des rôles parfois contradictoires voir négatifs, comme le montre la montée de l’extrême droite en France. Amin Maalouf parle même d’« identités meurtrières ».

C’est ce qui plaide en faveur de la culture, qui doit être érigée parmi les axes stratégiques de l’Etat au lieu de sa marginalisation, a-t-il martelé.

Evoquant le budget ridicule du ministère de la culture, il a indiqué que les pouvoirs publics ont peut être commis la faute de ne pas investir suffisamment dans ce secteur pour combattre les tendances terroristes, a-t-il dit, illustrant ses propos par les explications de l’ancien ministre des finances Mohammed Berrada, un grand mécène en la matière, qui avait financé la construction du centre culturel de Sidi Belyout après les attentats du 16 mai 2003 de Casablanca.

Lorsque le portage politique de la culture fait défaut, le problème de l’enfermement et de la détérioration des rapports et des canaux de communication entre les identités ne peut donc que s’aggraver, a-t-il expliqué.

Ce portage politique va démontrer sa faiblesse dans l’absence à ce jour d’une stratégie nationale de la culture. Certes le secteur est transversal et compte beaucoup d’intervenants (ministères, établissements publics, villes, régions, syndicats d’auteurs). Tout ce monde n’est pas organisé.

Et en l’absence d’une véritable stratégie nationale, les pouvoirs publics se contentent à présent de faire appel à des bureaux d’études, qui s’acquittent comme ils peuvent de leur mission en élaborant un document sans portage politique.

Pour lui, l’inexistence de ce portage politique trouve aussi son explication dans la grande faiblesse des partis politiques au niveau de l’expertise pour pouvoir avoir cette vision. La plupart du temps, les partis politiques s’expriment à travers des discours creux, qui illustrent le manque de compréhension du rôle de la culture dans la stabilité du pays et la cohésion sociale.

Pour ce qui est du nouveau modèle de développement, il semble qu’il a bien compris le problème en parlant d’unité et de diversité de la culture.

Le ministère de la culture ne bénéficie que d’un budget ridicule de 0,25% du budget de l’Etat. Ce qui se justifie peut être par le fait qu’il ne s’occupe que d’une partie de la production culturelle à l’exclusion notamment des médias et de la communication.

En attendant, le pays manque toujours de l’infrastructure nécessaire et le budget alloué au ministère ne doit servir qu’à financer les activités organisées.

On manque aussi d’études et de recherches en la matière, alors que le pays dispose d’un véritable soft power à mettre en valeur et à exploiter au service du développement du pays.

En fait, le Maroc est une véritable puissance patrimoniale comme le soulignent différents connaisseurs étrangers, à l’exception toutefois du gouvernement. Oui, le Maroc est assis sur un trésor, mais le gouvernement hésite à se doter des moyens matériels requis pour en tirer profit.

Evoquant par ailleurs la faiblesse du pouvoir d’achat des Marocains, il a indiqué qu’il reste beaucoup à faire pour la démocratisation du secteur et pour permettre aux Marocains d’en jouir et d’y participer.

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