Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
L’examen des candidatures de l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie qui a été lancé, ce lundi, par l’Union européenne divise les Etats-membres même si, le lendemain, lors de la session plénière du Parlement européen, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, Charles Michel, ne s’y sont pas opposés ; ce qui ne constitue, néanmoins, qu’une première étape car pour rendre effectif l’élargissement de l’UE, d’autres conditions demeurent nécessaires.
Les difficultés de fonctionnement d’une Europe à vingt-sept ne plaidant pas pour un élargissement, la présidence française de l’UE a, tout de même, indiqué, dans un « tweet », que les représentants des Etats-membres ont trouvé « un accord pour inviter la Commission européenne à présenter un avis officiel sur chacune des demandes d’adhésion » même si la procédure y afférente est longue et exige l’unanimité des Vingt-Sept.
Or, d’après un diplomate relevant d’un pays qui est contre tout élargissement de UE « rien n’empêche la Commission d’aller, au plus vite, pour l’Ukraine et de ne pas faire les mêmes recommandations pour les trois pays » alors que, pour un autre diplomate européen, « l’Ukraine est un pays corrompu où le système judiciaire hérité de l’ère soviétique ne répond pas aux critères qui lui permettront de rejoindre l’UE ». En outre, en étant, aujourd’hui en guerre, l’Ukraine a d’autres priorités que celles de se réformer pour mieux répondre aux exigences communautaires et rien n’indique, par ailleurs, qu’à l’heure qu’il est, les ukrainiens soient « sensibles aux subtilités de la procédure d’adhésion européenne ».
Mais, de l’avis d’un autre diplomate européen, tout ceci donne, déjà, à Kiev « un signe d’espoir » quant à l’instruction de sa demande d’adhésion qui, si elle est jugée recevable, permettra, aux Etats-membres de se prononcer, à l’unanimité, pour conférer à l’Ukraine le statut de candidat officiel et pour que les négociations puissent commencer. Ce qui est sûr, pour l’heure, c’est que ces pourparlers seront longs car chaque point devra être examiné minutieusement du moment que chaque pan de la législation ukrainienne – de l’Etat de droit à la règlementation des produits agricoles – devra se conformer au Droit européen ; ce qui risque de prendre beaucoup de temps si l’on note que la Turquie, qui avait présenté sa demande d’adhésion en 1987, n’a été reconnue, par les Européens, comme étant « candidate » qu’en 1999. Autant dire que le chemin est encore long car il faut non seulement respecter les valeurs inscrites dans le traité sur l’Union européenne afférentes au respect de l’Etat de droit et des droits de l’Homme mais, également, répondre aux critères de Copenhague relatifs aux garanties démocratiques, économiques et politiques.
En somme, tout pays candidat à l’adhésion à l’UE doit disposer d’institutions stables, d’une économie de marché qui fonctionne et de la capacité de remplir les obligations d’une union politique, économique et monétaire.
L’Ukraine va devoir donc être amenée à entreprendre des réformes économiques, de transparence et de lutte contre la corruption et ce, d’autant plus que les conséquences de la guerre qui la secoue actuellement vont, incontestablement, dégrader non seulement ses fondements sociaux mais aussi ses structures politiques et économiques.
Voilà en ce qui concerne les conditions d’admission et il appartiendra, par la suite et en dernier ressort, au Conseil européen, réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept, d’accepter, à l’unanimité, ou de refuser l’élargissement de l’UE.
Autant dire qu’un élargissement de l’Union européenne avec l’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie va prendre beaucoup de temps mais attendons pour voir…