Attendons pour voir…
Nabil El Bousaadi
En exil depuis deux ans en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa, l’opposante numéro un au vieux président biélorusse Alexandre Loukachenko, nominée pour le prix Nobel de la Paix, considère que « même si le conflit [entre Moscou et Kiev] se déroule sur le territoire ukrainien », il s’agit d’une « guerre mondiale entre la démocratie et la dictature » dans laquelle « ukrainiens et biélorusses sont à bord du même bateau ».
Mais, en étant persuadée, par ailleurs, que « Poutine pourrait lancer une bombe nucléaire depuis la Biélorussie» du fait notamment des liens « privilégiés » qui l’unissent à Alexandre Loukachenko, la leader de l’opposition biélorusse a appelé à une « coalition renforcée avec l’Ukraine ».
De tels propos suscitant moult interrogations, est-il judicieux de croire qu’avec une armée éreintée par sept mois d’une guerre sans merci et à la tête d’un pays de plus en plus isolé sur la scène internationale, Vladimir Poutine qui ne cesse de répéter, à qui veut l’entendre, qu’il est prêt à appuyer sur le fameux « bouton nucléaire », pourrait franchir le pas ?
Difficile de répondre d’emblée par l’affirmative mais ce qui reste sûr, en tous cas, c’est qu’en attestant, ce vendredi 7 Octobre, que le maître du Kremlin « ne plaisante pas quand il parle d’un usage potentiel d’armes atomiques tactiques ou d’armes biologiques ou chimiques », le président américain Joe Biden n’écarte, en aucun cas, un risque d’« apocalypse » nucléaire dès lors qu’après avoir signalé, à plusieurs reprises, que son pays dispose de « moyens de destruction divers » Poutine n’a jamais caché qu’il n’hésitera pas à les utiliser si « l’intégrité territoriale » de la Russie venait à être menacée.
Or, quand on voit que sur le front, la contre-offensive ukrainienne a fait reculer les soldats russes et qu’à l’intérieur du pays la « mobilisation partielle » imposée, par Poutine, aux citoyens en âge de combattre à l’effet d’«unifier les terres russes », est loin de recueillir l’adhésion de la population, on ne peut que craindre le pire de la part d’un président aux abois qui, en étant fragilisé que jamais, n’en est pas moins imprévisible et dangereux.
C’est, d’ailleurs, à titre de représailles, qu’il a proclamé, le 30 septembre dernier, l’annexion de quatre régions ukrainiennes supplémentaires – à savoir, Donetsk et Lougansk (à l’est de l’Ukraine) et Kherson et Zapporijjia (au sud) – même si l’armée russe y a essuyé d’importants revers.
De tous les scénarios qui pouvaient être mis en place après le succès de la contre-offensive ukrainienne, en annonçant la mobilisation partielle de sa population, Vladimir Poutine a donc choisi l’escalade.
Mais, en comparant cette situation à la fameuse crise des missiles de 1962, le président américain lui a envoyé un signal laissant entendre, d’une part, que si la Russie décidait d’utiliser une arme nucléaire tactique, les Etats-Unis sont prêts à riposter et destiné, d’autre part, à créer une pression qui pourrait ouvrir la voie à des négociations de paix à l’instar de celles qui, en 1962, avaient abouti au retrait des armes nucléaires soviétiques de Cuba et au démantèlement des armes nucléaires américaines qui se trouvaient en Turquie et en Italie.
En évoquant la « crise des missiles » de 1962 qui, en dépit de son ampleur, n’avait pas abouti à la guerre mais avait débouché sur des négociations de paix, Joe Biden aurait-il sciemment voulu faire comprendre à son homologue russe qu’il est grand temps qu’il ordonne à ses troupes de retourner à leurs casernes et qu’il accepte de participer à des négociations de paix ?
Possible… Mais quel accueil va réserver le maître du Kremlin au message de son homologue américain ?