Hommage à Ali YATA : Panégyrique d’un leader qui ne meurt jamais

Point de vue

Par Abderrahim Guerbali

« L’histoire est d’abord faite par des hommes et par des femmes qui, quand tout est menacé ou compromis, quand les volontés collectives fléchissent un peu, savent rompre avec les pesanteurs de leur milieu, créer un mouvement à partir de presque rien, transformer une chimère en un espoir, un espoir en une victoire. Sans ces rebelles-là, sans les encouragements que parfois leur mémoire nous lègue, aurions-nous la même volonté de ne pas baisser les bras et de devenir à notre tour des faiseurs d’histoire ? »

Si l’on décidait d’ériger un mémorial pour y graver les noms des hommes qui ont marqué de leur empreinte indélébile l’histoire politique et qui ont sciemment guidé les hommes, intelligemment renforcé leur prise de conscience sur les problèmes de la société et sur les moyens d’atteindre l’idéal démocratique, celui de Si Ali y figurera en bonne place.

Le présent papier n’a nullement la prétention de brosser d’une manière exhaustive le portrait de cet homme politique unique dans son genre ou de mettre en relief son action grandiose : ce serait verser dans le panégyrique fade ou la flatterie intéressée (ce qui déplairait à Si Ali). Il s’agit tout simplement, à l’occasion de cet anniversaire de sa disparition tragique, d’une invitation au recueillement, à la méditation sur ce martyr hors du commun qui a su souffrir et mourir pour des causes nobles, au point de forcer l’admiration du monde entier.

Le 13 août 1997 restera à jamais gravé dans toutes les mémoires. Ce jour là, l’Histoire s’arrêta le moteur dynamique et inépuisable qui donnait tout son sens et allait s’arrêter de fonctionner. Nos cœurs qui ne battaient que pour Si Ali étaient vidés de leur sang. Nos corps qui ne vibraient que de lui étaient sidérés. La grande faucheuse, insidieuse et inopinée n’avait pas fini de s’acharner sur la famille Yata. Après avoir fauché à la fleur de l’âge un Nadir rare comme les beaux jours dont il avait tant rêvé, elle était déterminée à frapper fort et vite cette fois-ci puisqu’elle avait visé l’homme généreux, le leader chevronné, le militant inlassable et le symbole incomparable qu’est Si Ali. C’était se venger cruellement de Nadir qui l’avait un peu narguée  en  repoussant jusqu’à son ultime retranchement l’échéance fatale que de briser le cœur de milliers de Marocains en leur arrachant tragiquement, et à un moment décisif de l’histoire politique du Maroc, un homme de son gabarit.

En fait, Si Ali est-il vraiment mort ? Difficile de la croire. Comme Nadir, s’il est « parti » ce n’est que pour continuer d’exister, avec plus de force. Le père de la pensée progressiste et humaniste est entré dans la légende par une porte que n’empruntent que les génies et les héros : celle de la vérité, de la transparence, de la bravoure, de l’honnêteté mais aussi, celle du pragmatisme et du réalisme politique épuré de toute tendance démagogique et de toute propension au machiavélisme.

De l’édification de l’Etat de droit et de l’atteinte de l’idéal démocratique il avait fait ses objectifs primordiaux et prioritaires. De la liberté d’opinion et de celle de la presse, il avait fait sa règle et sa devise pour atteindre ces nobles objectifs. Dans ce contexte, il avait toujours ouvré honnêtement pour la moralisation de la vie politique qu’il considère comme condition sine qua non pour l’instauration d’un climat politique sain et d’une véritable confiance au sein des citoyens.

Epris de liberté, à cheval sur les principes. Si Ali avait toujours refusé la camisole de force dans laquelle voulaient l’emprisonner ceux qui induisaient le peuple en erreur, ceux pour qui la liberté et la démocratie n’étaient que des slogans et des prétextes utilisés à des fins personnelles, pour des intérêts bas et dérisoires.

Doté d’un courage à toute épreuve, Si Ali n’avait jamais cédé au chantage, jamais fléchi devant la peur, jamais reculé devant l’intimidation ou la menace orchestrées par les ennemis de la démocratie et les adversaires implacables de la justice sociale.

Son intelligence, son savoir-faire, son sens politique remarquable ont contribué à asseoir une vision moderne du militantisme politique, impulsé une dynamique nouvelle dans la vie politique au Maroc notamment au sein des militants du P.P.S.

Militant inlassable, pour les valeurs démocratiques, soucieux de transformer la philosophie du parti et sa nouvelle conception des choses en des réalités tangibles et des actes matériels, il était toujours parti à l’écoute des doléances des sans-voix, des ouvriers exploités, des pauvres et des laissés pour compte, s’était toujours employé à transmettre leurs messages devant toutes les instances et les organismes, avec une manière propre à lui et qui n’était pas sans déranger certains…Ne dit-on pas qu’il n’y a que la vérité qui blesse ?

Mais le grand mérite de Si Ali reste sans doute la patience légendaire (qui ferait crever de jalousie Pénélope, épouse d’Ulysse) dans la gestion de la presse écrite : alors que certains quotidiens bénéficiaient d’un soutien et d’une subvention importants, Al Bayane et Bayane Al Yaoum se débattaient contre vents et marées sur le territoire épineux des médias, animés par le seul dynamisme que Si Ali leur impulsait pour leur permettre d’obtenir gain de cause et d’acquérir droit de cité avant de forcer l’admiration des lecteurs toutes tendances confondues.

On dit qu’un homme est la somme des ses actes, de ce qu’il fait, et que c’est à l’aune indubitable de ces actes que l’on peut juger de la crédibilité des hommes. Aujourd’hui, si le P.P.S. occupe une place importance sur l’échiquier politique national, ce n’est point le fruit du hasard : Si Ali y est pour beaucoup. Et on ne peut qu’être rempli de fierté en pensant et en admirant la manière dont il a accompli sa noble mission avant de la confier à Moulay Ismail. Aussi je voudrais pour ne pas conclure parodier un peu Andrieux en disant :

Vivre en soi ce n’est rien, il faut vivre en autrui

 A qui Si Ali pouvait-il être utile, agréable aujourd’hui ?

 Voilà chaque matin ce que Si Ali semblait dire

 Et le soir quand des cieux la clarté se retire :

 Heureux Si Ali à qui son cœur a répondu

 Cette vie qui s’éteindra, je ne l’ai pas perdue

   Grâce à mon action politique j’ai vu sur la face marocaine humaine           

 La trace d’un plaisir, du progrès ou l’oubli des peines.

Top