«Je ne produirai jamais un film qui est pareil à un film que j’ai déjà vu »

Entretien avec le producteur français, Ron Dyens 

Propos recueillis par Mohamed Nait Youssef

Le producteur Ron Dyens était l’une des vedettes du FICAM 2021. Un grand nom du cinéma d’animation français, Ron a fondé, en 1999, sa propre société de production « Sacrebleu Productions » qui a remporté la Palme d’or du court métrage pour le film d’animation «Chienne d’Histoire» réalisé par Serge Avédikian. Aventureux certes, Ron Dyens est très sélectif dans ses choix. C’est quelqu’un qui mise sur l’histoire avant de se lancer dans un projet.

«J’ai senti une évolution très nette sur les films qui sont produits où il y a de plus en plus un travail d’écriture, notamment un travail de binôme entre le réalisateur graphique et le scénariste.», a-t-il souligné.  En animation, a-t-il ajouté, le réalisateur a souvent beaucoup de casquettes parce qu’il est déjà auteur graphique. Il est aussi monteur et  il écrit souvent son histoire. Ron Dyens a produit plusieurs courts et longs métrages dont « La flamme », « Ma famille afghane », « Freedom Swimmer », « Pour que rien ne change ». Entretien.

Al Bayane : De la fiction au cinéma d’animation. Parler nous un peu de vos débuts. Comment êtes-vous venus au monde de la production, des films bien entendu ?

Ron Dyens : Quand j’ai débuté dans le cinéma, j’ai commencé par travailler sur des films de fiction et non pas des films d’animation. En fait, il y avait plus de travail sur l’écriture. À cette époque-là, on jugeait des films d’animation et des projets d’animation par rapport au dessin. Il y a ceux qui produisent des films rien que pour les dessins qui sont jolis. Moi je me suis servi de ce matériau, de cette expérience qui est née des films de fiction pour demander aux auteurs et aux réalisateurs de films de travailler plus sur l’histoire, sachant que le graphisme était déjà là; là où on pouvait faire un apport artistique. L’écriture est extrêmement importante. Depuis, j’ai senti une évolution très nette sur les films qui sont produits où il y a de plus en plus un travail  d’écriture, notamment un travail de binôme entre le réalisateur graphique et le scénariste. En animation, le réalisateur a souvent beaucoup de casquettes parce qu’il est déjà auteur graphique, il est aussi monteur et  il écrit souvent son histoire. Le but du jeu, c’est que l’auteur ne soit pas tout seul pour que les histoires soient claires pour l’auditeur.

Vous êtes un producteur qui s’intéresse beaucoup à l’histoire. C’est essentiel pour vous.  Comment choisissez-vous alors vos réalisateurs ? Avez-vous des critères bien déterminés ?

Je choisis des projets dont j’ai le sentiment de n’avoir jamais vu un film similaire. Je ne produirai jamais un film qui est pareil à un film que j’ai déjà vu. Parfois, c’est difficile à trouver. Mais, moi, ce qui m’intéresse, c’est d’échanger avec les auteurs, de voir s’ils connaissent et maîtrisent bien leurs sujets. Et si leurs sujets ne sont pas encore assez solides, je leur pose des questions pour les renforcer.

Que feriez-vous alors si c’était le contraire?

 S’ils ne sont pas capables d’écouter mes remarques, c’est-à-dire qu’ils ne vont écouter personne. Ils vont faire leurs films, mais ils ne vont pas se préoccuper des spectateurs. Je préfère me situer entre le réalisateur qui est tout seul et le spectateur qui va voir le film.

Il y a une part d’aventure dans votre démarche en particulier et celle de la production, en général. La preuve : le court métrage « la chute » et le long métrage «l’extraordinaire voyage de Marona», entre autres,  ne sont pas assez faciles à produire. Peut-on dire que c’est une aventure à risque ?

C’est vrai. C’est très dur de miser sur ce genre de films, de trouver des financements et de convaincre les gens. Et c’est toujours une très grande joie quand le film marche très bien. Or, «Marona», ce n’est pas un film qui va rapporter de l’argent. Mon prochain film qui s’appelle « ma famille Afghane », ce n’est pas un film qui va apporter beaucoup d’argent. Mais pour moi, ces films doivent aussi exister. Ça ne sert rien de toucher 4 millions de personnes et après elles ne se rappellent plus de rien. Ce qui est important, c’est que les gens gardent un beau souvenir après avoir vu le film. C’est essentiel.

Le domaine de la production des films d’animation est confronté à un marché mondial. Quels sont les défis auquel fait face le film d’animation ? Surtout avec l’évolution du streaming et des plateformes digitales où se trouve un jeune public assez important ?

Je pense que ce qui sera intéressant, c’est que ces plateformes soutiennent peut être des projets un peu plus audacieux avec moins d’argent, et surtout les mettre en valeur dans leurs plateformes d’une façon ou d’une autre. C’est l’occasion aussi d’avoir un focus sur certains films d’animation comme « Marona ». Ca serait très bien que Netflix puisse soutenir des films décalés et dire que cette semaine ; c’est la semaine d’un tel ou tel film.

Je pense que le risque de regarder un film chez soi, sur une tablette est moins compliqué que de prendre la voiture ou le train pour aller au cinéma et payer sa place pour voir un film qui n’est pas bien au final.

Deux ans d’arrêt des festivals et des manifestations cinématographiques ont-ils impacté l’industrie du cinéma d’animation en France ?

On a été relativement bien soutenu. C’était très bien. Ça été une attitude très différente de celle qui se fait habituellement quand qu’il s’agissait d’une crise économique, alors que là c’est une crise sanitaire. Donc, il faillait attendre que ça passe. En revanche, la consommation en France aujourd’hui est très forte, le taux de chômage recule alors que ce n’était pas le cas avant la crise. C’est plutôt positif. Or, le constat c’est que certains partenaires n’ont pas joué le jeu, malheureusement.

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