Khadija Ouidder peint la quiétude

Par : M’barek Housni

1-Le réussi de l’approche

Au début, on est fort sollicités sans préambule aucune par des couleurs voyantes dispersées sur toute la surface de la toile. Pas de vide de d’attente ni de blanc de suspension. Le regard est complètement envahi par ce qui ressemble à une fête où le jaune, le vert et le rouge dominent largement, dénotant une relation apaisante, c’est-à-dire en paix, sans être de tout repos, avec les teints clairs ou enflammés. C’est une peinture qui nous éloigne du remous de l’extérieur, visiblement absent, du monde lointain, pour se concentrer sur le dedans, l’intériorité individuelle, en l’occurrence, celle de Khadija Ouidder. Elle est le parfait exemple de l’artiste en prise, disons presque heureuse, avec lui-même. Sauf qu’un peintre n’est jamais complètement heureux même si son œuvre suggère le contraire. La création étant par définition synonyme de continuel souci de laisser venir sur la toile les sentiments enfouis, de leur donner une présence artistique équivalente et justement éclairante. Khadija Ouidder opte à travers ce constat un penchant vers la non-complexité, via une certaine abstraction lyrique dont elle emprunte le mode général de la distribution des couleurs. Elle y ajoute un trait pesé,  un aplat pensé, et des formes dispersées et évidentes.

Ceci du côté forme tout en finesse du geste sûr, et tout en équilibre sans chancellement entre les composants qui l’érigent à nos regards. La forme cette grande affaire à réussir avant l’idée, l’étalement de l’idée de peinture sous-tendant les mains créatrices habitées par le souci déjà cité.

2- Les petits détails tapis

Des mains qui ont de la suite dans les idées. Car après l’approche du début, entreprendre une vision de près révèle des subtilités réparties minutieusement et intercalées entre des ensembles de formes elles-mêmes. Figuratives ou abstraites. Comme pour taire un référent dans un tout tel un secret susceptible d’expliquer la démarche de l’artiste dans la dévoiler totalement. Prenons un premier tableau. Il est divisé en deux constituants comme deux triangles colorés. Celui de gauche voit y dominer un chaud jaune-vert, celui de droite et plus haut est caractérisé par la forte présence d’un rouge appuyé et presque ardant. Or les deux ont au centre une boule qui office de petit soleil. On dirait un dialogue de sensations instauré entre la chaleur et l’ardeur, comme lorsqu’une forte émotion est en jeu.

Un deuxième tableau montre une série de traits verticaux situés à égale distance qui strient des aplats de vert mêlé de jaune, clair et limpide. Et en partout sur la surface des petites nuées brunes verticales comme des taches, des ornementations en partie effacées, de minuscules formes aux côtés géométriques qui ressemblent à des morceaux de vitraux. Mais voilà à gauche et au milieu l’anneau d’un poignet, et tout s’éclaire : il s’agit d’une porte. Est-ce le poids du temps et la nostalgie (heureuse) qui a dicté cette toile ? Fort probable.

Un troisième tableau nous montre un étalement chantant du vert-jaune-brun, trois couleurs qui se rejoignent agréablement, et vers les bouts de petits ronds bleu ciel comme des bulles agglutinées. Cet ensemble harmonieux est vite investi par une figure d’une minuscule femme à la chevelure tombante qui cache un corps inexistant dont on palpe visuellement le port incliné. Étrange présence, fantôme féminin surgi non pour casser la justesse des composants qui sont là couleur et formes, mais s’y est intégrant à la manière d’une apparition onirique furtive qui en dit assez sur l’univers d’inspiration de l’artiste.

Ainsi tout le travail pictural de Khadija Ouidder joue sur le geste lent et enjoué qui exprime des sensations de quiétude, avec, à chaque fois, des variations plaisantes de point de vue de la forme, et qui s’accordent avec un emprunt au souvenir, au vu et au rêve. Ce dernier fait étant indice et porte ouverte à l’interprétation.

On parlerait dans ce cas de l’art de peindre qui rassérène et conforte.

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