La nouvelle stratégie anti-occidentale de la Russie

Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

En considérant que l’Occident constitue une « menace existentielle » pour le monde russophone qu’il cherche à « affaiblir par tous les moyens », la Russie a adopté, ce vendredi 31 mars, lors d’une réunion de son Conseil de sécurité nationale, sa nouvelle doctrine de politique étrangère telle qu’elle a été déployée dans un document de quarante pages.

Ainsi, après avoir accusé Washington et ses alliés de lui livrer une guerre par procuration en Ukraine en fournissant des armes à Kiev et de chercher à l’isoler sur la scène internationale en lui infligeant toutes sortes de sanctions, la Russie s’est trouvée contrainte de se rapprocher aussi bien diplomatiquement qu’économiquement de l’Asie et, principalement, du géant chinois.

D’ailleurs, s’il est clairement mentionné, dans le chapitre consacré à la Chine et à l’Inde, que « l’approfondissement global des liens » avec les pays amis « situés sur le continent eurasien revêt une importance particulière », il y a lieu de rappeler que lors de la rencontre qu’il avait eue, le mois dernier, à Moscou, avec son homologue chinois, le président Poutine avait vanté la « nature spéciale » des relations entre Moscou et Pékin.

S’agissant du conflit en Ukraine officiellement déclenché par Moscou à l’effet de mettre fin aux exactions des populations russophones, ce document présente la Russie comme étant une « civilisation » qui rallie les peuples qui constituent le monde russe en ayant à sa tête un président qui se veut être le champion des « valeurs traditionnelles » de l’église orthodoxe face à un monde occidental «décadent» et qui appelle, pour cela, à la neutralisation des « tentatives d’imposer des principes idéologiques pseudo-humanistes et néolibéraux qui conduisent à la perte de la spiritualité traditionnelle et des principes moraux».

Pour rappel, dans son sermon du 6 mars 2022, soit moins de deux semaines après le déclenchement de l’offensive russe contre l’Ukraine, Kyrill, patriarche de Moscou et farouche opposant à l’avortement et à l’homosexualité, avait non seulement soutenu l’invasion contre l’Ukraine mais justifié celle-ci comme étant un combat métaphysique mené non pas contre le peuple d’Ukraine ou l’Etat ukrainien mais plutôt contre une puissance de nature morale, autrement dit contre une force du mal.

Or, quelle que soit leur teneur, ces propos ne peuvent surprendre que celui qui méconnait cette idéologie viscéralement anti-occidentale que l’Eglise orthodoxe russe propage, à travers le monde, depuis de nombreuses années, par le biais des réseaux sociaux et de la multitude d’émissions de télévision qu’elle consacre au mal et à la dépravation morale occidentale.

En accordant, également, une place de choix aux relations de Moscou avec l’Afrique, la nouvelle doctrine du Kremlin préconise le renforcement de la présence russe dans le continent noir par l’intermédiaire du groupe Wagner.

Ainsi, en rappelant, par sa teneur, la confrontation qui avait opposé l’ancienne Union Soviétique aux Etats-Unis d’Amérique tout au long du XXème siècle, et en trouvant sa raison d’être dans les «bouleversements sur la scène internationale, cette « nouvelle » doctrine qui oblige la Russie à «adapter ses documents de planification stratégique », définit les priorités que les pays occidentaux se donnent en matière de politique étrangère,  analyse la manière avec laquelle ces derniers perçoivent leurs rapports avec le monde et déclare, ouvertement, que « la Russie entend accorder une attention prioritaire à l’élimination des vestiges de la domination des Etats-Unis et d’autres Etats hostiles dans les affaires mondiales».

En accusant, enfin, les Etats-Unis d’être «l’instigateur principal et le chef d’orchestre de la ligne antirusse», Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe a déclaré, lors de cette réunion, que, d’une façon générale, «la politique de l’Occident visant à affaiblir la Russie, par tous les moyens, est caractérisée comme une guerre hybride d’un nouveau genre».

Est-ce réellement la Russie qui, par l’adoption de sa nouvelle stratégie mondiale anti-occidentale, serait en train de réveiller les vieux démons de la guerre froide ou, au contraire, les Etats-Unis qui, avec l’aide de leurs alliés, entendent poursuivre leur rêve de domination du monde après le démantèlement de l’Union Soviétique ?

Attendons pour voir…

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