Latifa Echihabi, le retour ?

Elle avait disparu des radars suite à la nomination du nouveau gouvernement. Elle était secrétaire générale du ministère de l’industrie, du commerce et de l’Economie numérique dans le précédent gouvernement, la voilà qui revient aux devants de la scène en occupant le très convoité poste de secrétaire général de la CDG. Sa nomination devrait être rendue publique dès publication sur Bulletin Officiel. Retour sur le parcours d’uen femme de poigne de l’administration marocaine.

Pour l’instant, personne ne pipe mot sur cette nouvelle prise de fonction. Ceci dit, auprès des initiés, voir Latifa Echihabi au secrétariat général de la CDG n’aurait rien de surprenantet serait presque même naturel ; Une sorte de suite logique à une carrière forgée à la force du poignet.

Il faut tout de même avouer que ces dernières années, Latifa Echihabi s’est plutôt faite discrète au poste de secrétaire général du ministère de l’Industrie, du Commerce et de l’Économie numérique. Certains disent, qu’on l’y a plutôt forcée après des années passées à la tête de l’ANPME durant lesquelles elle a été de toutes les cérémonies officielles et sur les unes de toute la presse.

«On dit qu’elle a été imposée dans l’accord du gouvernement Benkirane II conclu entre le Chef du Gouvernement et le chef du Parti de la Colombe Bleue, SalaheddineMezouar», avance un haut cadre du ministère. Sûrement pour faciliter l’entrée dans le monde politique de Moulay Hafid Elalamy, «forcé» ou «convaincu» (c’est selon) à l’époque de renoncer à son auto-exclusion du champ politique pour «non compétence», selonsespropres termes. Celui-ci aurait gardé un bon souvenir de la dame des PME, dit-on. Pour autant, cette nomination en tant que secrétaire général en 2013 ne souffre d’aucun grief. Latifa Echihabi fait l’unanimité autour d’elle, pour ses compétences éprouvées et les bons résultats qu’elle a accumulés, lors de son passage à la tête de l’Anpme, une agence du même ministère. Faut-il croire que Mezouar a misé sur le bon cheval en la rappelant auprès d’Elalamy ? Pour certains, cela ne fait aucun doute. «Elle connaît et maîtrise les arcanes de l’administration, les bons contacts et surtout les «do» et les «don’t»», nous confie-t-on. La description sur ce point est on ne peut plus complète. De l’avis de certaines personnes qui la connaissent de près, Latifa Echihabi«était bien contente de revenir au ministère, elle qui y connaît beaucoup de gens ». Non sans émotions pour l’ANPME qu’elle quittait après plus de dixannées de bons et loyaux services. «C’est une tranche de ma vie qui vient de passer. Mais je ne suis pas loin ; on va encore travailler ensemble», disait-elle à ses ex-collaborateurs de l’ANPME au moment de sa nomination. L’un de ses anciens collaborateurs, qui ne manque pas d’admiration pour son ancienne patronne, témoigne. «Elle responsabilise ses équipes, confie à chacun un projet, vous laisse indépendant pour le mener à bon port et supervise chacun. Ce qui compte, ce sont les résultats», ajoute-t-il en parlant du management d’Echihabi. Contente de retourner au ministère, disions-nous, car il faut le dire, le ministère, c’est sa maison et la nouvelle secrétaire générale en est un pur produit. Elle y fait toutesacarrière,depuis1987 où elle a intégré ce ministère en tant qu’ingénieur d’Etat attaché à l’administration de l’industrie.

En mode sous-marin?

Lors de ses quelques apparitions, notamment aux Morocco Awards, Latifa Echihabi n’a pas dérogé à sa réputation de la dame «au sourire irrésistible et au charisme certain, d’une amabilité parfaite». Campant son nouveau rôle à merveille, c’est en costume de co-organisateur qu’elle montait cette fois-ci sur la scène, contrairement aux années précédentes. «Dans les autres éditions, on était partenaire, mais surtout on n’était pas impliqué dans le jury. Ce qui fait qu’on arrivait à l’événement, on donnait des prix en tant que DG de l’ANPME. Mais la satisfaction qu’on tirait de cet événement, c’est que plusieurs PME primées ont été accompagnées par l’Anpme. Et donc pour nous, c’était une fierté de dire que, quelque part, on a réussi à accompagner des marques, à améliorer leur compétitivité », expliquait-t-elle lors de la première édition des Morocco Awards qu’elle a eu à conduire en tant que secrétaire général.  « Mais à présent, le regard est nouveau et les responsabilités tout autres.Aujourd’hui, c’est un autre sentiment, de responsabilité, parce qu’on doit veiller à ce que l’événement garde ses galons, à ce que les critères soient bien étudiés», ajoutait-elle. Dès sa prise de fonction, il était d’ailleurs difficile de passer à côté de cette association Morocco Awards – Mounia Boucetta, son prédécesseur au Secrétariat général qui a lancé cette compétition et dont elle prend le relais. A la question :« Est-ce facile de prendre la relève de Boucetta ? ». La réponse était d’ores et déjà claire et sans ambiguïté : « Sachez qu’on est de la même famille, de la même école et on a fait le même chemin. Chacun mettra sa touche, j’espère !», avait-elle lancé en toute sérénité.

Mounia Boucetta, qui a rejoint CDG Capital en septembre 2013 puis fait un retour au gouvernement par la grande porte en avril dernier en tant que secrétaire d’État chargé des affaires étrangères, n’a jamais tari d’éloges sur son successeur. «Latifa Echihabi est une grande dame, avec une expérience très riche et confirmée dans tous les domaines traités par le MICNT, en plus de ses connaissances très pratiques sur le monde de l’entreprise et des affaires. Je suis convaincue qu’elle apportera, grâce à son parcours et son professionnalisme, de la richesse et de l’amélioration au niveau des dossiers dont elle aura la charge», déclinait-ellelorsqu’elle a appris que celle-ci lui succéderait. Les deux femmes sont réputées pour être très proches, sortant toutes les deux de l’Ecole Mohammadia d’Ingénieurs, Echihabi en 1986 et Boucetta en 1990. Latifa Echihabi, cette bosseuse qui va jusqu’au bout de ses dossiers comme on la décrit, «a une grande capacité de traiter plusieurs dossiers à la fois et dans la sérénité. Elle est toujours accueillante et garde sa porte ouverte», confie un de ses plus proches collaborateurs à l’ANPME.

De son passage au ministère après de Moulay Hafid Elalamy ces quatre dernières années, peu de détails filtreront. Toutefois, une chose est sûre : on aura peu entendu parler d’elle, bien qu’elle n’ait jamais été du genre à s’épancher sur son parcours ou sur ses réalisations à coups de portraits.

D’ailleurs, dès son arrivée au ministère, la question avait plus qu’effleurer les esprits : cette préférence pour la discrétion pourrait-elle la faire co-exister avec un ministre dont les faits et gestes seront épiés tant son aura le précède? Les avis à ce moment-là étaient des plus contrastés. Car si Ahmed Réda Chami était un ministre autant charismatique que mesuré, Abdelkader Amara plutôt sobre et effacé, Moulay Hafid Elalamy n’est pas connu pour être de ce bord…. «Venant du secteur privé et donc au fait des «bonnes pratiques», les deux personnages seront complémentaires, le nouveau ministre devrait partager les mêmes valeurs que sa secrétaire générale», avançait un ancien collaborateur de Moulay Hafid Elalamy. D’autres, en revanche, voyaient la secrétaire générale complètement occultée par son ministre qui ne lui laisserait que quelques «miettes de dossiers».. Ceux-ci prédisaient déjà une disparition de Latifa Echihabi de la scène en dehors de quelques événements. En tous cas, aujourd’hui, c’est certain : Latifa Echihabi ne rempilera pas pour un second mandat auprès de Moulay Hafid Elalamy.

Auprès de Abdelatif Zaghnoun, directeur général de la CGD, il est fort à parier que Latifa Echihabi a toutes les chances de son côté pour remplir sa mission dans les meilleures conditions. Avec un ancien lauréat de l’Ecole Mohammedia d’ingénieurs (EMI), tout comme elle, comme patron, et qui plus est, encore une fois tout comme elle, pur produit de l’administration publique bien qu’il ait fait l’essentiel de sa carrière à l’OCP, Latifa Echihabi devrait se sentir comme un poisson dans l’eau au sein de la CDG. Un joli duo entre ce commis de l’Etat connu pour sa droiture, et cette femme de poigne de l’administration marocaine!

Soumayya Douieb

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