Le mouvement amazigh appelle à davantage d’action pour concrétiser le chantier de la constitutionnalisation de l’Amazighité

Yennayer, le Nouvel An Amazigh célébré en grande pompe au siège national du PPS sous le signe de l’engagement

M’Barek Tafsi

Au siège national du Parti du Progrès et du Socialisme à Rabat, la Nouvelle Année Amazighe 2973 «Id Yennayr», qui coïncide avec le 13 janvier de chaque année et symbolise le premier jour du calendrier agraire, a été célébrée, jeudi soir dans une ambiance festive et un climat d’engagement pour l’application des dispositions découlant de la constitutionnalisation de l’Amazighité.

A l’instar du Secrétaire Général du PPS Mohammed Nabil Benabdallah et du président du groupe parlementaire du parti Rachid Hamouni, tous les responsables des nombreuses composantes du mouvement amazigh présentes ont souligné de façon unanime la nécessité d’agir pour concrétiser dans son intégralité le chantier de la constitutionnalisation de l’Amazighité en tant que langue nationale officielle et culture nationale de tous les Marocains.

Depuis le discours prononcé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Ajdir Izayane (province de Khénifra) le 17 octobre 2001 et l’adoption de la Constitution de 2011, beaucoup de temps a été perdu, ont-ils rappelé.

Tous les intervenants ont été unanimes à expliquer qu’il n’y a plus de raison de tergiverser. Les conditions sont très propices car il n’y a plus de forces sociales qui s’opposent de manière ouverte à ce projet comme ce fut le cas dans passé.

C’est d’ailleurs, la raison pour laquelle cette célébration a été placée par les organisateurs, à savoir le PPS et son groupe parlementaire, sous le thème : «L’Amazighité entre la constitutionnalité et les défis d’application ».

Hamouni : Yennayer doit être jour de fête chomé et payé

Après avoir rappelé que sont programmées dans le cadre des festivités organisées à l’occasion de la célébration du Nouvel Amazigh 2973, une soirée artistique et une conférence,  Hamouni, qui assurait la modération les travaux de celle-ci, s’est réjoui de la présence en grand nombre de tous les participants invités par les organisateurs. Il a indiqué aussi qu’il est temps de décréter officiellement le 13 janvier de chaque année jour de fête et de célébration du Nouvel An Amazigh, qui doit être férié, chômé et payé.

Il est temps aussi de faire le bilan des réalisations et de définir ce qui doit fait pour activer et parachever la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la constitutionnalisation de l’Amazighité, a-t-il ajouté.

Selon lui, il est désormais inadmissible qu’une telle question, qui fait désormais l’unanimité, fasse l’objet de surenchères ou de calculs politiciens.

Mehdi Bensaid : l’Amazigh jouit du soutien de la majorité et de l’opposition

Prenant la parole, le ministre de la jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid a d’entrée confirmé que la question ne concerne pas un seul parti politique à l’exclusion des autres.

L’Amazighité, a-t-il dit, donne à l’identité nationale marocaine toute sa singularité.

Pour ce qui est du chantier de la mise en œuvre de l’aspect officiel de la langue amazighe, a-t-il ajouté, il doit être mené au niveau de l’Administration, de la justice, de la santé, de l’enseignement, de la communication et bien d’autres secteurs.

Pour ce qui le concerne, le secteur de la culture accorde un intérêt particulier à la mise en œuvre de l’aspect officiel de l’Amazighité dans le but de promouvoir la culture marocaine dans toute sa diversité.

D’après lui, le discours royal d’Ajdir et la Constitution de 2011 ont transformé L’Amazighe de langue morte en langue vivante, qui sera enseignée partout dans le pays. Plusieurs festivals dédiés à la sauvegarde du patrimoine amazigh sont organisés tous les ans dans le pays, grâce aux soutiens des autorités publiques, a-t-il dit, notant qu’une enveloppe de 20 millions de dirhams est consacrée pour la promotion du théâtre et des autres arts amazighs.

Il a fait savoir aussi qu’un soutien consistant sera accordé pour encourager les écrivains amazighs et de conclure que le chantier concerne en somme aussi bien la majorité que l’opposition.

Benabdallah : Oui pour l’organisation d’un colloque national

Dans sa réaction aux questionnements et propositions de différents acteurs issus du mouvement amazigh, qui accompagne depuis des décennies le plaidoyer ardent du Parti du Livre en faveur de la mise en valeur de la culture et de la langue amazighes, éléments constitutifs de base de la civilisation marocaine et du patrimoine immatériel national, le Secrétaire Général du PPS a affirmé que le parti soutient l’idée d’organisation d’un colloque national pour faire le point de la situation et définir les tâches à entreprendre dans le cadre de l’application de la constitutionnalisation de l’Amazighité dans sa globalité.

Et le SG de marteler que la réalisation d’un tel projet d’envergure national est tributaire en dernier ressort de l’engagement du gouvernement et de sa volonté politique.

Tout en dénonçant l’instrumentalisation politicienne d’un tel dossier, le PPS insiste sur la nécessité pour toutes les forces de fédérer leurs efforts pour relever les défis dans ce domaine et rattraper le temps perdu depuis le discours royal d’Ajdir et l’adoption de la Constitution de 2011.

Exprimant son point de vue personnel au sujet de la proposition relative à l’éventuelle création d’un « parti politique amazigh », il a indiqué qu’il n’a rien contre. Il a toutefois fait remarquer qu’un tel parti risque de desservir la cause, dans le cas où il se renfermerait en limitant son programme à la seule Amazighité, sans substance démocratique et sans ambition de servir les autres causes nationales.

Il a rappelé dans ce cadre qu’il y a déjà sur la scène politique un autre parti politique qui prétend être amazigh et au service de l’Amazighité.

Pour ce qui le concerne, a-t-il indiqué, le PPS va redoubler d’efforts pour porter haut les revendications de l’Amazighité. Tous les documents et les positions du Parti du Livre à l’instar des communiqués du bureau politique seront traduits en Tifinagh à l’image de ce qui a été fait pour d’autres documents du parti, a-t-il affirmé, émettant l’espoir qu’il sera possible pour le parti d’organiser des cours d’alphabétisation pour ceux qui désirent apprendre la langue amazighe.

Dans tous les cas, a-t-il dit, s’il y a un parti politique qui doit se réjouir de tout ce qui a été réalisé dans l’intérêt de l’Amazighité en tant que culture et langue, c’est bien le PPS qui en parlait au moment où l’on emprisonnait quiconque oserait exprimer des revendications en la matière.

Depuis sa création et en particulier depuis le milieu des années 70, le Parti du Progrès et du Socialisme avait en effet fait de la lutte pour l’émancipation de l’Amazighité une de ses grandes préoccupations, alors que d’autres forces évitaient d’en parler et accusaient même le PPS de surenchère et d’autres maux.

Quoiqu’il en soit, il importe aujourd’hui d’agir pour activer le processus engagé depuis le discours royal d’Ajdir et l’adoption de la Constitution de 2011 pour la concrétisation de l’aspect officiel de l’Amazighité en tant que langue nationale officielle à côté de la langue arabe et la promouvoir en tant que culture nationale à travers l’organisation de festivals et autres manifestations à caractère culturelle et artistique, politique, sociale et économique.

Il importe aussi d’apporter à l’apprentissage et à l’enseignement de la langue amazighe l’intérêt requis et de lui accorder la place qu’elle mérite au sein des secteurs de la justice, de l’Administration et des autres rouages de la vie publique, car il s’agit d’une cause nationale, sociale, civilisationnelle et culturelle.

Selon lui, le problème amazigh ne revêt pas uniquement une dimension culturelle et linguistique. Il est aussi d’ordre économique et social et a trait plus précisément à l’absence de justice sociale et territoriale dans les espaces amazighophones, qui doivent bénéficier de l’intérêt requis de la part du gouvernement. Ce dernier est en effet appelé à faire preuve de la volonté politique nécessaire pour lutter contre la marginalisation et l’exclusion dont souffrent les régions des Imazighen, partout au Maroc, a insisté le Secrétaire Général.

Khadija Arouhal : le PPS, premier parti politique marocain à avoir osé appeler à accorder à la question amazighe l’intérêt qu’elle mérite

Par la suite, la militante Khadija Arouhal, membre du GPS, a donné lecture de la plateforme de débat de cette conférence, placée sous le thème de «l’Amazighité entre la constitutionnalisation et les défis de mise en œuvre».

Le document présenté revient en détail sur l’intérêt que le PPS porte à la cause amazighe depuis des décennies et précise qu’il a été le premier parti politique marocain à avoir engagé le combat en la matière, conformément à son référentiel théorique et idéologique et à la place qu’il accorde aux facteurs non économiques dans l’œuvre de développement du pays.

C’est ainsi que depuis son congrès national de 1975, le PPS avait fait de la promotion de tous les aspects culturels de l’identité nationale, une de ses grandes préoccupations.

Le Parti du Livre appelait notamment à la mise en valeur de la place centrale de l’Amazighité dans le façonnement de l’identité nationale et la mise à niveau de tous ses affluents dans le cadre d’un plan de développement de la culture nationale et de lutte contre l’aliénation sociale, culturelle et civilisationnelle par le colonialisme et le néocolonialisme.

Aux termes des thèses de son deuxième congrès de 1979, le PPS avait mis en garde contre l’occultation des spécificités amazighes dans la culture marocaine et le refus de leur intégration dans le patrimoine culturel national.

D’après le parti, l’unité de l’identité nationale marocaine tire sa force et sa spécificité de la diversité linguistique et culturelle qui prévaut dans le pays.

De telles positions avaient eu un écho favorable au sein du mouvement culturel amazigh, qui allait bénéficier de l’appui du parti conformément à une vision complémentaire, globale, enracinée et fondée sur les aspirations du parti au renforcement des droits de l’homme ainsi que sur la dialectique de l’unité et de la diversité.

Plus tard, le PPS avait publié en 1980 un document intitulée «les langues et les cultures amazighes : partie intégrante du patrimoine national», lequel document résume la position du parti qui allait être peaufiné au cours des congrès ultérieurs.

Quant à la conférence nationale de 2008, elle a constitué un tournant historique en la matière en recommandant entre autres d’accorder un intérêt particulier aux langues marocaines, à la culture amazighe dans toutes ses manifestations et formes et à élaborer une position plus avancée à propos de l’Amazighité.

Partant de là, le PPS avait engagé le combat pour revendiquer au cours de son congrès national de 2010 la constitutionnalisation de l’Amazighité. Une telle revendication a fait l’objet du mémorandum élaboré en 2011 en coordination avec les composantes et les acteurs du mouvement amazigh avant sa présentation à la commission royale pour la révision de la Constitution.

Tout en rappelant que le PPS a vraiment de quoi être fier en la matière, le document présenté souligne que le parti se fixe à présent de nouveaux objectifs dont celui de l’appropriation par ses militants des tenants et aboutissants de la question amazighe et de l’identification des obstacles qui entravent la mise en œuvre de l’Amazighité.

Selon le PPS, la constitutionnalisation a été le moyen le plus efficace de servir la cause amazighe à travers la protection du patrimoine culturel commun et la consécration de l’identité nationale soudée et intégrée dans la personnalité marocaine, laquelle personnalité est riche par ses composantes et ses affluents divers : Amazigh, arabe, islamique, hassani, andalou, africain, hébraïque et méditerranéen.

Dans ce cadre, le PPS apprécie hautement le traitement accordé par l’Etat marocain à la question à travers surtout le discours royal d’Ajdir, la création de l’institut royal de la culture amazigh, l’intégration progressive de la langue amazighe dans l’enseignement et les médias publics et l’adoption du caractère Tifinagh pour l’écriture de la langue amazighe, sans oublier la constitutionnalisation de l’Amazighité, l’adoption par le parlement de la loi cadre relative au conseil supérieur des langues et de la culture marocaines et bien d’autres acquis significatifs réalisés à la faveur d’une période d’unanimité nationale.

Le document présenté soulève de même une série de questions pour aller de l’avant en la matière en proposant notamment à l’Etat de reconnaitre « Id Yennair » et de l’inscrire dans la liste des fêtes nationales.

CHaâbi : Créer une université annuelle pour approfondir le débat autour de la question amazighe

Explicitant davantage la vision du Parti du Progrès et du Socialisme, Hussein Chaâbi, coordonnateur du secteur de la culture et de la communication a rappelé que le PPS était le premier parti politique marocain à accorder à la question l’intérêt qu’elle mérite, et ce à une époque au cours de laquelle ceux qui en parlaient ou évoquaient un quelconque droit des Amazighs risquaient d’être arrêtés et jugés.

D’aucuns allaient même jusqu’à se moquer des analyses du parti, fidèle allié du mouvement amazigh.

Ce qui ne doit étonner personne, compte tenu du référentiel idéologique, culturel et politique du Parti du Livre dont l’engagement pour la défense des droits humains, démocratiques, sociaux, économiques et culturels ne souffre aucune ambiguïté.

Il a également rassuré les composantes et les acteurs du mouvement amazigh de l’intégrité et du loyalisme du  PPS, qui ne cherche pas à travers cette action à instrumentaliser la question amazighe à des fins électoralistes, politiques ou partisanes. Au contraire, le parti du Livre considère que l’avènement et la promotion des droits et de la culture amazighs ne feront que renforcer davantage l’Etat de Droit et l’idéal démocratique, qui sont au cœur du combat que le parti poursuit depuis sa création pour le bien du pays et du peuple.

Selon Chaâbi, le Maroc est en droit d’être fier de ses Amazighs ainsi que de leur culture, de leurs traditions et de leur langue et en particulier de leurs contributions multiformes au façonnement de cette personnalité marocaine très riche par tous ses affluents amazigh, andalou, arabe, musulman, hassani, hébraïque et méditerranéen, atouts qu’on ne trouve nulle part dans le monde.

Il a par ailleurs fait savoir que la question revêt aussi une dimension d’injustice, qui trouve son explication dans le fait que presque toutes les régions amazighes souffrent de l’exclusion et de la marginalisation. Contrairement à d’autres régions, elles accusent un grand déficit en infrastructures de base (routes, hôpitaux, écoles, administration, postes, médias, tribunaux, etc….

Après avoir souligné la pertinence et le bien-fondé des revendications contenues dans la plateforme de discussion présentée, il a proposé la création par le PPS d’une université nationale d’été ou de printemps pour approfondir le débat autour de la question et définir les meilleurs moyens pour en améliorer le sort.

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