Les con-citoyens

Petits hommes, nous sommes. Nous sommes les Petits hommes. Nous ne sommes que de petits hommes. Nous sommes petits! Nous sommes prisonniers de la cité infernale, la cité de fer, la cité du bitume, la cité du néon, la cité moderne. Nous croyons fièrement atteint le summum du progrès et de la civilisation grâce à la science, à l’industrie et à la technologie de pointe.

Nous ne sommes en réalité que des otages, des pions, des moutons. Nous vivons dans une prison à ciel ouvert, un véritable enfer que nous prenons naïvement pour un éden de beauté, de volupté et de féerie. Ce n’est qu’un paradis artificiel fait de maquillage, de faste, d’apparat, de lumières, de vitrines, de publicité, de faux-semblants, de mirages, de trompe-l’œil et d’illusions… Nos gratte-ciel de verre et de fer nous dominent comme les géants dominent les nains, nous écrasent comme des punaises, nous snobent et nous toisent avec mépris et dédain, altiers et souverains. Nous sommes cloîtrés, enfermés, piégés comme des cons. Nous vivons dans un immense aquarium et nous avons cette stupide illusion d’être libres, comme ces pauvres petits poissons! Des murs, partout! Les murs nous entourent, nous encerclent, rétrécissent l’horizon, obstruant la vue, voilant la vie. Ces murs que nous avons battis, nous ont battus, devenus nos pires ennemis; écueils intraitables, obstacles infranchissables, barrières redoutables, geôles impitoyables. La cité infernale nous oppresse, causant notre dépression et notre déprime. Cette survie citadine nous asservit et nous affaiblit de plus en plus. Sédentaires, nous sommes devenus amnésiques et avons complètement oublié nos origines paysannes et notre essence nomade. Malades, nous sommes atteints de maladies graves et même incurables, inconnues de nos aïeux: stress, hypertension, psychose, névrose, cancer, diabète, sida, Hépatite C et autres saloperies de ce siècle maudit!

Frêles, vulnérables, nous faiblissons, nous croupissons, nous nous usons chaque jour un peu plus, victimes de corrosion, de moisissure, de pollution. Nous nous ankylosons, nous plions l’échine, nous rampons comme des serpents. Nous rétrécissons et devenons des nains insignifiants et nous nous pavanons comme des paons sans roue! Nous refusons de voir la réalité en face et préférons que notre miroir nous dise que nous sommes beaux, élégants et intelligents. En réalité tout va mal; nous mangeons mal, nous dormons mal, nous nous aimons mal, nous nous sentons mal, nous avons mal, nous vivons mal! Notre ciel est tantôt gris, tantôt noir, parfois rougeâtre, jamais bleu. Nous avons oublié la couleur de l’azur et le bleu de la mer. Nous avons oublié le murmure de l’eau et le chant des oiseaux. Nous avons oublié le vent et l’air pur. L’air que nous humons est mauvais, pollué, nauséabond. Les fumées de nos usines et de nos machines ont chassé le soleil qui ne vient plus nous ragaillardir, nous réchauffer, nous réanimer, nous requinquer, nous faire sortir de notre torpeur…
Nous avons peur! Nous avons oublié notre instinct naturel et sommes devenus machines, robots, automates téléchargés, télécommandés, téléguidés, inoculés, endoctrinés.
Nous sommes des pantins. Nous ne réagissons plus, nous n’agissons plus, nous ne décidons plus. Blasés, résignés, dociles, obéissants, nous nous laissons faire! Ils font de nous ce qu’ils désirent et nous leur donnons raison et les remercions. Nous croyons choisir, décider, prendre notre destin en main en votant…pour eux! Nous sommes des moutons suivant docilement le troupeau dirigé, guidé, commandé par le berger et ses chiens. Le berger ordonne, les chiens aboient et nous obéissons. Nous nous sentons bien.
(.A SUIVRE)

Mostafa Houmir

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