«Les djellabas vertes se suicident»

(Edition Marsam, 2020). Abdellah Baïda

Par Mamoun Lahbabi

Après trois romans qui ont consacré sa présence dans le champ littéraire, Abdellah Baïda revient avec un recueil de nouvelles qui ne se dispense ni d’humour ni de réflexion philosophique.Retour sur ce panorama qui égratigne parfois les idées reçues.

Abdellah Baïda est un arpenteur du territoire littéraire, comme s’il se sentait à l’étroit dans un genre unique. Ainsi, son écriture baladeuse l’a mené à l’essai, à la critique et au roman. Le voilà aujourd’hui sur les rivages colorés de la nouvelle.

Avec «Les djellabas vertes se suicident», Abdellah Baïda révèle donc ses capacités polymorphes en ne s’éloignant jamais d’une observation pointilleuse de la réalité.

L’écrivain est bien le témoin de son temps pour dire à la fois ce qu’il voit et ce qu’il ressent. C’est bien ce que fait l’auteur dans ce recueil qui oscille d’une scène à l’autre dans une écriture en mouvement.

Les nouvelles pourraient a priori donner l’impression d’un éparpillement, mais il n’en est rien puisqu’elles aspirent à une représentation variée de ce qui nous entoure. Elles sont implicitement reliées par le fil d’une ambition qui superpose l’observation et l’assiduité littéraire.

« Les djellabas vertes se suicident », nouvelle qui donne son titre au recueil, est une parabole autour de l’absurdité de la mort. C’est aussi une subtile dénonciation de la surenchère hystérique des médias. Et bien évidemment une dénonciation de la manipulation des esprits.

«Check-up» nous ramène à la triste réalité de notre fragilité. Si «Nous sommes tous des morts en puissance» comme disait JM Keynes, cette nouvelle nous martèle que « nous sommes tous des malades en puissance ». Mais peut-être des malades imaginaires pour reprendre le mot de Molière.

Satire de l’ingénuité, «Check-up» réitère l’appel de l’auteur à la raison et à la vigilance face à la manipulation et au charlatanisme.

«Ecrire à partir de rien» est une variation philosophique sur une question qui tourmente les créateurs épris de vérité dans l’acte d’écriture. «Ecrire à partir de rien pour que l’écriture puisse dégager toute sa force d’elle-même ou s’effacer » nous dit Abdellah Baïda.

Le ton est donné en nous inventant au retour sur cette phrase de Flaubert : «Je rêve d’écrire un roman sur rien».

Est-il indispensable de citer les treize nouvelles composant ce recueil ? Le lecteur saura découvrir les voix diverses qui y résonnent. Il prendra aussi le plaisir d’une lecture exonérée de tout confinement littéraire. Car la plume de Abdellah Baïda est souple et libre. Elle donne à lire autant qu’à réfléchir sans jamais contourner les difficultés.

«L’obstacle est le chemin» disait Marc Aurèle.

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