Chronique

Par Jraifi Abdelouahed, Expert en télécoms

Le réseau des câbles sous-marins, reliant les différents continents, constitue le système nerveux de l’infrastructure du réseau internet et un élément essentiel pour les télécoms modernes. Il permet d’échanger des quantités de données importantes véhiculées par le réseau Internet. Certes, il existe d’autres réseaux comme celui des satellites pour assurer l’interconnexion des continents mais en termes de performance (Débit et latence), le réseau des câbles sous-marins reste le meilleur. Il est important de souligner que plus de 90 % du trafic Internet pour les communications internationales passe par les câbles sous-marins. Les différents continents sont liés avec plus de 400 liaisons totalisant plus de 1.3 millions de kilomètres posés. Les câbles sous-marins constituent un enjeu de souveraineté numérique et économique et les géants du Web (GAFAM) sont engagés dans le déploiement des câbles sous-marins pour véhiculer les données d’un continent à l’autre.

Toute attaque étudiée et ciblée des câbles sous-marins peut porter un coup fatal à l’économie d’un pays ou mettre hors service la maintenance d’unités industrielles. D’autres incidents involontaires impacteraient l’accès des administrations, des entreprises et des citoyens aux différents services (économiques, sociaux, etc.) en ligne. La mer, après la terre, l’air et l’espace sont des territoires soumis aux rivalités des puissances et qui constituent un enjeu géopolitique. Les câbles sous-marins sont le maillon faible et ces dernières années, plusieurs évènements ont eu lieu. En 2017, une coupure du câble SEA-ME-WE-4 reliant l’Algérie au réseau européen a entraîné une baisse de 80% du trafic internet algérien. En juin 2021, il a été révélé dans la presse que la National Security Agency des États-Unis avait utilisé ces câbles pour espionner les communications de hauts fonctionnaires en Allemagne, en Suède, en Norvège et en France. A cet effet, Le contrôle et la protection de ces câbles sont nécessaires pour protéger cette infrastructure maritime comme toute perturbation, accidentelle ou criminelle, mettrait en péril l’accès des citoyens, des entreprises et des États membres à de nombreux services économiques, sanitaires et même militaires essentiels en ligne. Dans ce contexte, et suite à l’attaque contre Nord stream (canalisation, pour transport reliant la Russe à l’Allemagne via la mer Baltique, pour transport des hydrocarbures), plusieurs pays de l’Otan, dont la Norvège, ont fait savoir qu’ils allaient renforcer la surveillance de ces autoroutes de données. Le 3 Octobre 2022, le Président de la république Emmanuel Macron a demandé qu’un contrôle des câbles sous-marins où transitent les données numériques soit réalisé. La crainte d’éventuels sabotages est une réalité à cause des coupures malveillants des câbles. Des responsables américains et britanniques ont averti à plusieurs reprises que la Russie avait les compétences techniques nécessaires pour impacter le bon fonctionnement de l’internet mondial, en coupant des câbles sous-marins. L’enjeu des câbles sous-marins est stratégique pour les pays. En effet, le propriétaire du câble sous-marin peut contrôler la quantité de données véhiculées et éventuellement l’espionner, et en cas de guerre où tout est permis, la coupure et l’isolement de certaines régions seraient possibles.

Dans un monde interconnecté, l’infrastructure des câbles sous-marins est critique et présente un enjeu stratégique de taille. Pour cela, le contrôle et la sécurité des câbles sous-mains prennent des dimensions économiques, sociale et politique.