Le Cameroun est constitué d’une multitude d’ethnies et de peuples. Si la plupart sont le fruit de vagues d’immigration de différents peuples d’Afrique vers le Cameroun, les pygmées sont quant à eux considérés comme les «gardiens du temple» des forêts camerounaises. On les retrouve également dans d’autres pays d’Afrique, notamment le Gabon, la république centrafricaine, la république démocratique du Congo, le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda…
La petite histoire raconte que tous les pygmées d’Afrique auraient eu un ancêtre commun, il y’a plus de 54 000 ans. Toutefois, le flou plane toujours sur leur origine. La genèse de ce peuple de petite taille en Afrique Equatoriale reste un mystère, d’autant que tous ne parlent pas la même langue, n’ont pas de mythe fondateur, ne se connaissent pas mutuellement…Aucune peinture rupestre n’existe pour tracer leur provenance…Pour peu que l’on sache sur les pygmées de l’Afrique Centrale dont fait partie le Cameroun, ils ont peuplé les grandes forêts depuis les siècles. Ils ont longtemps vécu entre eux sans aucun contact avec l’extérieur, protégés par la forêt. Les pygmées «bakas» du Cameroun et du Gabon seraient l’un des plus anciens peuples des forêts de la planète.
Au Cameroun, on dénombre quatre groupes ethniques de pygmées, notamment les «Baka» à l’Est et au Sud du pays, les «Bakola» dans la bande forestière du Littoral, les «Bagyeli» au Sud-Ouest et les «Medzam» dans la plaine Tikar, au centre. Ce sont près de 4000 pygmées «Bagyeli» et «Bakola», groupes ethniques voisins, qui sont établis dans la partie méridionale du Cameroun sur une superficie couvrant 12 000 km².
Si les pygmées sont installés un peu partout en Afrique et dans le monde, ils sont unis par la même culture et le même mode de vie. Ils vivent dans des campements de 15 à 40 personnes nichés en pleine forêt. L’autorité cheffale est généralement attribuée à un vieillard dont le pouvoir s’exerce de plein droit sur l’ensemble de la communauté.
Ils entretiennent un rapport étroit avec la nature et jouissent de diverses manières de ses grâces. Pour leur alimentation au quotidien, ils y trouvent gibier, poissons…La mère nature leur fournit fruits et miel dont ils sont très friands… Elle leur procure également du bois et des feuilles pour construire leurs habitations, des huttes appelées «moungoulous». Celles-ci sont constituées de branchages entrelacés recouverts de feuillage qui assure leur étanchéité. Ils trouvent dans leur environnement naturel les remèdes : écorces, feuilles, racines, aux vertus thérapeutiques pour soigner leurs maladies. D’ailleurs, les pygmées «Bagyeli» sont réputés comme les meilleurs guérisseurs traditionnels du Cameroun.
Si ce peuple forestier utilise les ressources mises à sa disposition par la nature, il le fait de manière mesurée. Animistes, les pygmées considèrent la forêt comme le lieu des esprits de la nature qui veillent sur eux, les protègent ou les punissent…Ils pratiquent le culte de l’esprit de la forêt (Kirdi) et du totem protecteur de la communauté (Ejengi). Mais, depuis quelques décennies, ce lieu sacré est «bafoué» et «blasphémé» par la déforestation, l’exploitation forestière intense, les mesures de «conservation». Ce qui a contribué à modifier en quelque sorte leur mode de vie et les forcer à s’adapter au mode de vie de la société camerounaise.
Aujourd’hui, pour se nourrir, ils pratiquent le troc. Contre des féculents, ils échangent les produits de leur chasse et pêche. Néanmoins, avec la déforestation progressive, ces échanges diminuent, car ils ont de moins en moins les capacités d’offrir les biens de la forêt. Les pygmées du Cameroun se semi-sédentarisent progressivement et ne vivent plus essentiellement dans les campements. Certains sont installés en bordure de route. Ayant toujours vécu renfermés sur eux, ils font face à plusieurs défis : l’analphabétisme, le manque de socialisation politique, l’appauvrissement progressif de l’écosystème forestier, la perturbation de leur habitat et mode de vie…
Danielle Engolo