L’opportunité

Par : Abdeslam Seddiki

Le projet  de loi-cadre examiné  en Conseil de Gouvernement jeudi dernier dans la perspective de son adoption en Conseil  des Ministres prochainement  avant d’être soumis à l’approbation parlementaire revêt une importance capitale dans la vie politique et démocratique du pays.

La sensibilité et l’enjeu du sujet ne sont pas à démontrer. Rarement une question suscite autant d’intérêt de l’opinion publique et des commentateurs de tous bords. A telle enseigne qu’elle s’impose d’elle-même comme priorité nationale. Elle est sur toutes les  lèvres et constitue un sujet permanent de discussion et une préoccupation majeure pour les   familles.  Les conférences  et les rencontres à tous les niveaux consacrés à la question éducative ne se comptent pas et il serait fastidieux d’en faire l’inventaire.

Rappelons, tout simplement, les grands derniers moments : les travaux de la COSEF qui ont débouché sur l’adoption d’une charte de l’éducation, le lancement d’un programme  d’urgence  2009-2012, la création en 2014 du Conseil Supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique  qui a travaillé   d’arrache-pied  pour élaborer une vision 2015-2030. Cette dernière, une fois approuvée, vient d’être déclinée en projet de loi –cadre. Et la chaine se poursuivra à l’avenir  par l’élaboration d’une série de textes de lois, de décrets  et de règlements prévus  pat ledit projet de loi-cadre !! C’est dire toute l’étendue de ce chantier qui ne s’achèvera, dans le meilleur des cas, qu’à l’horizon 2025.

Ce projet de loi cadre mérite qu’on le prenne au sérieux.  Réduire la discussion  au seul article 45 qui stipule l’instauration des frais d’inscription à l’université, et au lycée dans une deuxième étape,  pour les familles dites aisées  est un moyen d’escamoter le débat sur les  enjeux fondamentaux que soulève ce texte et les problématiques inédites qu’il  aborde.

Le document, composé de 10 chapitres et de 57 articles, s’assigne des objectifs ambitieux pour le pays : définir les grands choix stratégiques de l’Etat en la matière, garantir la durabilité de la réforme (pour ne pas reproduire les erreurs du passé en recourant à la réforme de la réforme), jeter les bases d’un cadre contractuel national définissant les obligations de tous les intervenants (Etat, secteur privé, collectivités territoriales et d’autres partenaires). C’est un projet, est-il écrit, fondateur d’une étape nouvelle selon une approche moderne pour appréhender la question de l’éducation, de l’enseignement de la formation et de la recherche scientifique.

S’il y a une question qui s’inscrit au cœur d’un projet de société, c’est bien celle de l’éducation-formation. C’est pour cela qu’elle demande beaucoup d’audace, et de détermination. Le Maroc et les Marocains ont beaucoup souffert de la manière avec laquelle a été traitée cette question par le passé : trop d’atermoiements et d’hésitations sur les choix fondamentaux  dont notamment ceux relatifs aux langues, aux programmes et aux modalités de financement ; beaucoup de démagogie et de populisme à chaque fois que l’on aborde les questions de l’évaluation, de la promotion  considérées des questions tabous….Aujourd’hui, on ne fait que constater les dégâts : abandons en masse, analphabétisme et illettrisme inquiétants, des formations au rabais, un enseignement à plusieurs vitesses…

Il est donc  grand temps de prendre le problème à bras le corps. Le projet de loi-cadre s’inscrit bel et bien dans cette perspective. Il vise à mettre le pays à niveau pour être au diapason des défis et  prêt aux rendez-vous historiques qu’il s’est fixé. Bien sûr, le projet de loi-cadre n’est pas une fin en soi. Ce n’est qu’un moyen parmi tant d’autres.  Il faut de la mobilisation autour des choix stratégiques, des consensus positifs et créateurs sur les valeurs principales au lieu des consensus boiteux et stériles.

Certes, le projet de loi peut ne pas être parfait. Rien n’empêche cependant de l’améliorer et de le perfectionner, surtout en levant toute équivoque sur la gratuité de l’enseignement.

Mais l’essentiel y est : obligation de l’enseignement fondamental  à partir du préscolaire, renforcement des langues étrangères aux côtés de nos deux langues nationales dans la perspective de maîtriser 4 langues au niveau de la classe terminale,   révision des programmes en les débarrassant des scories rétrogrades et passéistes, valorisation des ressources humaines, restructuration de la recherche scientifique, mobilisation des moyens financiers additionnels, mise en place d’une gouvernance basée sur la transparence, la responsabilité  et  la recevabilité ….C’est donc une opportunité historique, peut-être la dernière ?, qui nous est offerte pour enfin remédier aux maux qui taraudent notre système éducatif. A chacun de prendre ses responsabilités.

Il ne faut surtout pas qu’on continue à perde notre temps à discuter  sur le  sexe des anges ! Ou à voir partout l’ombre du FMI et de la BM jusqu’à en faire une obsession…

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