Médias et forces de sécurité: quelle relation?

Médias et gouvernance sécuritaire : quelle relation ? C’est la grande question à laquelle s’est attelé un panel qui a réuni, jeudi à Rabat, professionnels de médias et hommes du système sécuritaire.  Aux dires de différents intervenants, les relations entre les deux parties sont toujours aussi conflictuelles.

Abdellah Bakkali, président du syndicat national de la presse marocaine, confie que le manque de confiance gangrène la relation entre les médias et les forces de sécurité. «Les médias ont toujours peur du système de sécurité qui éprouve d’ailleurs les mêmes craintes à l’égard des journalistes», a-t-il déploré. Le malaise s’accroît avec le secret professionnel auquel les forces de sécurité sont tenues.

Car, explique Bakkali, ce principe n’est pas reconnu par les journalistes qui cherchent à donner un maximum d’informations. Ce qui ne semble pas du goût du président du syndicat de la presse, qui a dénoncé les excès des médias.  La publication des noms de personnes poursuivies en justice ou de photos de victimes le dérange. Bakkali reproche ainsi aux médias de « gonfler » l’information afin de générer plus d’audience.

Or, «cela contribue à renforcer le sentiment d’insécurité chez le citoyen». Certes, la constitution de 2011 a consacré la liberté de presse, mais ce principe demeure verrouillé. En effet, «l’article 28 stipule que les médias jouissent du droit d’exprimer et de diffuser librement dans la limite de la loi», a rappelé pour sa part l’universitaire Omar Cherkaoui.

L’absence d’un porte-parole du système de la sécurité et la faible fréquence de publication de communiqués de presse laissent la porte ouverte à la manipulation, renforçant ainsi la défiance à l’égard des médias.

Cependant, des avancées sont enregistrées dans la relation entre ces deux parties depuis la réforme du code de la presse et le code pénal. Parmi celles-ci, la poursuite des journalistes sur la base du code de la presse, et non pas en vertu du droit pénal. En dépit de ces avancées, «il y a encore du chemin à parcourir», de l’avis de Abdellah Bakkali.

A eux seuls, «les textes juridiques ne permettront pas de réguler ces relations», affirme Omar Cherkaoui. Face à des relations jugées «conflictuelles», l’on appelle à l’institutionnalisation de ces relations à travers la mise en place d’une stratégie de communication. Mustapha Lefrakhi, représentant du ministère public, encourage son système à communiquer davantage dans la limite de la loi afin de couper court aux risques de manipulation et de déformation de l’information. Pour lui, ces échanges entre médias et forces de sécurité ne doivent pas obéir à une approche concurrentielle ou de contrôle, mais plutôt d’entraide et de complémentarité. Cependant, «toutes les affaires en justice ne peuvent pas être traitées en détail par les médias», estime Mustapha Lefrakhi.

Et pour qu’il qu’en soit ainsi, il faut, de l’avis de tous les intervenants, adopter une charte éthique, en plus de faire preuve d’esprit de solidarité.

Hajar Benezha

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