L’accès pour tous aux soins et aux médicaments est un sujet d’actualité. Tout le monde en parle. Chacun y va de sa connaissance, du moment et du lieu. Les uns critiquent, d’autres analysent et argumentent, subjectivement ou objectivement, selon leur expérience.
S’agissant de l’accès aux médicaments, le Maroc enregistre depuis quatre ans d’énormes progrès, en partie grâce à la baisse des prix de près de 2.000 produits médicamenteux, mais aussi grâce aux médicaments génériques. Eclairage sur les médicaments génériques.
Lorsqu’un laboratoire met au point un médicament, il garde l’exclusivité de sa commercialisation jusqu’à l’expiration de son brevet et jusqu’à l’expiration de la durée de protection des données de l’Autorisation de Mise sur le Marché (A.M.M), une durée qui n’excède pas 10 ans en moyenne. Dépassé ce délai, une copie du produit original peut ensuite être développée et commercialisée par un autre laboratoire. On l’appelle médicament générique.
La définition marocaine du médicament générique est contenue dans la loi 17/ 04 du code du médicament et de la pharmacie, dans son article 3 aliéna 5. On peut y lire : «on entend par spécialité générique d’une autre spécialité, une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité». Les médicaments génériques existent au Maroc depuis les années 70, et, même pour certains médicaments, le générique a été introduit avant le princeps, c’est-à-dire issus de la molécule mère. Les effets thérapeutiques générés par les génériques sont similaires à ceux des princeps.
Faible taux de pénétration du générique au Maroc
En termes de taux de pénétration du médicament générique, celui – ci représente près de 80 % dans le secteur public, c’est-à-dire dans les hôpitaux et centres de santé, dispensaires …
Mais ce taux de pénétration reste très faible dans le secteur privé où le médicament générique ne représente que 28 ou 32 %, ce qui est très peu et en deça des chiffres enregistrés dans certains pays riches qui ont pourtant des moyens et des capacités. Ainsi, la pénétration du médicament générique en France s’élève à 52% contre 71% au Royaume-Uni, 75% en Allemagne, 81% au Canada et 89% aux États-Unis.
Dans les pays du Maghreb, ce taux est de 69% en Tunisie et de 41% en Algérie.
On est en droit de se poser la question, de savoir ce qui justifie ce faible taux de pénétration?
Des médicaments sûrs et efficaces
Pour obtenir le statut de médicament générique, un médicament doit prouver sa bioéquivalence avec le médicament d’origine. La bioéquivalence garantit une efficacité et une sécurité d’emploi identiques à celles du médicament d’origine, quelles que soient ses différences de présentation. Comme tout médicament, le médicament générique est ensuite contrôlé à toutes les étapes de sa fabrication. C’est un médicament auquel on peut faire confiance. Ce sont des atouts, qui en toute bonne logique, devraient permettre aux prescripteurs (médecins) d’opter pour ces médicaments au moment d’établir une ordonnance. Mais tel n’est pas très souvent le cas.
Mais, qui sont boudés
En effet, sur le terrain, il en va autrement. Il faut dire que les génériques, ces médicaments moins chers, n’ont pas la cote. Ils sont boudés, ignorés par certains médecins, qui reprochent aux génériques des problèmes de tolérance (diarrhée, voire palpitations, sensation d’essoufflement) et d’efficacité, problèmes qu’ils attribuent au conditionnement différent du médicament générique (gélule au lieu du comprimé habituel, enrobage différent du médicament modifiant son goût, son absorption ou sa conservation, etc.). Il est vrai que lorsqu’on change un médicament par un autre, intervient un facteur psychologique qui joue un rôle important. Cela s’est surtout vérifié dans certaines maladies mentales ou certaines pathologies cardiovasculaires. Pourtant, il n’ n’existe à ce jour aucune raison scientifique pure pour se méfier des génériques. Néanmoins, leur forme, leur apparence, leur capacité à être bien digérés par l’organisme peut légèrement changer. Ce qui pourrait expliquer les variations de leur efficacité (un médicament moins bien toléré est souvent plus facilement oublié…).
Tous gagnants avec le générique
Les médicaments génériques sont moins chers. Ils coûtent 30 à 50 % moins cher que les médicaments dits originaux. C’est donc une solution qui a le mérite de permettre aux économiquement faibles, à ceux qui ont des revenus modestes de pouvoir se faire correctement soignés en ayant accès à des médicaments efficaces, qui ont toutes les garanties dont la fameuse autorisation sur le marché (A.M.M), et bien entendu la bioéquivalence.
Parler de médicaments moins chers, accès plus facile, plus grand nombre de bénéficiaires, de malades soignés signifie clairement que les premiers bénéficiaires des médicaments génériques sont les patients qui profitent indirectement des économies réalisées.
Mais les génériques profitent aussi aux laboratoires qui fabriquent les médicaments génériques, qui ne dépensent pratiquement rien en termes de recherche, alors que la situation est délicate pour ceux qui cèdent leurs brevets.
On a tendance à croire que les pharmaciens d’officines sont contre les médicaments génériques, et qu’ils leurs préfèrent les princeps car la marge bénéficiaire est plus importante. Ce qui est totalement faux car les pharmaciens d’officines ont compris mieux que tous les autres que c’est avec la promotion du générique qu’ils pourront se faire de bons chiffres d’affaires, à condition disent-ils que les prescriptions médicales soient établies en dénomination commune internationales ou DCI (sous le nom chimique de la molécule), surtout pour tous les médicaments qui ont une doublure générique.
S’il fallait citer un seul exemple de médicament générique pour schématiser tout l’intérêt, les avantages, les raisons qui militent pour ces médicaments moins chers, on citerait sans hésiter le SSB 400, premier générique anti-hépatite C 100% marocain à base de Sofosbuvir, qui est commercialisé à un prix de 3.000 dirhams la boîte. C’est aujourd’hui un traitement qui va permettre à plus de 600.000 personnes atteintes d’hépatite C d’avoir accès à un traitement à moindre coût, le coût de la cure de 12 semaines est de 451.000 dirhams en France et de 800.000 dirhams aux Etats Unis. Au Maroc, le prix de la cure de 12 semaines est de 9.000 dirhams pour le SSB 400 au Maroc, c’est dire tous les avantages que représente la promotion des génériques. Pour notre pays, il ne saurait y avoir d’essor de la médecine, de promotion de la santé de nos concitoyens sans la disponibilité et l’accessibilité de médicaments génériques.
C’est à l’évidence un réel enjeu politique, social et économique.
Médicament générique : un enjeu de santé publique
Le Maroc mène actuellement une politique courageuse volontariste dans le domaine de la santé afin de garantir à tous les citoyens les meilleurs soins possibles, élargir la couverture médicale pour arriver dans les années à venir à une couverture universelle.
Dans ce sens, l’accès pour tous aux médicaments est en première ligne des priorités du ministère de la santé. En effet, la promotion des médicaments génériques représente un enjeu majeur de santé publique.
Par ailleurs, et afin d’assurer la pérennité de l’assurance maladie obligatoire (AMO), il faut réguler les dépenses d’assurance-maladie, ce qui nécessite, entre autres, de bien maîtriser le poste médicament, d’augmenter la part des médicaments génériques prescrits pour les pathologies les plus fréquentes, ce qui permettra à l’ANAM de pouvoir faciliter l’accès aux soins du plus grand nombre. Pour cela, il faut faire évoluer les comportements des professionnels et des patients car le générique doit encore convaincre les récalcitrants pour pouvoir devenir l’un des outils de maîtrise des dépenses de santé.
Le temps est venu pour que soit instauré un climat de confiance dans les médicaments génériques : confiance dans l’Etat qui régule et garantit la qualité, confiance dans les industriels qui fabriquent et confiance dans les professionnels qui prescrivent et délivrent.
La promotion des médicaments génériques au Maroc est une action qui s’inscrit dans les missions et plans d’action de l’agence sur le long terme.
Grâce aux actions qui sont aujourd’hui menées en partenariat avec tous les acteurs, le médicament générique est de mieux en mieux compris comme étant une opportunité pour les malades de développer et préserver l’assurance maladie obligatoire, pour les organismes gestionnaires pour préserver l’équilibre de leurs budgets, pour les médecins afin de soigner plus de patients et de mieux orienter les ressources financières de l’AMO, pour les pharmaciens afin de se repositionner comme acteurs essentiels du circuit du médicament et, enfin, pour les industriels pour pouvoir discuter avec les autorités de la politique du prix du médicament.
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L’industrie Pharmaceutique marocaine
L’industrie pharmaceutique joue un rôle socio-économique important. Elle est à l’origine de plus de 40000 emplois directs et indirects. Cette industrie réalise entre 1% et 2% du PIB national. Actuellement, l’industrie pharmaceutique marocaine occupe une place importante au niveau du continent africain en termes de taille et de chiffre d’affaires. Elle est née d’une volonté gouvernementale visant à assurer l’autosuffisance et à substituer la fabrication à l’importation en matière de médicaments. Cette industrie a connu une grande évolution en terme: de nature des opérations de fabrication : allant du simple conditionnement vers des opérations complexes de fabrication ; du nombre d’unités de production passant de 8 unités en 1965 à 40 en 2012, dont 4 spécialisées dans les solutés et produits pour hémodialyse.
Politique Pharmaceutique Nationale
L’industrie pharmaceutique au Maroc représente une part importante de l’économie nationale : 12 milliards de DH de chiffre d’affaires en 2011, 65% de la consommation est fabriqué localement en 2011 ; 8 % de la production est destinée à l’export vers des pays européens, arabes, asiatiques ou encore africains, avec un chiffre d’affaire de 360 millions de dirhams à l’export en 2011.
Les Pharmacies d’officine
La pharmacie d’officine constitue le dernier maillon de la chaîne de distribution du médicament. Le nombre d’officines privées a connu une évolution considérable depuis l’indépendance. Il est passé de 375 en 1975 à plus de 10.000 en 2012, et plus de 12.000 pharmacies en 2017.
Ouardirhi Abdelaziz