Port de pêche d’Agadir: Une calamité écologique imminente

Dans maintes livraisons précédentes, relatives à la situation portuaire de la capitale du Souss, nous avons évoqué, non sans amertume ni indignation, les dysfonctionnements et les défaillances qui continuent à sévir, au niveau de la commercialisation des ressources halieutiques, depuis leur atterrissage aux bassins jusqu’au pont-bascule, en passant par la criée à la halle aux poissons.

Un véritable réseau de trafic poissonnier,  orchestré par une flopée d’intervenants publics et privés y est monté, en parfaite coordination, pour que tout le monde puisse trouver son compte et se répartir le butin, selon le passage et le cheminement du poisson, à travers toutes les phases précitées. De ce fait, ce détournement fomenté de toutes pièces, amenuise, d’une part, les caisses de taxation au profit de nombre d’agents de départements censés veiller au bon déroulement du marché du poisson, en appliquant à la lettre les règlements en vigueur et, d’autre part, favorise le monopole et la spéculation dans le camp des armateurs et des mareyeurs influents dans le domaine.

Dans le présent reportage, on soulèvera un autre volet de cette déficience du port maritime d’Agadir. Il s’agira de son état actuel tel qu’il a été rapporté par les acteurs de la société civile, en particulier «Paysage», association très connue dans la région pour son dynamisme et son souci de la protection de l’environnement, sans omettre celles intéressées par l’évolution des côtes marines. En effet, selon les multiples investigations effectuées sur place, il en résulte la présence d’énormes quantités de détritus de sources diverses qui flottent sur les eaux du bassin mortuaire, y compris les déchets liquides. Ce spectacle piteux qui révèle une forte transgression des lois inhérentes à la préservation du littoral, interpelle toutes les parties compétentes afin de sanctionner les contrevenants et mettre de l’ordre dans le port de pêche. Le volume de la catastrophe qui menace le bassin pollué est de plus en plus alarmant. Les huiles sombres des moteurs se propagent sur la surface des eaux du port maritime, plus spécialement les quais 4, destinés à la réparation et à l’entretien des bateaux, en plus de l’immense dispersion des déchets solides et liquides, semblables à un dépotoir anarchique sur les mêmes lieux.

Ces constats horribles et déconcertants dévoilent la négligence des agents chargés de la gestion de ces dangereux déchets, en dépit des efforts de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, dans le cadre du programme des littoraux propres et du littoral pérenne, ainsi que le secrétariat d’Etat à l’environnement et au développement durable, au niveau des lois de la gestion des déchets dangereux, du traitement, de la collecte et du transport. Ceci étant, il est donc constaté cette violation et cette indifférence de la part des responsables de la gestion du port et leur insouciance en matière de préservation de l’environnement et de la protection des littoraux, malgré des budgets alloués à la propreté et au nettoyage des ports de ces effets attentatoires à la protection de la côte et de la vue maritime générale.

Il va sans dire que les composantes des différents déchets transforment le bassin et le port entier en points noirs de pollution, en rupture catégorique avec le contenu de la loi 00-28, relative à la gestion des déchets. A cet égard, il convient de rappeler que le port constitue une source économique et de développement importante, en matière de pêche maritime, ainsi que d’autres secteurs y afférant d’une manière indirecte. En conséquence, l’unité portuaire se devrait de jouir d’un intérêt tout particulier, en termes de qualité de la vie de cette source nationale névralgique, de l’amélioration de ses services au niveau humain, technique et matériel, de la protection de son environnement à tous les niveaux…Ce qui nécessite la mise en œuvre d’une approche participative selon laquelle chaque acteur intervenant assume sa responsabilité, conformément aux conventions universelles signées par notre pays dernièrement.

En vertu de ces orientations générales, en conformité avec les dispositions de la loi-cadre 99-12 et dans le cadre de l’article spécifique aux obligations de l’Etat, des communes territoriales, des sociétés étatiques, des entreprises privées, de la société civile travaillant dans le domaine de la protection de l’environnement, il est clair que ce qui se passe dans le port de pêche en termes de dégradation des services écologiques, d’absence de traitement au niveau de la gestion des déchets dangereux et de protection de l’environnement portuaire de la pollution nécessite de mener une enquête sur ces déficits qui portent préjudice à l’intérêt suprême loin des considérations personnelles passagères, ainsi qu’à l’image du royaume au regard des conventions internationales signées et les efforts louables déployés par nombre de parties aussi bien institutionnelles qu’associatives. Il faut dire que c’est là un fléau écologique face auquel il n’est plus possible de garder le silence. D’autant plus qu’il enfreint les lois, plus particulièrement l’article 4 relatif à la gestion des déchets de la loi 28-00, notamment du 29 à 37, sous forme de crimes commis contre les ressources économiques et naturelles.

Les protecteurs de l’écologie montent au créneau et réclament d’appliquer la loi sur la préservation du port et de diligenter une commission intègre auprès des concernés à l’administration en vue de recouvrer l’état portuaire d’antan et de mettre un terme à la pollution marine. Surtout qu’on débloque, croit-on savoir, la bagatelle somme annuelle d’un million de dirhams pour ce faire. Or, jusqu’à présent, on relève qu’on met en place une petite embarcation, bien dépassée et insignifiante, chargée d’évacuer toutes ces ordures solides et liquides pour une si énorme tâche.

Certes, le projet national de la protection du littoral demande l’adhésion de plusieurs partenaires, mais il est avant tout l’affaire des acteurs et intervenants des administrations placées au sein du port. Cette situation lamentable du port d’Agadir est de longue date et s’aggrave ces derniers temps. Les constituantes et les espèces des déchets flottants qui ont été supervisées sont mélangées de liquides d’huile noirâtre des moteurs des bateaux, composée de matières toxiques et dangereuses pour la faune marine et le littoral. Cet endroit est devenu, par conséquent, une réelle décharge de déchets étendue sur plus de 3000 m2.

Ces trainées d’huile et de carburant se déplacent sur d’autres surfaces et se dirigent vers le large, par l’entrée du port. De surcroît, ces déchets s’accumulent aussi entre les bateaux accostés sur le quai à destination du cap rouge de l’entrée du port. Suivant la loi relative à la gestion des déchets dangereux, ces derniers sont soumis à des mesures rigoureuses qui ne peuvent être, en aucun cas, non respectées, aussi bien au niveau de la collecte, du traitement que de la liquidation définitive, sans impacter l’environnement marin.

Il est alors urgent de s’atteler à libérer le port de pêche d’Agadir de toutes ces pollutions liquides et solides qui le submergent et hypothèquent tout l’espace maritime de cette zone, d’autant plus que la pêche maritime demeure l’un des axes vitaux de l’économie nationale. Enfin, il est regrettable de souligner que les touristes qui font toujours un détour au port, en tant que site incontournable de leur séjour, sont désagréablement surpris de découvrir ces monstruosités sur le bassin crasseux où est ancrée une multitude de bateaux en état marécageux. Inutile de préciser qu’ils sont munis de leurs caméras…Quelles images exportées dans leurs pays!

Saoudi El Amalki

Related posts

Top