Pour un nouvel emploi du temps urbain

Il est devenu impossible de circuler dans nos villes!

Allez, essayez de comprendre : à midi pile, les principales artères des grandes villes marocaines sont déjà encombrées. Les embouteillages énormes. A midi moins dix, le boulevard Zerktouni à Casablanca est déjà saturé.

On peut alors s’interroger : à quelle heure commencent les heures de pointe?  Quel est  l’impact de l’horaire continu  adopté il y a quelques années ? J’imagine que ceux qui sont dans leur voiture à midi, ont quitté leur bureau au moins à 11h30. Cela laisse supposer aussi que les usagers des différents services, privés et publics, désespèrent tôt et préfèrent rebrousser chemin. Résultat : à midi, la circulation est un calvaire. Et si on ajoute à cela les transports en commun dans leur variété, le ramassage scolaire, les différents travaux ici et là… nous obtenons une ville bloquée. Et cela quatre fois par jour.

C’est là une dimension qui mérite une réflexion particulière, originale et audacieuse. Les services publics, les collectivités locales surtout sont invités à sortir de leur léthargie pour un véritable plan de sauvetage de la fluidité urbaine. Mais au vu du désastre qui mine nos villes, on s’inquiète. Y a-t-il une commune dans la ville?

Faisons un détour par l’étranger pour voir ce qui se passe ailleurs. Il y a quelques temps j’ai lu un reportage dans son magazine français autour de ce thème, intitulé  “Les villes remettent les pendules à l’heure” où il ressort que les villes modernes se dotent de structures spécifiques pour réfléchir à une autre organisation du temps à même de répondre aux mutations de la vie des citoyens.

La fréquence des transports en commun, l’ouverture des commerces, l’accès aux services publics…bref tout ce qui relève de l’organisation de la vie quotidienne doit désormais intégrer une conception d’ensemble. En France, une réflexion a été initiée par les pouvoirs publics, intitulée “Les temps de la ville” pour encourager les collectivités territoriales à se doter de “bureau des temps”.

Une structure chargée d’aider les élus à mieux connaître, comprendre et résoudre les difficultés journalières de leurs administrés. Cela va à l’assouplissement des formalités administratives, les horaires des crèches ou comment désengorger les transports en commun aux heures de pointe. Des pays comme l’Italie sont déjà en avance dans ce domaine. A Milan, la réflexion a commencé il y a plusieurs années déjà sous l’impulsion de l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail.

Imaginez en effet l’horaire d’une femme fonctionnaire qui se réveille à six heures du matin pour une première corvée matinale, notamment préparer les enfants avant l’arrivée du transport scolaire à 7h30. Elle prend ensuite le chemin pour son travail; être de nouveau à midi à la maison pour recevoir et nourrir les enfants qui repartent à 13h30.

Refaire le même scénario à 18h. Des universitaires, des sociologues, des politiques penchent sur le sujet. Il ne peut plus en effet être occulté. Pour rester dans l’exemple italien, toutes les villes de plus de trente mille habitants sont tenues de se doter d’un bureau des temps pour proposer parfois des mesures simples mais aux effets bénéfiques pour tout le monde. En Hollande, une grande politique de flexibilité du temps urbain est mise en chantier. Les citoyens sont encouragés à augmenter ou à diminuer leur temps de présence en fonction des nécessités de la vie privée.

On favorise aussi énormément le télétravail et on propose une large gamme d’ouverture des bureaux. Beaucoup de services ouvrent l’après-midi, voire même le dimanche. Il suffit parfois de décaler le début d’une activité d’un quart d’heure pour constater des améliorations au niveau des taux de présence ou de motivation.

Au Maroc, la réflexion est d’autant plus pertinente que le pays s’essaye à la gestion régionale. Les académies d’éducation ont déjà appliqué le système des vacances par zones. Mais c’est au sein des villes qu’il est urgent de réfléchir à des formules multi-options pour débloquer (le mot est à la mode) les centres urbains. Y a-t-il un ingénieur dans la ville?

Mohammed Bakrim

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