Webinaire du PPS sur l’offre de soins à l’horizon de la généralisation de la couverture sociale
M’Barek Tafsi
Soucieux d’apporter sa contribution à la réalisation du chantier titanesque de la couverture sociale qu’il soutient totalement, le Parti du Progrès et du Socialisme a organisé, Jeudi 1er Avril courant, un deuxième webinaire sous l’intitulé : «quelle offre de soins à l’horizon de la généralisation sociale», après celui du 18 Mars dernier sur la gouvernance et le financement de la couverture sociale.
Il a invité à cette manifestation, dont la modération a été assurée par Dr. Touria Skalli, médecin, parlementaire et membre du bureau politique du PPS une pléiade de spécialistes, des biologistes, des pharmaciens, des professeurs universitaires, des politiques et des représentants d’organismes de gestion du secteur.
Le lancement de ce chantier titanesque de la généralisation de la couverture sociale dans une période de cinq ans (2021-2026) pour inclure 22 millions de bénéficiaires supplémentaires suscite en effet tous les espoirs. D’aucuns vont jusqu’à soutenir qu’il provoquera une véritable révolution sociale à travers la mise en place d’un système social et sanitaire plus juste et plus équitable.
Le coût annoncé du projet est estimé à 51 milliards de Dirhams pour financer la généralisation de l’AMO (Assurance maladie obligatoire), des allocations familiales, de la retraite et du bénéfice de l’IPE (indemnité pour perte d’emploi).
Un tel chantier requiert aussi des réformes de fond qui trainent depuis des années.
D’entrée, la modératrice du webinaire a rappelé que la mise en œuvre de ce chantier risque de se heurter au déficit que connait le secteur de la santé en ressources humaines. Outre ce déficit se pose aussi avec acuité le problème de l’injustice spatiale en la matière.
Ahmed Zaki: pour un système de santé qui priorise la prévention
Tout en rappelant que la couverture sociale constitue pour le PPS un projet social d’envergure auquel il adhère totalement, Ahmed Zaki, pharmacien et membre du BP du parti a souligné que le Maroc a tout à gagner à travers le déploiement de ce grand chantier, en optant pour un système qui priorise la prévention.
Le déploiement d’un tel système préventif aura en effet le mérite d’être moins couteux que celui des soins et de réduire les charges des soins que nécessiterait ultérieurement le traitement des maladies, a-t-il expliqué. Tout le monde y gagne beaucoup, a-t-il dit. Les citoyens leur santé et leur argent et l’Etat ses fonds.
Citant des statistiques du ministère de la santé, il a indiqué qu’en l’état actuel des choses, quelque 75 % des décès sont dues à des maladies chroniques non contagieuses, sachant que le Maroc avait heureusement réussi, grâce à plusieurs campagnes de vaccination, à éradiquer les maladies contagieuses qu’il connaissait.
Font partie de ces maladies qui tuent aujourd’hui le plus au Maroc le cancer, le diabète, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et les maladies pulmonaires.
En général, ces maladies chroniques ont progressé de 18,2% en 2011 à 21 % en 2018.
Dans le cadre de la restructuration du système des soins au Maroc, a-t-il dit, il importe de privilégier la réflexion sur les expériences réussies à travers le monde qui priorisent la prévention dans leur politique de santé.
Ceci ne signifie guère que le traitement des maladies et les soins de santé devaient être négligés, a-t-il expliqué.
Autrement dit, il importe d’axer les efforts sur la prévention, qui interpelle non seulement le ministère de la santé, mais toute une panoplie de secteurs et l’ensemble des citoyens, qui doivent être sensibilisés de son importance.
Elle concerne en premier le cadre de vie des habitants, dont la qualité dépend de plusieurs facteurs ayant trait à la disponibilité de l’eau potable, de l’électricité et de la qualité du réseau d’assainissement liquide. La qualité de ce cadre de vie dépend aussi de celle du logement et de l’état des quartiers et de leur propreté. Si de tels éléments font défaut, des maladies, qui ont été éradiquées resurgissent comme c’est le cas récemment de la tuberculose, a-t-il ajouté.
Dans le cadre de cette action, il importe de protéger également l’environnement contre la pollution et d’aider les citoyens à avoir une alimentation équilibrée.
Malheureusement, la santé des consommateurs est le dernier souci des industries alimentaires, qui ne cherchent que le profit, en utilisant à outrance et en grandes quantités des ingrédients comme le sel et le sucre, sans que personne n’attire leur attention sur la gravité de leurs activités.
Said El Moutawakkil: le Maroc en train de réaliser une véritable révolution sociale
Au lendemain de son indépendance, le Maroc avait mis en place un système national de santé dès 1959 et procédé depuis à une série de réformes, qui viennent d’être couronnées par le lancement d’une véritable révolution en douce qu’est la généralisation de la couverture sociale, a estimé le professeur universitaire Said El Moutawakil, également médecin spécialiste.
Selon la Constitution de 2011, a-t-il dit, le droit à la santé fait partie désormais des fonctions de l’Etat à coté des ses fonctions régaliennes. L’Etat est chargé de mettre à la disposition des citoyens des services de santé.
Exposant en chiffres les atouts du secteur, il a indiqué que le corps médical compte 12.034 médecins dans le secteur public dont 3857 généralistes et 7.559 spécialistes, le corps paramédical compte 31.0657 dont 2.028 corps administratif et 3.773 corps technique.
L’on recense aussi en matière des soins de santé primaires 838 centres de santé urbains et 1274 centres de santé ruraux, 149 hôpitaux (23.931 lits), 10 hôpitaux psychiatriques (1454 lits) et 113 centres d’hémodialyse (2213 appareils de dialyse). A cela il faut ajouter 4 CHU et 3 autres en cours de réalisation.
Le secteur privé compte 5.190 médecins généralistes, 8.355 médecins spécialistes, 359 cliniques (10.346 lits), 9.671 cabinets de consultation médicale et 268 cabinets de radiologie.
Au Maroc, a-t-il rappelé, l’offre de soins de santé se fonde sur le réseau des soins primaires (Centres de santé, hôpitaux de proximité et régionaux, les CHU).
Cette offre de soins est encadrée par des lois dont en premier la loi cadre N° 34-09 relative au système de santé ou palliatifs et de réhabilitation et à l’offre de soins.
On a deux secteurs public et privé, dont l’organisation territoriale doit s’effectuer de manière harmonieuse pour pouvoir répondre aux besoins des habitants et des régions. Ce qui n’est pas le cas à présent, a-t-il dit.
Sur un plan purement juridique donc, le Maroc est suffisamment outillé pour gérer les crises mais reste incapable d’assurer de manière pérenne une offre de soins à la hauteur des besoins de la population, telle que prévue dans la loi 34.09, a-t-il souligné.
Par ailleurs, et nonobstant son recul, le déficit que le secteur accuse en ressources humaines, constitue pour lui un défi de taille.
Selon Pr El Moutawakil, le lancement du chantier de la couverture sociale universelle constitue un changement de taille au Maroc qui vit désormais à l’heure d’une véritable révolution sociale et sanitaire, menée en cette période post-Covid 19.
Abdelhafid Oulalou : le médicament, un produit social, stratégique et industriel
Après avoir rappelé le contexte dans lequel se situe le lancement du chantier de la couverture sociale, Abdelhafid Oulalou, pharmacien-biologiste, membre du comité central du PPS, a indiqué que la lutte contre la pandémie de la Covid-19 a montré la nécessité et le rôle stratégique du secteur de la santé en général et de l’industrie pharmaceutique et de la production du médicament en particulier.
Elle a montré notamment l’importance majeure non seulement de la production des médicaments et des dispositifs médicaux, mais également des préparations médicales et chirurgicales et des vaccins, a-t-il insisté.
La crise a en effet rappelé la nécessité pour le pays d’œuvrer pour assurer sa propre indépendance et sa sécurité en la matière, a-t-il martelé.
Revenant sur la production du médicament et les circuits par lesquels il transite, il a fait savoir que plusieurs départements interviennent au cours de ce processus (finances, fisc, commerce et industrie, santé), appelant à l’adoption d’une politique intégrée sur le médicament qui tienne compte du fait que le médicament est un produit social, stratégique et industriel. Sa production et sa commercialisation nécessitent l’intervention de plusieurs acteurs (recherche, finances, commerce, industrie, fisc, etc…).
La gestion de ce produit ne doit pas se limiter à la problématique des prix, a-t-il estimé, notant que la mise en application de la dernière loi sur les prix a montré qu’elle souffre de certains manquements qu’il convient de combler. C’est pourquoi la consommation des médicaments est encore faible au Maroc. Elle n’est que de 420 DH/personne et par an. Ceci est du surtout au faible pouvoir d’achat des habitants, à la faible couverture sanitaire et à la cherté des prix du médicament.
Le problème des prix se pose donc toujours avec acuité, étant donné que sa fixation dépend de plusieurs facteurs dont en premier l’intervention des multinationales qui détiennent les technologies de production et les matières premières.
Le taux de 7% de la TVA sur le médicament pose aussi problème. Ce taux atteint 20% sur les dispositifs médicaux. C’est un taux inadmissible, a-t-il martelé.
Pour redresser la situation, il a recommandé entre autres d’encourager la production et la consommation des médicaments génériques, tout en incitant les médecins à les prescrire à leurs patients.
Il a recommandé aussi la création d’un ordre national indépendant et d’un observatoire national pour le suivi de la consommation des médicaments et appelé à encourager la recherche scientifique et informatiser le secteur de la santé à tous les niveaux.
Khalid Lahlou : l’ANAM aspire à se hisser au niveau de ses missions d’autorité de régulation et de contrôle
Prenant la parole, le directeur général de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) Khalid Lahlou a exposé les missions de l’agence et les réformes qu’elle se propose de connaitre pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans le cadre de ce chantier d’envergure de la couverture sociale.
Il a passé en revue les étapes franchies en matière d’édification du système à partir de 2005, rappelant que la couverture sanitaire universelle est passée de 16% en 2004 à 68% à l’heure actuelle, après l’adoption de la loi cadre 21-09.
Les organismes de gestion de l’AMO sont la CNOPS, le RAMED, la CNSS et les assurances privées.
Quant à l’ANAM, elle constitue un établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, dont la mission principale porte sur l’encadrement technique du régime de l’assurance maladie obligatoire de base et la mise en place des mécanismes de régulation du système dans un cadre de respect de la loi.
L’ANAM a donc pour missions l’encadrement et la régulation du système de l’AMO, ainsi que la gestion des ressources du Régime d’Assistance Médicale (RAMED).
Pour relever le défi de la couverture médicale de base et accompagner le chantier de la couverture sociale, a-t-il affirmé, l’agence s’est dotée d’une nouvelle stratégie pour la période 2020-2024, en attendant la révision de son statut et l’adaptation de certaines dispositions législatives et réglementaires pour lui permettre de remplir sa véritable mission d’autorité régulatrice dudit dispositif.
A travers sa stratégie, l’ANAM compte notamment se donner les moyens de bien mener aussi ses missions de recherche et de répression des irrégularités, veiller sur la garantie des droits des assurés et s’assurer de la conformité du système juridique avec l’évolution de la couverture médicale de base, a-t-il expliqué.
Il a recommandé aussi dans ce cadre de réviser des lois mais surtout d’étendre la base des assurés et d’harmoniser les régimes à travers l’unification des critères de la couverture et d’autres mesures en la matière sans omettre la réforme du système de financement, car sans financement, il est impossible d’atteindre la couverture médicale universelle.