Les pouvoirs publics rattrapés par le temps…

Plus d’un mois après le début du boycott de trois grandes marques de produits de consommation, le gouvernement réagit… enfin !A défaut de prévention, c’est à un rôle de sapeur-pompier qu’il s’adonne, face à la montée de la revendication virtuelle et aux effets, chaque jour plus dévastateurs, des conséquences non seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan du comportement citoyen.

Le phénomène, c’en est un, est nouveau et, peut être, au fond comparable aux coups de casseroles des femmes chiliennes destinés, du temps de Pinochet, à défendre le panier de la ménagère.

Le mouvement de boycott est, fondamentalement, d’essence revendicative qui concerne de larges pans de la société, laissés pour compte ou en cours de paupérisation, face à la montée galopante du coût de la vie.

Certes, des interférences politiques, voire politiciennes, sont derrière ce déchaînement «social» virtuel, qui ne veut pas lâcher prise, face aux résultats «encourageants» auxquels il a abouti : un manque à gagner conséquent est déploré par les sociétés ciblées par le boycott.

A vrai dire, depuis le gouvernement d’alternance, tous les gouvernements qui se sont succédé, ont sous-estimé le pouvoir d’achat des populations démunies et, progressivement, ont ignoré le rôle que peuvent jouer les «classes» tampon, essentiellement  la classe sociale C (avec un revenu situé entre 6000 et 12 000 dirhams, et qui peuvent constituer un véritable noyau dur de la contestation du fait de leur capacité de nuisance à l’action du gouvernement.

Et pourtant, la problématique de la « vie chère » n’est pas nouvelle. Elle date depuis belle lurette. La mémoire collective garde en mémoire, tristement, la révolte des affamés de 1981 (Chahidkoumira – le martyr de la baguette de pain-, pour reprendre une expression de feu Driss Basri)…

Depuis, côté pouvoir d’achat, objectivement, la situation s’est nettement améliorée, surtout que l’informel et le système D sont devenus un complément de revenus sans lequel la grogne serait plus large, voire explosive.

Ce qui se passe aujourd’hui est le résultat logique de la sourde oreille et de la nonchalance des pouvoirs publics qui font preuve de laxisme en matière de législation au profit du consommateur et de régulation des prix des produits de première nécessité, pour ne pas dire de prix tout court…

Car aucune solution, durable dans le temps, n’a été accordée aux consommateurs logés à la même enseigne.

Le prix de la nonchalance…

Les observateurs avertis ont relevé le gros risque que court le pays en laissant les injustices et les illégalités s’installer, et qui ont fait le lit de la gangrène de la corruption et de la dépravation des services de l’Etat. Le consommateur marocain, lui,  est laissé seul face aux lobbies et mafias de la spéculation.

Les décideurs politiques ont ainsi longuement fermé l’œil sur les dépassements et les malversations et ont « oublié » la nécessité d’assainir les circuits de distribution, objet, aujourd’hui, de chasse gardée d’hommes puissants par leur capacités à corrompre les contrôleurs, les contrôleurs des contrôleurs et les décideurs.

Le commun des mortels connait aujourd’hui ce mode de fonctionnement et voit d’un mauvais œil le laxisme des pouvoirs publics face à la propagation exponentielle de ces pratiques illicites.

Les «hiraks» (mouvements de protestation sociale) du Rif et de l’Oriental, mais aussi ceux de Zagora et de Tinghir, ont constitué un véritable détonateur du malaise social dans le pays.

Certes, sur le tard, des solutions à moyen et long termes ont été mises en place. Mais cela ne semble pas avoir servi de leçon…

Et si aujourd’hui il y a contestation, c’est que la rue n’a cessé de grogner pacifiquement face à cette dégradation continue ».

D’où cette nouvelle forme de combat et de militantisme, sans porte-voix,qui défie les partis politiques et les syndicats, tous confondus, accusés de « complicité et d’intelligence» avec les opportunistes et les mercantilistes qui s’enrichissent au détriment des larges masses marocaines.

Faire preuve de responsabilité historique

Aujourd’hui et face à la réalité et aux «fake news», le gouvernement est face à des responsabilités historiques. Il doit apporter une solution durable à la problématique soulevée par le boycott, sans détour ni faux fuyants.

Il doit révéler les marges bénéficiaires des groupes opérant dans la sphère des produits de consommation. Un plafonnement des marges bénéficiaires devra être instauré, en conséquence. En plus d’une révision à la baisse de la taxation des produits de grande consommation, et pas seulement ceux boycottés.

Parallèlement, il faudra instaurer l’échelle mobile des salaires par l’indexation des salaires sur l’inflation. Et à chaque fois qu’une conjoncture internationale impose des hausses de prix, il faudra assurer «une certaine automaticité, une compensation intégrale et la référence à l’indice des prix à la consommation», comme cela se pratique sous d’autres cieux.

Mohamed Khalil

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