Protéger l’environnement des déchets, des odeurs fétides, mettre fin aux amas d’ordures dans les coins et recoins des villes… Voilà l’objectif que vise à atteindre la plateforme digitale «Ville Propre» lancée en 2016. Là où l’application innove c’est qu’elle ne délègue pas la propreté de la ville à une entreprise ; elle implique les citoyennes et citoyens dans la protection et le nettoyage de leur environnement. En effet, ces derniers peuvent prendre des photos des endroits insalubres et les poster sur la plateforme qui se charge alors d’alerter les autorités concernées pour intervenir et accélérer le processus de nettoyage. Selon l’un des initiateurs de «Ville propre», Mouhsin Bour Qaiba, il ne fait aucun doute aujourd’hui que protéger les villes n’incombe pas uniquement aux prestataires de nettoyage et d’assainissement, mais aussi au citoyen. Ainsi, pour l’équipe de la plateforme, en prenant des photos des endroits insalubres, le citoyen contribue de manière efficace pour un nettoyage plus rapide de sa ville et favorise un meilleur contrôle des agents de propreté au quotidien. «L’acte de prendre des photos de déchets s’avère un véritable levier de performance des services de propreté puisqu’il augmente leur réactivité», déclarent les initiateurs de la plateforme. D’ailleurs, selon eux, l’application «représente un outil d’aide à la décision considérable aux autorités concernées grâce à sa maniabilité assez simple et intuitive».
Développée par M3KOD, une agence de développement web et mobile, l’application possède de fortes caractéristiques techniques permettant aux photos d’être géolocalisées et vues par tous. Elle est disponible sur Google Play et App Store.
En plus d’inciter les citoyens à s’engager pour la propreté de leurs villes, l’application les initie également au recyclage. A travers une collaboration avec des services de propreté, l’application livre des sachets colorés à ses adhérents, leur permettant ainsi de trier au quotidien leurs déchets selon leur nature.
Trois mois après son lancement, ce sont 4000 réclamations qui ont été postées sur « Ville propre » et 60% ont été traitées. L’application dédiée à la protection de l’environnement enregistre 4000 visites par mois sur son site web. A moins d’un an d’existence, « Ville Propre » connait déjà le succès au Maroc. En 2016, elle a remporté le Prix de l’innovation dans la catégorie environnement et durabilité au Moroccan Social Entrepreneurship Summit. Elle a également été présente à la COP22 à Marrakech en novembre 2016. Son cofondateur, Mouhsin Bour Qaiba, nous partage dans cet entretien, le mode de fonctionnement de l’application et les enjeux liés à la propreté des villes marocaines aujourd’hui.
Mouhsin Bour Qaiba, CEO et co-fondateur de «Ville propre»
Al Bayane : Quand avez-vous lancé Ville Propre ? Qu’est ce qui vous a inspiré pour lancer cette application mobile?
Mouhsin Bour Qaiba : Nous avons lancé «Ville propre » le 11 août 2016. C’est un réseau social où les adhérents peuvent s’exprimer et agir vis-à-vis de leur environnement. Protéger nos villes est dorénavant une responsabilité partagée. Pour réaliser cet exploit, l’application permet le repérage, la réclamation ainsi que le tri de déchets, le tout, dans une interface conviviale accessible à tous.
Concernant les réclamations, il suffit de prendre en photo et partager un lieu pollué ou un bac à ordures qui déborde pour accélérer le processus de nettoyage. A l’aide de votre position vous fournissez aux autorités en charge, une feuille de route qui mène efficacement à l’endroit en question. Cette action va vous octroyer des points d’engagement citoyen.
Pour ce qui est du tri des déchets, lorsque vous participez au service de tri à la source, vous bénéficiez, via nos partenaires, de sacs spécifiques au type de matière recyclable. La récolte que vous allez effectuer va vous octroyer aussi des points d’engagement citoyen.
Soucieux de notre environnement, Ville Propre et l’ensemble de ses partenaires encouragent les citoyens actifs à persévérer dans leurs engagements. Elle octroie des points aux citoyens actifs. Pour consommer ces points, l’application propose aux utilisateurs une liste de cadeaux qui s’enrichit de jour en jour, que ce soit une recharge téléphonique, un ticket restaurant, un coupon de réduction… tout est à portée de main.
Quels sont vos partenaires dans ce projet qui se chargent de nettoyer les endroits pollués?
Les réclamations sont envoyées aux autorités concernées (communes urbaines) et associations locales. Nos partenaires au niveau national sont la mairie de Marrakech, Salé. Nous avons des partenariats avec d’autres maires, celui de Casablanca, de Rabat, Fès et aussi les associations locales et des grandes sociétés privées telles que «Menara Holding». Au niveau international, nous avons été sélectionnés pour être incubés par Facebook avec 40 000 dollars de services de leurs partenaires.
Comment organisez-vous le circuit?
Nous sommes un réseau social spécialisé dans les problèmes de déchets, et grâce á l’effet de partage des réclamations à travers plusieurs canaux, l’information remonte aux responsables qui viennent résoudre le problème.
Aussitôt notifiés, est-ce que les pouvoirs publics se rendent immédiatement pour remédier aux constats faits?
Oui, les réclamations sont envoyées en temps réel aux responsables sous forme de notifications et par email.
Avez-vous un retour après, des photos des internautes qui illustrent que les déchets ont été ramassés ? Comment mesurez- vous l’efficacité de l’application ? Qu’en est-il du recyclage?
Oui, nous recevons des réponses des citoyens qui confirment l’efficacité de l’application. Les communes urbaines, grâce à notre application, ont le droit de répondre à toutes les réclamations avec une image de l’endroit en question après leur intervention.
Une petite question indiscrète, comment faites-vous pour rentabiliser ? D’où viennent vos gains?
Concernant le business model, nous vendons deux types d’application Saas (Software As Service) sous forme d’abonnements annuels. La première est l’application de gestion de déchet pour les communes urbaines et la deuxième est l’application destinée aux sociétés de recyclage. Par ailleurs, nous bénéficions de la contribution des partenaires pour l’achat des cadeaux.
Quels sont vos défis aujourd’hui ? Pensez-vous exporter votre concept?
Nous principaux défis sont de trouver des fonds pour continuer le développement de notre startup et réussir à avoir plus des citoyens qui utilisent notre application. Concernant l’exportation de notre concept, nous sommes en train de communiquer avec certaines personnes qui souhaitent utiliser Ville propre dans leurs pays, à l’exemple du Cameroun et du Sénégal.
Aujourd’hui, les déchets qui sont pris en photo par les internautes sont surtout «terrestres». Est-ce que vous encouragez les internautes à prendre également les photos des déchets «maritimes»?
Pour le moment, il s’agit surtout de déchets terrestres. Mais nous souhaitons faire pas mal d’évènements sur le terrain pour sensibiliser les citoyens à également collecter d’autres types de déchets.
Danielle Engolo