SM le Roi appelle à une révision du dispositif juridique encadrant le foncier

Ouverture à Skhirat des «Assises nationales

sur la politique foncière de l’Etat»

Les Assises nationales ayant pour thème «La politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social» se sont ouvertes mardi (Skhirat, 8-9 Décembre) par la lecture d’un message royal, adressé aux participants à cette rencontre, placée sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI et en présence du chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, de membres du gouvernement, de parlementaires, de représentants d’organisations nationales et internationales et de plusieurs experts venus du Maroc et d’autres pays.

Au cours de la séance d’ouverture, qui s’est poursuivie durant toute la matinée, les participants ont notamment suivi un exposé du comité scientifique sur la méthodologie de préparation de ces Assises et les principales conclusions des étapes de concertation et de diagnostic, présenté par Abdelmajid Ghomija, membre du comité et quatre autres exposés sur les expériences nationales et internationales dans le domaine de la politique foncière.

Au terme de ces interventions, l’on retient notamment que le foncier constitue un levier essentiel du développement durable dans toutes ses dimensions économiques, sociales, environnementales et autres et ce, à travers la mobilisation de l’assiette foncière nécessaire pour la réalisation des infrastructures de base, des équipements publics et d’une offre de logements diversifiée qui réponde aux besoins des différentes catégories sociales, et l’encouragement de l’investissement productif dans les différents domaines.

Dans son exposé, M. Ghomija a fait notamment ressortir que les différents diagnostics relatifs au secteur du foncier au Maroc ont révélé plusieurs dysfonctionnements et contraintes qui empêchent le foncier de jouer pleinement son rôle dans le développement, aussi bien sur le plan de la maîtrise de la structure foncière, de la sécurisation de l’assiette foncière et de l’apurement de sa situation juridique et matérielle, que sur le plan de l’utilisation et de la mobilisation de cette assiette foncière. De ce fait, l’instauration d’une politique inclusive et intégrée et revêtant un caractère stratégique dans ce secteur vital constitue désormais une nécessité impérieuse pour surmonter les contraintes relevées et permettre au foncier de contribuer activement à la dynamique de développement, à la lumière des changements que connait le territoire en raison des dynamiques sociale, économique et démographique accélérées que connait le Maroc.

M. Ghomija a rappelé que les préparatifs de ces Assises ont été marqués par un large débat avec la participation de tous les intervenants institutionnels, les acteurs privés, les universitaires, les experts, les praticiens et les professionnels, ainsi que tous ceux qui s’intéressent au secteur du foncier, afin de dresser l’état des lieux de la politique foncière de l’Etat sous ses diverses manifestations, de relever les dysfonctionnements majeurs qui entraveraient le foncier de s’acquitter de son rôle en matière développement et de proposer, par la suite, les mesures législatives, réglementaires et procédurales susceptibles de garantir une réforme efficace du secteur du foncier et une amélioration de sa gouvernance.

Ces assises nationales aborderont le thème de « la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social » à travers une série d’axes autour desquels s’articuleront le dialogue, la discussion et l’échange de points de vue entre les intervenants et les participants tout au long de deux jours et ce, dans le cadre d’une séance plénière et de neuf ateliers thématiques.

Selon un rapport de synthèse sur l’état des lieux du secteur du foncier, le Maroc compte une structure foncière complexe et compliquée, résultant de la combinaison de plusieurs facteurs historiques, économiques et autres. Cette situation a donné lieu à une diversité de régimes juridiques régissant le foncier, ce qui a engendré à son tour, un certain nombre de contraintes, de dysfonctionnements et des restrictions qui entravent l’apurement de la situation juridique et matérielle du foncier et l’organisation de son échange et de son utilisation. Il s’agit en effet d’une série de dysfonctionnements et de contraintes ayant un caractère transversal, ainsi que de certains dysfonctionnements qui caractérisent les régimes spéciaux composant la structure foncière au Maroc.

Les auteurs de ce document recommandent en effet l’actualisation, la modernisation et l’adaptation de l’arsenal juridique désuet régissant le foncier, l’unification du régime foncier, qui souffre actuellement de sa dualité (régime des immeubles immatriculés, 15 pc et régime des immeubles non immatriculés, 85%).

Quant aux structures foncières, elles sont diverses et multiples, lit-on dans le document. On recense en effet le domaine public de l’Etat, le domaine privé de l’Etat, le domaine forestier, le domaine privé des collectivités territoriales, les terres collectives, les terres «Guich» et les biens Habous sans oublier bien sûr la propriété privée qui représente environ 75% de l’assiette foncière nationale.

Bien que cette diversité ne constitue pas en soi une problématique, son mode de gestion recèle toutefois plusieurs contraintes qui affectent la sécurisation de la situation juridique de ces divers régimes fonciers, leur mobilisation et leur intégration dans le développement.

La situation du foncier est également marquée par la multiplicité des acteurs institutionnels impliqués dans la gestion du foncier, la problématique de coordination et de la convergence. Interviennent en effet dans la gestion du foncier public le ministère de l’économie et des finances, le ministère de l’intérieur, le ministère des Habous et des affaires islamiques, le ministère de l’équipement, les eaux et forêts.

Le rapport de synthèse de la conférence rappelle en outre que la mobilisation du foncier est une préoccupation majeure dans tous les projets de logements, infrastructures de base et équipements sociaux, précisant que la demande actuelle sur le foncier urbain est estimée à 4.000 hectares.

A travers de son principal outil, le groupe Al Omrane, l’Etat intervient à travers un certain nombre de programmes pour lutter contre l’habitat insalubre, intensifier et diversifier l’offre de logements, améliorer les conditions d’habitat et réguler le marché du foncier.

Parmi les principaux programmes, le document cite celui de « Villes sans bidonvilles », celui du logement social 250.000,00 DH, celui du logement à FVI 140.000,00 DH, celui du logement destiné aux classes moyennes, celui d’intervention dans le logement menaçant ruine et le programme d’intervention dans les quartiers sous équipés.

Parmi les contraintes qui entravent la politique de l’Etat dans ce domaine, le document s’arrête notamment sur la rareté du foncier apuré à l’intérieur et autour des principaux périmètres urbains.

Par ailleurs, le document rappelle que le diagnostic de la situation actuelle de l’agriculture, qui a précédé l’adoption du Plan Maroc Vert a conclu que la situation du foncier est considérée parmi les principaux obstacles qui entravent la réalisation des objectifs du développement agricole, consistant principalement en l’amélioration de la productivité agricole et l’augmentation des investissements du secteur privé.

En matière du développement de l’investissement dans le secteur industriel, le document attire l’attention sur la nécessité de redresser la situation pour faire face à la spéculation sur le foncier, à la régression de l’offre du foncier industriel et à la détérioration de la situation de nombreuses zones industrielles.

En matière de tourisme, le foncier est fort demandé, à la suite notamment du lancement par l’Etat d’une série de programmes dont la «Vision 2020» pour le tourisme. Toutefois, la mobilisation du foncier se heurte notamment à la complexité des procédures administratives, l’absence de convergence et à la faible coordination entre les acteurs publics et enfin à la difficulté pour le ministère du tourisme d’intervenir dans la sélection et la mobilisation du foncier qui convienne le mieux aux projets touristiques.

M’Barek Tafsi

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Voici le texte intégral du message royal, dont lecture

a été donnée par M. Abdeltif Menouni, conseiller de la SM le Roi

SM le Roi Mohammed VI a adressé un message aux participants aux Assises nationales sur «la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social», dont les travaux ont été ouverts mardi à Skhirat.

«Louange à Dieu,

Prière et salut sur le Prophète, Sa famille et Ses compagnons,

Mesdames, Messieurs,

Il Nous est agréable de Nous adresser à ces importantes assises nationales sur «la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social». Nous avons tenu à leur conférer Notre Haut Patronage, eu égard à la place fondamentale qui revient au secteur foncier dans l’accompagnement de la dynamique de développement tout azimut que connaît le pays.

Ces assises seront, Nous l’espérons, une occasion propice pour les acteurs concernés d’établir un diagnostic collectif de la réalité de ce secteur vital, d’identifier les contraintes majeures qui l’empêchent de remplir pleinement ses fonctions et de proposer les grandes lignes d’une politique foncière nationale intégrée et efficiente.

A cet égard, Nous vous invitons à vous inspirer des vertus du dialogue et de la réflexion collective et à vous astreindre à la démarche participative que Nous avons consacrée comme une approche incontournable pour traiter les questions majeures concernant la Nation.

Mesdames, Messieurs,

Il ne vous échappe pas que le foncier est considéré comme un facteur de production stratégique et un levier fondamental pour le développement durable dans toutes ses dimensions. Par conséquent, il constitue l’assise principale pour stimuler l’investissement productif, générateur de revenu, créateur d’emplois, et aussi pour lancer des projets d’investissement dans les différents domaines de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme, des services et d’autres encore.

C’est un moteur indispensable pour l’économie nationale, car il fournit la plate-forme de base pour la mise en place des différentes infrastructures et des équipements publics. C’est aussi sur lui que repose la politique de l’Etat dans le domaine de l’urbanisme et de la planification urbaine. Et c’est par lui fondamentalement qu’est garanti le droit du citoyen au logement.

Compte tenu de la transversalité du secteur foncier, les contraintes et les enjeux auxquels il est confronté sont le lot commun des différents opérateurs et acteurs concernés. Il est donc nécessaire pour le prendre en charge, d’adopter une vision globale intégrant toutes les dimensions juridiques, institutionnelles, organisationnelles et procédurales, et tenant compte des spécificités de ce secteur ainsi que de la nature complexe et imbriquée de sa structure, qui est due à l’interpénétration d’une multitude de facteurs historiques et socio-économiques.

Le volet législatif pose également un défi majeur qui doit être relevé pour assurer la mise à niveau du secteur foncier, notamment en raison de la diversité de ses régimes et de l’absence ou l’obsolescence des textes juridiques le régissant, outre la multiplicité des opérateurs institutionnels qui en supervisent la gestion.

Nous appelons donc à une révision et une modernisation du dispositif juridique encadrant le foncier, public et privé, dans un sens garantissant la protection et la valorisation du capital foncier, ainsi qu’une efficacité accrue de son organisation, outre la simplification des procédures de sa gestion, de sorte qu’il puisse jouer le rôle qui lui revient dans le renforcement du dynamisme économique et social de notre pays.

Il faudra, de surcroît, adopter les mécanismes appropriés pour rationaliser les interventions des différents acteurs concernés, dans le cadre juridique et institutionnel actuel, et ce, en vue d’assurer toute l’efficacité requise, aux niveaux national et territorial, tant pour ce qui est de la planification de la politique foncière de l’Etat, que pour ce qui concerne le suivi de sa mise en œuvre et l’évaluation de son impact.

Afin de renforcer la sécurité du foncier, de protéger la propriété immobilière et d’en accroitre la valeur économique et fiduciaire, il est impératif de multiplier les efforts pour accélérer la cadence des enregistrements à la conservation foncière, dans la perspective de les généraliser sur l’ensemble du territoire national. Il importe également de mettre à contribution la technologie numérique qui est en plein essor dans le monde, pour assurer la maîtrise, la stabilisation et l’échangeabilité de la structure foncière.

Compte tenu de l’importance du facteur humain, auquel Nous réservons notre constante sollicitude, il faut continuer à œuvrer pour rehausser le niveau de formation fondamentale et continue des ressources humaines ayant en charge la gestion du secteur foncier, notamment en favorisant la spécialisation et l’ouverture sur les innovations qui s’opèrent en la matière aux niveaux national et international.

Dans le même esprit, Nous préconisons de s’atteler à la réforme du régime des terres collectives, et apprécions l’ouverture d’un dialogue à cet effet, ainsi que l’exploitation et la capitalisation de ses résultats et de ses retombées fondamentales. Le but recherché est de mettre à niveau les terres soulaliyates et de faire en sorte qu’elles puissent apporter leur contribution à l’effort de développement. Il s’agit, en outre, d’en faire un moyen d’intégration des ayant-droits dans cette dynamique nationale, dans le cadre des principes de droit et de justice sociale, en dehors de toute considération surannée.

Nous appelons donc à des efforts concertés pour faire aboutir l’opération d’appropriation au profit des ayant-droits et à titre gracieux, des terres collectives situées à l’intérieur des périmètres d’irrigation.

Nous engageons également toutes les parties prenantes gouvernementales à accélérer l’apurement de la situation juridique des terres collectives, en vue de créer un climat propice à l’intégration optimale de ces terres dans le processus de développement économique et social du pays.

Afin de répondre aux attentes exprimées par les collectivités soulaliyates et les différents acteurs économiques et sociaux pendant le Dialogue national sur les terres collectives, tenu en 2014, il est nécessaire de revoir le cadre juridique et institutionnel y afférent et de simplifier les procédures pour assurer une gestion plus efficiente de ce capital immobilier.

Si le foncier tient le rôle clé dans le domaine de l’urbanisme et de la planification urbaine, les documents d’urbanisme et les outils de planification urbaine doivent être dédiés au service des citoyens. Il faut donc assurer un bon aménagement de l’espace urbain, réduire les disparités spatiales et consacrer la justice sociale, sans pour autant que ces documents soient un moyen de spéculation allant à l’encontre des intérêts des citoyens.

L’urbanisme devrait être un levier pour mettre en place une justice foncière dans la répartition des charges et des servitudes d’utilité publique entre les propriétaires terriens et pour assurer une distribution juste de la plus-value issue des documents d’urbanisme.

A cet égard, Nous devons souligner à nouveau la nécessité d’activer l’adoption du nouveau Code de l’urbanisme, dont Nous avons déjà lancé le processus d’élaboration. Le but est d’assurer la flexibilité nécessaire à la préparation et la mise en œuvre des documents d’urbanisme et de s’attacher à ce que ces derniers soient un moyen efficace pour la mobilisation des biens fonciers et la lutte contre la spéculation foncière.

Concernant le rôle du foncier dans le domaine du logement, auquel Nous attachons tout Notre intérêt, Nous insistons sur la nécessité de mettre en place des mécanismes opérationnels et procéduraux de contrôle du marché foncier. Le but est de prévenir la spéculation et ses incidences sur les prix, d’inventer des solutions novatrices pour financer le foncier destiné au logement et de faire prévaloir la transparence dans les procédures de mobilisation du foncier, de sorte à faciliter l’accès des citoyens à un logement décent et digne.

Par ailleurs, Nous exhortons le gouvernement à poursuivre la réforme des systèmes fonciers liés à l’investissement agricole, de manière à ce que le foncier devienne un pilier essentiel pour la promotion agricole et un levier pour le développement rural, qui figure prioritairement parmi Nos préoccupations.

Nous tenons à réaffirmer l’importance de la valorisation du foncier agricole relevant du domaine privé de l’Etat. A travers le partenariat entre l’Etat et le secteur privé, cette démarche a permis, en effet, de réaliser des résultats socio-économiques très positifs qui ont contribué au développement du secteur agricole, et qui se sont concrétisés localement par la création d’une valeur ajoutée et d’importantes richesses supplémentaires, ainsi que de nombreux emplois.

La promotion de l’investissement est tributaire de la disponibilité du foncier, considéré comme la plate-forme destinée à abriter les projets de développement et d’investissement. Aussi, il convient de concentrer les efforts sur la facilitation de l’accès des investisseurs au foncier et la simplification des procédures de transfert et d’échange y afférentes. Il importe également d’assurer la valorisation du foncier public et d’y garantir l’accès selon les règles de transparence et d’égalité des chances et dans le cadre d’une fiscalité foncière juste, efficiente, favorable à l’investissement et de nature à concilier la préservation des droits des propriétaires et de l’Etat avec la nécessité de garantir une contribution active du foncier à la dynamique économique.

Mesdames, Messieurs.

Accroître l’efficacité et l’efficience de la politique foncière de l’Etat nécessite l’adoption d’une stratégie nationale intégrée clairement définie et son opérationnalisation sous forme de plans d’action comprenant tous les aspects relatifs à l’élaboration et l’exécution de cette politique, avec ce qui s’y rattache en termes de dispositions législatives, réglementaires, procédurales et autres et dans le cadre de la complémentarité entre l’Etat et les collectivités territoriales en tant qu’acteur clé dans le développement territorial.

Parce que l’évaluation, qui constitue l’un des ressorts de la bonne gouvernance, doit être une partie intégrante des mécanismes de la gestion publique, l’opérationnalisation de toute politique foncière réussie reste tributaire du niveau d’accompagnement qui lui est assuré à travers le suivi et l’évaluation continue des choix faits par l’Etat en matière de gestion du foncier. Le but est de mesurer l’impact de ces choix sur les différents secteurs économique, social et environnemental et, partant, d’en corriger les dysfonctionnements et d’en améliorer l’efficience et l’efficacité.

Nous sommes persuadé que les idées et les propositions qui émergeront des travaux de vos assises, sont de nature à contribuer à mettre au point une feuille de route pour l’élaboration et l’exécution d’une politique foncière nationale intégrée, propre à surmonter les contraintes liées à ce secteur et à répondre aux exigences croissantes du développement socio-économique du pays. Cet effort aidera à la réalisation de notre aspiration à consolider les bases d’une société équilibrée et solidaire aux niveaux social et territorial.

Que Dieu vous assiste et couronne vos travaux de succès.

Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh».

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