Territorialisation

Par : Abdeslam Seddiki

Le terme territorialisation est devenu d’usage courant depuis qu’il est question d’un meilleur partage des fruits de la croissance à travers un regard territorial des politiques publiques de développement. Cette problématique peut être abordée sous un double angle : à l’amont et à l’aval.

A l’amont, on s’efforce de répartir équitablement les investissements publics et d’accorder des incitations à l’investissement privé pour  s’intéresser aux zones défavorisées et aux « déserts économiques ».

A l’aval, il s’agit essentiellement de recourir aux actions correctives à travers des actions sociales ciblées. Pour parler le langage de la médecine,  je dirai qu’il s’agit de prévention dans le premier cas et de la guérison dans le second cas. Et il va sans dire que la prévention est de loin préférable, parce que plus efficace,  à la guérison.

 Qu’en est-il concrètement ? Comment sont répartis les investissements  publics à travers le territoire ? L’examen du document accompagnant le PLF 2019, intitulé « note sur la répartition régionale de l’investissement » nous permet d’apporter des éléments de réponse à ces questions ou tout au moins des éclairages sur les dynamiques régionales et leur attractivité.

Ainsi, les  grands projets d’investissement régional au titre du PLF, relatifs à certains ministères totalisent la somme de 34 MM DH, soit 966 DH par habitant  (calculs effectués à partir des données disponibles). Cette moyenne varie, par région, entre le maximum atteint à Dakhla Oued Eddahab (4820 DH) et le minimum à Casablanca Settat (533 DH). Il faut cependant préciser que le montant élevé de la région du Sud s’explique essentiellement par le budget alloué à la construction du nouveau port de Dakhla qui est de l’ordre de 5OO M DH, soit 63% de l’investissement total prévu pour cette région.  Analysés globalement et  d’une façon absolue,  l’Oriental est la région qui a attiré le plus l’attention des pouvoirs publics puisque les projets qui y sont prévus au cours de l’année 2019 totalisent une somme voisine à 5 MM DH (2077 DH par habitant), suivie de près par la région Tanger Tétouan Al Hoceima avec 4,8 MM DH, Fès Meknès avec 4,12 MM DH, Rabat Salé Kénitra et Casablanca Settat avec 3,84 MM DH chacune. Ces cinq régions s’accaparent 63,5% des grands projets d’investissement prévus par le PLF.

Venons-en maintenant aux grands projets  d’investissement régional des Etablissements et Entreprises Publics (EPP) en suivant le même raisonnement que précédemment. L’investissement total prévu par ces entités publiques  au cours de l’année 2019 est évalué à 99 MM DH, soit un peu plus de 28OO DH par habitant. C’est la région de Laâyoune Sakia El Hamra qui enregistre le maximum avec 8800 DH grâce notamment aux projets structurants prévus par l’ONEE et MASEN outre la création d’un faculté de médecine et pharmacie,  et Fès Meknès le minimum avec 1050 DH. Globalement, deux régions Casablanca Settat et Rabat Salé Kénitra s’accaparent 52% des dépenses d’investissement des EEP. Si l’on y ajoute trois autres régions, Marrakech Safi, L’Oriental, Tanger Tétouan Al Hoceima, on atteint 77,3% !!

Quels enseignements et conclusions  peut-on tirer de ces données présentées d’une façon agrégée et facilement lisibles ? La première conclusion réside dans le fait que nous sommes face à deux logiques : une logique d’Etat et une logique d’entreprise.

La première est facilement observable au niveau des projets prévus par le PLF et qui relèvent bien de la « prévention » dans la mesure où un intérêt particulier est accordé aux zones et régions défavorisées. La seconde,  en revanche,  est celle  des EEP qui  sont plus dans une logique hybride, entre le marché et le service public.

La deuxième conclusion est relative à la situation  de nos provinces sahariennes englobant les trois régions et qui ont bénéficié d’un intérêt particulier couronné par le lancement par SM Le Roi en 2016 d’un vaste programme de développement couvrant la période 2016-2021 pour une enveloppe budgétaire de 80 MM DH !!!

Ce programme, à mi-chemin,  se trouve sur la bonne voie et une fois achevée,  nos  provinces chèrement arrachées à la colonisation espagnole, seront entièrement intégrées dans l’ensemble national et,  qui plus est, joueront le rôle de locomotive et d’intégrateur par rapport aux pays subsahariens.

D’ores et déjà, ces régions font partie avec Casablanca  Settat et Rabat Salé Kénitra des régions qui ont le PIB nominal par habitant supérieur à la moyenne.

Ce rappel est utile alors que notre pays célèbre aujourd’hui le 43ème anniversaire de la glorieuse Marche Verte. Tout au long de cette période,  le peuple marocain, dans toutes ses composantes, a consenti des sacrifices. Les résultats sont aujourd’hui là : visibles, concrets…

Il faut poursuivre désormais le chemin en ayant présent à l’esprit l’épopée du 6 novembre.  Seule  une  mobilisation populaire permanente dans une parfaite symbiose nationale  nous donnerait la force et l’envie de transcender les difficultés conjoncturelles et de relever les défis qui nous assaillent.

Related posts

Top