La ville d’El Jadida ou encore Mazagan comme certains aimaient l’appeler est une ville côtière qui mérite beaucoup mieux que cette situation d’anarchie dont submerge le centre de la ville. En effet, l’état actuel du théâtre Afifi, un joyau architectural de la ville, interpelle à plus d’un titre. Un théâtre qui agonise…et son état de santé donne froid dans le dos.
«Ce théâtre a tourné du dos à la culture locale et nationale. Il n’y a plus de programmation dans ce bâtiment. Or, il faut payer à chaque fois 1000 DH pour jouer dans ce théâtre qui manque de lumière et de sonorisation…», nous explique Abderrahim Anasnassy, président de la section d’El Jadida du syndicat marocain des professionnels des arts dramatiques.
Selon lui, ce théâtre est le seul endroit où les acteurs culturels locaux et les artistes peuvent développer la création et faire évoluer l’action culturelle dans la ville. «Des travaux de rénovations ont été faits, mais sans résultat. Les gens viennent investir ses escaliers en saison estivale. Pourtant, il doit y avoir une programmation annuelle pour la population. », a-t-il dit.
Auparavant, il était «salle des fêtes», aujourd’hui ce petit bijou qui a ouvert ses portes ses portes en 1925, manque d’une véritable administration et une programmation culturelle artistique annuelle.
«C’est un théâtre qui manque d’administration. Par ailleurs, il faut le rappeler, le théâtre Afifi, est le seul théâtre au Maroc qui nous reste avec les critères digne d’un théâtre. Cet établissement a besoin d’une gestion. A El Jadida il n’y a que la salle du Ministère de la Culture à la cité portugaise qui est active au long de l’année…», a-t-il ajouté.
Et si le Ministère de la culture gère ce théâtre…
Selon Abderrahim Anasnassy, si ce théâtre sera sous la tutelle du Ministère de la Culture, son avenir sera prometteur avec une programmation annuelle et des spectacles qui seront joués sur ses planches. «Le Ministère programme dans la ville de 50 à 40 spectacles par an qui seront normalement joués dans cet espace. L’emplacement du théâtre est magnifique parce qu’il est situé au centre-ville», poursuit-il. Quid alors des infracteurs culturelles dans la ville ?
«On a aujourd’hui un complexe culturel avec une grande salle et un autre complexe culturel avec deux salles de théâtre et de cinéma. Ainsi, l’infrastructure culturelle dans la ville d’El Jadida est largement suffisante. Mais, on a besoin de ce théâtre pour voir les spectacles et faire les répétitions», a-t-il fait savoir.
Pour Aboulkacem Chebri qui est à la fois archéologue et directeur du centre d’études et de recherches sur le patrimoine Maroco-Lusitanien, ce qui dérange encore plus dans cet endroit, c’est la place devant le théâtre. Auparavant, explique-t-il, il y avait le petit café « la Marquise»… et en s’attablant dans cet espace, il y avait une porte transparente là où on pouvait voir la grande porte du théâtre… c’était un café des artistes et des intellectuels…un espace pour contempler ce bijou.
Aujourd’hui, confie-t-il, la fontaine est en panne. Pis encore, elle est mal placée. Il fallait qu’il sera placée la fin de la place et non au début, à deux mètres des escaliers. «Et s’ils voulaient investir ces escaliers pour une exposition de livres ça sera une bonne chose pour transgresser le public par une activité culturelle», affirme-t-il.
Dans la place, explique Aboulkacem Chebri, on est devant un joyau de l’architecture coloniale du protectorat français à savoir le bâtiment de Bank Al-Maghrib qui ressemble à celui de Rabat, ainsi que la poste, le théâtre, et le bâtiment des douanes. À l’époque, le Maroc était un laboratoire pour la France pour expérimenter de nouveaux styles architecturaux.
D’après le directeur du centre d’études et de recherches sur le patrimoine Maroco-Lusitanien, le théâtre avec la réhabilitation et la rénovation a perdu son acoustique qui est installé dans les murs. Et les artistes souffrent quand ils montent et jouent sur scène. En effet chaque groupe désirant se produire dans ce théâtre doit ramener son matériel de sonorisation.
Ce théâtre est un établissement culturel c’est à dire il doit y avoir une animation culturelle. Pour ce faire, il faut assurer une direction administrative et une direction artistique. «Au moins, il faut y avoir un directeur et un autre fonctionnaire qui s’occupera de l’aspect artistique. Ce théâtre peut programmer des ateliers de formations. Dans ce lieu, le défunt Said Afifi a formé beaucoup de gens dans le domaine du théâtre.
Si cet établissement sera sous la tutelle du Ministère de la Culture avec un vrai dicteur sera bénéfique pour cet espace», a-t-il indiqué. D’après Aboulkacem Chebri, ce bijou est tout ce qui nous reste de cette architecture française en matière des théâtres. «Ce théâtre devrait offrir au public d’ici et d’ailleurs pendant cette période estivale. Ce théâtre submerge dans les ténèbres, il ressemble à un cimetière», conclut-il.
Mohamed Saïd Afifi doit se retourner dans sa tombe en voyant l’état actuel de ce théâtre !
Mohamed Nait Youssef