La xénophobie au Maroc: Les «gens d’Afrique» dans le collimateur

Hakima Laala Hafdane*

Depuis longtemps et chaque fois que j’entends ou je lis une parole qui dénigre les migrants subsahariens en situation légale ou non au Maroc, je me pose la même question : les Marocains sont-ils racistes? Je ne peux m’y faire à cette idée, car, nous sommes très solidaires avec nos immigrés partout dans le monde, avec nos Musulmans, nos Arabes. Nous sommes contre les partis d’extrême droite en Europe. Nous sommes même très accueillants avec les ressortissants «riches ou blancs» d’autres continents !  Nous sommes pour la liberté, nous nous révoltons contre la discrimination, le racisme et la stigmatisation des nôtres, et pourtant qu’en est-il de cette population subsaharienne perdue, larguée et discriminée dans notre Maroc?

Les Marocains, sans vouloir généraliser, ont presque une relation bestiale, avec les ressortissants de notre chère Afrique, ceux que l’on nomme d’une manière courante les Africains et d’une manière officielle ou académique, les Subsahariens.  Pire, notre rejet viscéral de ces femmes, enfants, jeunes et hommes, qui sont partis de chez eux pour mille raisons et qui se trouvent carrément livrer à eux-mêmes au Maroc, se légitiment. Ce rejet sourd, manifesté par une indifférence totale, devient ces derniers temps presque une revendication politique. Non seulement, ces gens d’Afrique ne suscitent ni interrogation sur leurs sorts, ni compassion de la part de la majorité des Marocains mais on les regarde d’un air soupçonneux.  On les croise partout, sur les boulevards, dans les rues, aux feux rouges, aux ronds-points, mais on les voit à peine.  Assez souvent, plusieurs Marocains laissent échapper des soupirs, des gestes de mépris. D’autres commentent : «nous avons nos pauvres, et  ils nous envahissent. Ils rendent nos villes sales. Ce sont des voleurs, des criminels».

On peut dire que jusque-là c’est la banalité des immigrés dans les pays de transit ou d’accueil. Nous pouvons justifier ces dires par le fait que quelques pays ne sont pas préparés à recevoir ce que l’on appelle toujours et partout «la misère du monde». Les individus qui détiennent ces propos ne se rendent pas compte qu’avec cette expression, l’humain devient une misère, une pauvreté, une famine, celui qui envahit les autres, les aisés, les bien nourris, les riches et surtout les civilisés. Ces femmes et hommes en extrême marginalité sont vus et aperçus comme une sous-catégorie, des humains sans dignité, mais surtout sans droit à la vie…Par expérience et d’après des constats, toutes les tentatives, les propositions ou tout élan pour aider ces gens d’Afrique coincés au Maroc reçoivent brutalement cette remarque : «Avons-nous fini avec les besoins des Marocains pour prendre ceux d’autres ?» et ainsi, on stoppe sèchement la discussion..

A ce stade que je qualifie de racisme primitif, on peut mettre ces paroles sur le compte de la peur de la différence, une manière de parler chez les Marocains sans plus. On peut aussi être dans l’optimisme et se convaincre que les Marocains ne sont pas aussi indifférents aux sorts de cette population ou toutes autres populations étrangères. Et bien, détrompez-vous, les Marocains ne sont pas seulement en train de rejeter les immigrés africains, mais dévoilent de plus en plus leur racisme, leur mépris, leur méfiance.

Face à leur propre misère, ils rendent les gens d’Afrique, ici au Maroc ou dans leurs propres pays, responsables de la dilapidation de l’économie marocaine. Ils citent et qualifient clairement d’«invasion» la régularisation des gens d’Afrique. Ils condamnent et jugent d’une manière très partielle et nationaliste les gens d’Afrique en conflit avec la loi marocaine. Des commentaires, des vidéos, des publications circulent sur les pages des réseaux sociaux, légitimant leur racisme et banalisant leur xénophobie. Parmi les auteurs de ces écrits, des instruits, des militants, pire des immigrés marocains partout ailleurs dans le monde.

*Sociologue, chercheure enseignante
 FLSH Mohammedia

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