Loujain al-Hathloul, la militante qui bouscule le régime de Riyad

Attentons pour voir

Loujain al-Hathloul, une jeune militante saoudienne de 31 ans, a été condamnée, ce lundi, à cinq années et huit mois d’emprisonnement dont deux ans et dix mois avec sursis, par un tribunal spécialisé, créé en 2018 à l’effet de statuer sur les affaires à caractère terroriste mais qui, dans les faits, n’a servi, depuis lors, qu’à juger des prisonniers «politiques».

Accusée d’avoir été en contact avec des Etats «hostiles» au Royaume à qui elle aurait transmis des informations confidentielles, cette dernière a été reconnue coupable d’«activités prohibées par la loi anti-terroriste» alors même qu’aucune preuve n’a été apportée par les juges pour étayer de telles accusations.

Diplômée de l’Université canadienne de Colombie britannique (UBC), cette défenseuse acharnée de la cause des femmes saoudiennes qui a longtemps milité pour le droit des saoudiennes à conduire et pour leur affranchissement de la tutelle des hommes avait été arrêtée en mai 2018, soit peu de temps avant la levée de l’interdiction qui était faite aux citoyennes saoudiennes de conduire un véhicule automobile.

Visage bien connu en Arabie Saoudite mais aussi dans le monde entier malgré son jeune âge, Loujain al-Hathloul s’est fait un nom en diffusant, sur les réseaux sociaux, des messages défendant les droits des femmes saoudiennes et en publiant des photos la montrant au volant d’une voiture au moment où, dans son pays, seuls les hommes étaient autorisés à conduire.

Mais bien qu’au vu de la peine déjà purgée, Loujain al-Hathloul, pourrait donc sortir en mars 2021, sa condamnation a soulevé une grande vague d’indignation au sein de la communauté internationale si bien que la France et l’Allemagne ont appelé les autorités saoudiennes à la «libérer» rapidement et que le gouvernement allemand a même tenu à préciser qu’une libération de l’intéressée «dès maintenant donc avant la conclusion du procès (constituerait) un signe positif».

A Londres, la BBC estime que  cette affaire «entache un peu plus la réputation» du Prince héritier Mohammed Ben Salmane déjà fortement impliqué dans l’odieux assassinat du journaliste Jamal Khashoggi alors que le «Guardian» s’est dit  particulièrement scandalisé par le fait que la simple candidature de Loujain al-Hathloul à un poste aux Nations-Unies ait pu être assimilée à une «collusion avec des forces étrangères».

Même son de cloche du côté espagnol quand El Pais dénonce la sévérité de la peine infligée à une personne dont «le seul crime est d’avoir défendu le droit des femmes à conduire». Le journal madrilène a tenu, également, à préciser  que si les autorités saoudiennes s’acharnent à répéter que son arrestation n’avait rien à voir avec sa campagne pour le droit de conduire, elles n’ont jamais montré de preuves sérieuses quant à sa prétendue association avec des forces étrangères à l’exception d’un simple «billet d’avion et d’une allocation de 50 euros par jour pour assister à une conférence sur la cyber-sécurité en Espagne».

Du côté de Washington, Cale Brown, le porte-parole du département d’Etat aux Affaires étrangères, a exprimé son inquiétude et s’est dit profondément «préoccupé par les informations selon lesquelles un tribunal saoudien a condamné la militante Loujain al-Hathloul à de la prison» et, en adoptant une position encore plus ferme, Jake Sullivan, le futur conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden,  a qualifié «d’injuste et troublante» la peine infligée à l’intéressée; ce qui laisse entendre que le prochain locataire de la Maison Blanche serait beaucoup plus disposé que son prédécesseur à critiquer le pouvoir saoudien.

Le Washington Post estime, enfin, que la date choisie pour le verdict n’est pas fortuite dès lors que celui-ci «arrive quelques semaines avant l’investiture du président-élu Joe Biden qui prévoit de réévaluer les relations américano-saoudiennes».

La forte réprobation internationale qui a entouré la condamnation de la jeune militante saoudienne va-t-elle finir par pousser les autorités de Riyad à mettre de l’eau dans leur vin et à la libérer «avant la conclusion du procès» comme l’ont souhaité les autorités de Berlin? Attendons pour voir…

Nabil El Bousaadi

Related posts

Top