L’abondance de liquidités crée de l’instabilité à Wall Street

A cause des énormes flux d’argent en circulation

Saga GameStop, folie des SPACs, fiasco Archegos: plusieurs bulles spéculatives ont fait vaciller Wall Street de janvier à mars, sans pour autant faire s’effondrer la Bourse. Ces épisodes mettent en exergue l’énorme quantité d’argent présente sur le marché.

Fin janvier, la planète financière a observé avec appréhension la poussée de fièvre ayant subitement conduit de nombreux boursicoteurs à investir dans la chaîne de magasins de jeux vidéo GameStop.

Cette frénésie d’achats a fait grimper GameStop et une poignée d’autres titres à d’improbables sommets, au grand dam de fonds d’investissements qui avaient parié sur leur effondrement imminent.

Les prix de ces actions sont depuis redescendus mais de nombreuses questions subsistent sur le comportement de plusieurs acteurs du marché, dont des sociétés de courtage et des fonds spéculatifs, soupçonnés d’avoir cherché à manipuler les cours pour limiter leurs pertes.

Plus récemment, une frayeur passagère a saisi Wall Street après la vente massive d’actions détenues par le gestionnaire de patrimoine Archegos, qui pourrait avoir des conséquences pour plusieurs grandes banques américaines, européennes et asiatiques contraintes de liquider leurs positions.

L’explosion, ces derniers mois, du nombre de SPACs («Special purpose acquisition companies»), ces entreprises sans activité commerciale qui lèvent des fonds en entrant sur une place boursière puis cherchent à acquérir une autre compagnie, suscite également des interrogations sur les risques de bulle.

Ces phénomènes, distincts les uns des autres, ont pourtant un dénominateur commun: les énormes flux d’argent en circulation à Wall Street.

«Le marché boursier est monté extrêmement vite pendant neuf mois après ses plus bas de mars dernier, mais il restait beaucoup de liquidités à investir», explique Gregori Volokhine de Meeschaert Financial Services.

Les acteurs du marché «savent que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et qu’il n’était pas possible de continuer à investir seulement dans le +cloud+ (l’informatique à distance), les réseaux sociaux ou les ventes sur internet», poursuit l’expert. «Ils ont donc cherché un relais de croissance à ce marché qui a rebondi très fort depuis mars 2020.»

Pour soutenir l’économie américaine, terrassée par les conséquences de la pandémie, la Réserve fédérale a considérablement augmenté ses injections de liquidités sur le marché bancaire depuis plus d’un an. De leur côté, les administrations Trump puis Biden ont adopté d’ambitieux plans de soutien aux foyers, aux entreprises et aux collectivités.

«Je ne crois pas qu’on n’ait jamais vu autant d’argent entrer dans le système aussi vite entre les différents chèques de relance et ce qu’il va se passer avec les infrastructures», souligne JJ Kinahan de TD Ameritrade, en référence à l’ambitieux projet de modernisation des transports, de l’industrie et des réseaux internet présenté cette semaine par Joe Biden.

Munis de ces sommes considérables, les investisseurs ont cherché à se porter sur des secteurs rentables autres que la tech, qui semblait s’essouffler après une année 2020 particulièrement faste.

«Cela arrive qu’un fonds se retrouve en difficulté car il essaye de diversifier ses profits, ce qui est plus difficile à faire dans un marché haussier», souligne M. Kinahan.

Les secousses subies par Wall Street depuis le début de l’année ont aussi mis sur la table certaines pratiques décriées, jugées parfois frauduleuses.

Lors de l’affaire GameStop, de nombreux responsables politiques s’en sont vertement pris au courtier Robinhood pour avoir restreint pendant un temps les achats du titre GameStop. Certains députés américains ont même accusé la plateforme, qui souhaite bientôt entrer à Wall Street, d’agir sur les ordres de fonds spéculatifs avec lesquels elle fait affaire.

La débâcle d’Archegos a, elle, rappelé l’opacité autour des transactions sur certains produits dérivés, ces instruments financiers à haut risque.

Le fonds d’investissement avait recours, via de grandes banques, à des «swaps» ou contrats d’échange, qui permettent notamment de ne pas révéler l’ampleur de positions sur le marché.

Ce manque de transparence pourrait contraindre le régulateur boursier américain, la SEC, à intervenir, estime M. Volokhine.

«Il y aura peut-être assez rapidement des règlements qui forceront les banques, lorsqu’elles font des +swaps+, à déclarer le sous-jacent et l’effet de levier auprès d’une plateforme qui puisse mettre leurs activités en face les unes des autres», envisage-t-il.

Étiquettes ,

Related posts

Top