5 Décembre 2015, la saison sèche bat son plein au Cameroun. Sur l’estuaire du fleuve Wouri à Douala, c’est l’effervescence. Hommes et femmes vont pieds nus. Petites toques de fibre de raphia noire sur la tête, les hommes sont vêtus de chemises à longue manche, pagnes de velours ou de soie noués autour de la taille, foulards aux couleurs chatoyantes, le tout rehaussé par des chasse-mouches à la main. Le décor est on ne peut plus embelli par des femmes arborant des «kaba», des robes très amples, avec des foulards aux couleurs vives noués autour des reins. C’est le début du «Ngondo», l’une des plus grandes fêtes traditionnelles du Cameroun qui draine chaque année touristes étrangers, curieux, aficionados et bien évidemment les peuples sawas. Zoom sur l’essence et le sens de cette fête traditionnelle des peuples côtiers du Cameroun!

Le «Ngondo» est une fête traditionnelle rassemblant chaque fin d’année les 3 groupes constituant le peuple sawa (Bassa, Bakoko et Ewalé). Il célèbre l’unité de ces peuples pendant 3 semaines. Au rendez-vous sont programmés une kyrielle de festivités, des réjouissances, des concours, des élections… La cérémonie est codifiée et marquée entre autres par un vaste défilé traditionnel…L’animation culturelle est enrichie par les courses de pirogues géantes à l’embouchure du fleuve le Wouri rythmées par les tam-tams et les youyous de milliers de supporters. D’autres compétitions, à l’instar de la lutte traditionnelle, la gastronomie, la danse sont par ailleurs organisées… La beauté, l’intelligence, la maîtrise de la culture sawa y tiennent aussi une place de choix, à travers l’élection de Miss Ngondo…

Mais pour tout dire, ces activités ne sont que le côté superficiel de ce rendez-vous traditionnel. Car le festival «Ngondo» est bien plus que ces réjouissances. Elle se veut une fête sacrée et rituelle, un culte aux ancêtres des peuples côtiers du Cameroun et aux divinités de l’eau. Ce côté mystique étant réservé aux chefs du peuple, aux «initiés»… et pratiqué très tôt à l’aube. Présidées par le chef des sawas, ces cérémonies permettraient d’entrer en communion avec les forces ou esprits de l’eau protecteurs du fleuve Wouri. Ces génies craints et vénérés par les Sawas, ces sirènes ou naïades appelés «Miengu» seraient dispensatrices de toutes leurs fortunes, bonnes ou mauvaises. Le culte qui leur est rendu permettrait de bénéficier de leurs grâces. A cet effet, la clôture du « Ngondo » est baptisée la fête de l’eau. Celle-ci est marquée, en plus de la course de pirogues, par l’immersion du vase sacrée qui généralement contient le message des ancêtres. Au cours de ce rituel, un plongeur va à la rencontre des ancêtres qui se trouveraient dans les fonds marins pour ramener le message adressé au peuple par les ancêtres.

ngondo tofEn effet, le Ngondo est une fête vieille de 2 siècles. Cette assemblée traditionnelle du peuple sawa ou douala existerait depuis 1830 avant l’arrivée des premiers missionnaires au Cameroun. Une légende du peuple raconte qu’à l’époque, un certain colosse appelé Malobè, originaire du nord-ouest de Douala, semait la terreur parmi le peuple duala, surtout dans les marchés périodiques. Il était à l’origine de plusieurs abus et exactions les visant essentiellement. Une fois que Malobè apparaissait tout le marché était en débandade.  N’en pouvant plus de cette situation, les dignitaires du peuple se réunirent un jour pour trouver une solution à cette affaire. C’est alors qu’apparu le terme Ngondo qui veut dire cordon ombilical. Ce jour, les Duala prirent une autre décision, prendre leur revanche sur l’assaillant. Ils désignèrent pour ce fait un colosse d’une banlieue voisine, nommé Engômga comme leur vengeur. Dans une batailla de titans, Engômga eut raison de Malobè. En guise de représailles, les Duala le livrèrent aux négriers. Depuis lors, le Ngondo est devenu un symbole de l’unité du peuple sawa.

Danielle Engolo

Top