Les architectes à pied d’œuvre

 Reconstruction des régions sinistrées

Karim Ben Amar

Chakib Benabdellah, président du Conseil national de l’ordre des architectes

Le séisme qui a frappé principalement les provinces d’Al Haouz et de Taroudant a détruit de nombreuses habitations, édifices et villages. Alors que les autorités continuent de recenser le nombre de sans-abris, tout en apportant le soutien matériel nécessaire aux sinistrés, un vaste programme de reconstruction sera mis en place. Tout comme les séismes d’Agadir et d’Al Hoceima, cette étape devrait nécessiter un certain temps. Il faudra principalement procéder aux études nécessaires sur le terrain afin de définir et mobiliser les moyens financiers pour entamer la reconstruction. Mais le véritable challenge de cette dernière est la modernisation des bâtisses tout en restant fidèle à la touche locale. Pour en savoir plus, l’équipe d’Al Bayane a contacté le président du Conseil national de l’ordre des architectes, Chakib Benabdellah. Il nous dit tout.

La reconstruction des zones sinistrées est une priorité. D’ailleurs, dès le lendemain de la catastrophe naturelle, et sur les Hautes instructions royales, le fonds spécial séisme a été mis en place pour permettre de couvrir « les dépenses liées au programme d’urgence de réhabilitation et d’aide à la reconstruction des logements détruits au niveau des zones sinistrées ».

Soulignant que dans ce programme ambitieux, des acteurs publics et privés seront mobilisés pour accompagner les chantiers lancés. En plus des ministères concernés, d’autres acteurs seront mis au-devant de la scène, et principalement les architectes. Le défis à relever, comme le signale le communiqué royal et le respect de l’architecture locale.

Contacté par la rédaction d’Al Bayane, le président du Conseil national de l’ordre des architectes, Chakib Benabdellah, a déclaré que « les architectes sont les premiers acteurs concernés par la reconstruction. Mais avant de poser la première pierre, notre tâche prioritaire est d’inventorier et diagnostiquer la situation ».

« Nous devons tout d’abord recenser et contrôler les bâtisses qui sont touchées pour pouvoir décider si elles peuvent être retapées ou démolies. Les opérations de reconstruction ne peuvent démarrer dans l’immédiat. Avant cela, il faut dépasser l’étape de dégagement des débris ».

Le gouvernement devrait mettre en place un dispositif dédié pour recenser la population cible et identifier les besoins de recasement ou de logement. Quant aux motivations des architectes, Chakib Benabdellah affirme que « notre intervention s’inscrit dans un cadre de bénévolat à travers l’assistance architecturale. Il s’agit là de notre volonté qui nous anime dès le lendemain de cette catastrophe».

Un défi majeur est à relever, c’est le respect de l’architecture locale. « Le communiqué royal a souligné que le respect du cachet local est une obligation. Ainsi les villages sinistrés ne perdront-ils pas leurs âmes et ne seront donc pas dénaturés ».  

« C’est d’ailleurs pour cette raison que nous menons une réflexion tous ensemble sur ce qu’on pourrait offrir à ces gens tout en s’assurant de ne pas construire de manière archaïque ».

Notons qu’au Maroc, il y a un règlement sismique dans les constructions. À cet effet, Chakib Benabdellah dévoile que ce dernier n’est malheureusement respecté que dans les grandes villes. « Le respect des plans de construction ou la nature des matériaux à utiliser sont à suivre de très près car l’aspect architectural ne doit pas être dénaturé ».

«Le jour où la reconstruction sera engagée, elle ne se fera plus qu’avec des matériaux locaux. Il est donc important d’intégrer des structures en béton armé pour sécuriser les édifices. Ces normes de construction pour une région sismique, vont être proposées aux autorités une fois engagés dans les études ».

L’autre défi majeur est en rapport avec le coût. À ce sujet, la même source souligne que « le coût doit-être compétitif et à la portée de la population dont la majorité est défavorisée, et ce même si l’État devrait subventionner ces opérations, comme cela a été fait à Al Hoceima en 2004 ».

 Le Maroc à une bonne expérience en matière de gestion des catastrophes naturelles, dont les séismes. Notre pays a tiré les enseignements qui s’imposent en matière de construction. À Agadir, victime d’un séisme en 1960,  les normes antisismiques sont obligatoires et la surévaluation n’est pas tolérée au-delà d’un certain niveau. « À Al Haouz et dans la région de Taroudant, la plupart des maisons sont construites en pisé et situées dans un terrain accidenté dans le monde rural. Nous devons donc pondre une réflexion dans l’urgence, à savoir dans les jours et les semaines qui viennent pour débuter la reconstruction.  La population locale doit impérativement être assistée par des spécialistes. Aussi, la reconstruction doit se faire dans les plus brefs délais, car ces populations vivent dans des conditions précaires. Il faut bien le dire, nous sommes dans l’urgence ».

La région d’Al Haouz ne figurait pas dans le classement des zones sismiques, contrairement à Agadir et Al Hoceima. « Il est important de revoir toutes les normes de construction dans cette région. La réglementation doit être plus stricte au niveau des autorisations et des matériaux utilisés. En tout cas, nous ne ménagerons pas  nos efforts. Il est vrai que les solutions ne sont pas encore au point, mais nous nous activons dans ce sens », conclut le président du Conseil national de l’Ordre des architectes. 

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