Le gouvernement n’a aucun projet politique ni volonté de réformes

Entretien avec Mohammed Nabil Benabdallah, Secrétaire général du PPS

Propos recueillis par Khalid Darfaf et Mohamed Khalil

A la veille de la clôture de «l’année politique», le Secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme a accordé, mercredi 10 juillet 2024 dans la matinée, une interview au journal Al Bayane. L’entretien a essentiellement porté sur l’attitude générale du gouvernement en matière de gestion des affaires politiques, sociales et économiques et à l’alternative que le PPS propose pour sortir de cette crise. La lettre n° 2 adressée par le PPS au chef du gouvernement, à mi-mandat, l’attitude à l’égard du parlement, des manifestations revendicatives, des libertés d’expression, du portage politique du changement, du remaniement ministériel, des élections de 2026, de la cherté de la vie, du refus de plafonnement des prix, de la prochaine réforme du Code de la famille…  sont autant de problématiques abordés lors de cet entretien.

Le gouvernement a gravement contribué à la détérioration du pouvoir d’achat des ménages marocains

Al Bayane : Comment les milieux politiques ont-ils accueilli la lettre ouverte adressée par le PPS au chef du gouvernement ?

Nabil Benabdallah : Il faut dire que la lettre ouverte adressée au Chef du gouvernement, qui est d’ailleurs la deuxième en son genre, avait reçu un écho favorable de la part des milieux politiques, notamment les partis de l’opposition mais aussi de la part de certains milieux professionnels et associatifs ou encore de ceux qui s’intéressent particulièrement  à la gestion de la chose publique.

Notre devoir, en tant que parti progressiste, est d’inscrire notre action, comme c’était toujours le cas, dans une approche de critique constructive afin d’exprimer nos inquiétudes majeures en interpellant le gouvernement sur un nombre de questions cruciales.

Lors du débat parlementaire consacré au bilan du mi-mandat du gouvernement, l’intervention du Groupe parlementaire du PPS  à travers son président, Rachid Hamouni,  était responsable, équilibrée et constructive. Il a souligné certains points positifs mais surtout relevé les défaillances de l’Exécutif, et ce dans un temps court qui ne permettait point d’exprimer tout ce qu’il fallait dire.

Le problème consiste dans le fait que le Chef du gouvernement, en interagissant avec l’ensemble des interventions, a fait montre d’une certaine arrogance tout en targuant que son gouvernement demeure le meilleur Exécutif dans l’histoire du Maroc.  Pire encore, en poussant le bouchon trop loin,  le Chef du gouvernement a considéré, comme il ne cesse de le répéter à chaque sortie médiatique, que son gouvernement a pu concrétiser les engagements de tout son mandat  durant seulement deux années et demie d’exercice. Ce qui relève de l’aberration, car il y a un hiatus abyssal entre le discours et la réalité sur le terrain. Pire encore, son discours contenait en filigrane un ton menaçant à l’égard de toute critique de l’action du gouvernement,  y compris quand elle provient des institutions constitutionnelles qui, conformément à leurs attributions légales, publient des rapports, à l’instar du Haut commissariat au plan HCP), ou le Conseil économique, social et environnemental CESE).

 C’est pourquoi au PPS, nous avons considéré qu’il est nécessaire d’investir l’espace public en nous adressant au chef de l’exécutif par une lettre qui met l’accent sur les dix défaillances qui caractérisent l’expérience gouvernementale actuelle.

Malheureusement, nous regrettons amplement la manière avec laquelle le parti qui dirige le gouvernement a réagi à la lettre. Au lieu de faire preuve d’un esprit responsable et réfuter tout ce qui est contenu dans notre document, le Chef du gouvernement a opté pour une autre méthode qui n’est pas du tout  à la hauteur et s’inscrit aux antipodes de l’éthique politique. Pour rappel, le Chef du gouvernement a monté sur ses ergots, en tournant le dos aux dispositions constitutionnelles et ce  lors de la première lettre adressée à son cabinet,  en prétendant  que nous n’avons pas le droit, en tant que parti politique, d’adresser une lettre ouverte et que l’interpellation du gouvernement passe uniquement par le Parlement !

Valeur d’aujourd’hui, je dois souligner que nous n’avons reçu aucune réponse.

Par contre, l’opinion publique nationale a manifesté un intérêt sans précédent à notre document et nous étions même salués pour les efforts consentis afin que toute la lumière soit faite sur le bilan du gouvernement.

-Qu’est-ce que vous reprochez exactement au gouvernement ?

C’est un gouvernement qui est politiquement faible et qui n’a aucun projet politique, voire aucune volonté pour réformer l’espace politique. Il a presque échoué dans tous les domaines, que ce soit sur le plan social ou économique. En termes plus clairs,  l’Exécutif actuel n’a pas pu atteindre les objectifs économiques du Royaume aussi bien au niveau de l’amélioration du taux de croissance ou l’attrait des investissements extérieurs.  A cela s’ajoutent des lacunes majeures relevées en matière des mécanismes de la gouvernance, de la mise en œuvre du chantier de la protection sociale (couverture médicale, soutien social direct). Sans omettre l’augmentation du taux de  chômage et de la pauvreté,  la question de la cherté de la vie et la détérioration du pouvoir d’achat des ménages marocains, entre autres.

Conscient de notre véritable mission, nous sommes appelés à poursuivre cet effort pour mettre en exergue l’existence d’une alternative qui est le PPS.

-Vous critiquez le chef du gouvernement pour son manque de respect du Parlement, voire sa faible interactivité avec les députés. Sousentendez-vous par cela qu’il tend vers une « désinstitutionalisation des institutions constitutionnelles » ?

Dans le prolongement de ce que je viens de dire, il faut prendre d’autres éléments.  Lors de sa  déclaration durant la discussion de la question de l’emploi, et à la suite de notre lettre, une prise de conscience s’est dégagée au sein du Parlement pour qu’il vienne s’expliquer sur la politique de l’emploi.  Je vous rappelle encore que dans sa réponse, le Chef du gouvernement avait l’outrecuidance de dire, encore une fois,  que ce qui l’intéresse sont ceux qui ont voté pour lui et que l’avis des députés ne l’intéresse point !  Comment expliquer une telle attitude ou de tels propos alors qu’il s’adresse aux représentants de la souveraineté de la nation au sein d’une institution constitutionnelle ? Il s’agit d’un acte grave qui devrait, en principe, le pousser à présenter ses excuses aux élus de la nation.

A cela vient s’ajouter  l’absence au Parlement, il y a quelques jours, du ministre de l’Enseignement supérieur pourtant interpellé dans le but de s’expliquer sur un vrai scandale, né d’une crise sans précédent à la suite de la grève des étudiants de médecine et de pharmacie menacés par le spectre d’une année blanche.

Le parlement avait programmé, à temps, la présence du gouvernement, par le biais du ministre de tutelle, pour interagir avec les interpellations des députés, sans que le ministre concerné ne daigne se présenter devant les élus. Un tel acte dénote d’un méprise voire  d’immaturité, politiquement grave. Bref, il s’agit d’une atteinte à la démocratie et aux institutions constitutionnelles. Ce qui pourrait creuser davantage le fossé entre les citoyens et le champ politique.

-Peut-on dire, dès lors, que le champ politique connait une crise politique ?

Il ne s’agit point d’une crise politique mais plutôt d’une crise de l’action politique car les institutions fonctionnent.

En termes plus clairs, il y a une crise dans la pratique politique qui est  liée principalement au fonctionnement des institutions, la place qu’occupe la politique dans la société ou dans la mise en œuvre de la Constitution. D’ailleurs c’est le premier point contenu dans  notre lettre ouverte. La fonction du gouvernement requiert une vision, une communication claire et un portage politique fort  pour mobiliser les citoyens et les faire adhérer aux projets. De plus, le bon fonctionnement de l’espace politique nécessite une interaction entre l’opposition et la majorité, un débat public serein et responsable. D’où l’importance d’assainir le champ politique. Or, force est de constater que le gouvernement a l’air d’être complètement inconscient de ce qui se passe.

-Comment alors procéder pour amorcer une véritable réforme du champ politique et mettre, par conséquent, un nouveau contrat politique ?

Le fait que le gouvernement est doté d’une large majorité aussi bien à la Chambre des représentants qu’à la  Chambre des conseillers ou encore dans les douze régions,  lui donne l’impression qu’il conduit sur une autoroute et qu’il a les mains libres.  Cela dénote d’une vision indigente et d’un manque de discernement politique.

-Comment peut-on parer à cette situation ?

En premier lieu, la politique doit être exercée, avant tout, avec un esprit de compréhension tout en faisant preuve de  beaucoup d’humilité dans l’action.  Cela étant, il convient de se départir des visons étriquées  qui vous laissent imbus par vos réalisations, en laissant  croire que tout a été réglé par ce gouvernement et que rien n’a été réalisé auparavant dans ce pays, sachant que le parti dirigeant de la majorité a été présent dans plusieurs gouvernements qui se sont succédé depuis quarante ans, soit bien avant le gouvernement de l’alternance.

En deuxième lieu,  nous nous sommes adressés au chef du gouvernement depuis belle lurette pour le convaincre de réunir les principaux partis politiques en vue de mettre en place les mesures permettant la réhabilitation du champ politique et créer, par conséquent, les conditions sine qua non permettant la réconciliation des citoyens avec l’action politique et être solidement préparés aux échéances de 2026.

La raison recommande de prendre sérieusement ce dossier entre les mains au lieu d’attendre les élections 2026 ? Car il s’agit d’éviter de reproduire l’expérience électorale précédente où l’argent a coulé à flots. Cela va nous permettre de barrer la route aux candidats les moins honnêtes et éviter leur élection au Parlement. Mais si c’est le contraire qui se produisait, cela constituerait un véritable danger pour notre pays et pour sa stabilité.

En termes plus clairs, il faut assainir ce champ en faisant en sorte que ceux qui n’ont pas le sens de l’intérêt général soient écartés des institutions élues. L’objectif escompté consiste à faire élire de nouvelles compétences ayant le sens de l’engagement et du devoir patriotique.

En troisième lieu, il est indispensable de s’atteler sur la question du mode de scrutin. Il faudra mettre en place un mode de scrutin qui privilégie les programmes des partis politiques tout en prenant en considération la particularité et la singularité marocaine,  à savoir la représentation du local et de la   diversité culturelle.

En tant que parti progressiste, nous optons pour un mode de scrutin mixte, proportionnel à l’échelle nationale et majoritaire dans les circonscriptions locales, assortis d’un ou deux tours afin de favoriser le système des alliances.  Grosso modo, sans changement du mode de scrutin, nous resterons sur ce que nous sommes.

Assurément, l’assainissement du champ politique requiert également d’élever le niveau du débat public dans les médias tout en soutenant les organes de presse pour qu’ils  puissent jouer pleinement leur noble mission et que nous n’ayons pas une presse aux ordres ou bien une presse qui développe un certains nombre d’approches qui n’ont rien à voir avec l’intérêt réel des citoyens. Ce qui nous importe nous, c’est le peuple,  ce sont les grandes questions du développement de notre pays, notre cause nationale, celle du Sahara marocain.  A cela s’ajoutent les multiples problématiques liées à la démocratie,  aux orientations économiques et sociales,  à la culture,  aux questions de l’écologie… Nous avons demandé au gouvernement actuel de nous mettre au travail dès maintenant afin que nous puissions discuter et produire ensemble une véritable réforme, mais en vain, c’est le silence radio.

-Les questions de la démocratie et de liberté d’expression constituent, de l’avis général, le dernier souci de l’actuel gouvernement. Que faire pour remédier à cette situation ?

Cela doit faire partie d’un package. Il faut créer un climat nouveau.  Nous n’avons cessé de répéter haut et fort  que nous avons besoin d’un nouveau souffle démocratique.

Nous avons besoin d’une démocratie dans laquelle la liberté d’expression a voix au chapitre et ce de manière responsable. Il s’agit d’une liberté d’expression laissant la voie ouverte à la critique constructive et aux  différentes expressions. Pour ce faire, il faut prendre des initiatives visant à apaiser le climat et contribuer par cela à ouvrir des perspectives nouvelles, tout en mettant l’accent sur le fait que certains dossiers doivent être traités de manière positive.

-Certains analystes estiment que l’offre des partis politiques n’est pas à la hauteur des attentes des citoyens. Partagez-vous cet avis ?

Il s’agit d’une analyse à la va-vite ou d’un jugement de valeur. Une acception selon laquelle tout le monde est pareil relève d’une analyse qui se situe à côté de la plaque.

Je dois affirmer qu’il y a des partis sérieux qui ont une base programmatique sérieuse. Des partis qui travaillent avec abnégation pour servir les intérêts du pays et rien d’autre et qui produisent régulièrement leurs positions, c’est le cas du PPS.

Le PPS est un parti qui tient ses congrès régulièrement et qui à l’occasion de chaque congrès émet une thèse, synonyme d’un programme politique, économique, social, écologique et culturel, contenant des mesures SMART.

Nous faisons la même chose à l’occasion de chaque élection locale et nationale. Et de surcroit, nous sommes pratiquement le seul parti qui se réunit hebdomadairement et qui publie des communiqués sur les différentes questions avec des critiques fondées mais également avec des propositions pour faire avancer notre pays.

Il faut que les citoyens, notamment les jeunes, comprennent qu’on n’a rien sans rien et que dans les partis démocratiques ayant un référentiel de gauche, notamment le PPS, il y a des générations de militants qui ont commencé leur vie politique dans des conditions encore très difficiles. Ils se sont engagés dans l’action politique depuis leur jeune âge, au détriment de leur liberté ou encore au détriment de leurs conditions matérielles. Il serait absurde de rester assis sur un fauteuil et balancer des jugements aussi négatifs et dénués de tout fondement.

Il faut dire que ce discours nihiliste arrange ceux qui continuent de profiter,  politiquement, économiquement et socialement, de la situation actuelle et détestent de voir l’émergence d’une véritable alternative patriotique et progressiste démocratique.

Pensez-vous que le Parlement remplisse convenablement ses attributions constitutionnelles ? »

En toute objectivité, il y a  plusieurs représentants de la nation qui aspirent à donner vie à l’action parlementaire. D’ailleurs notre groupe parlementaire, qui s’active de façon dynamique et  régulière, ne ménage aucun effort pour mener à bien sa mission en matière de contrôle de l’action du gouvernement via des questions orales et écrites ou au niveau de la légifération. Nous sommes alertés d’une manière permanente. Je fais allusion, à titre d’exemple, à la  proposition de loi pour réguler les prix des hydrocarbures. Sans oublier les multiples initiatives en matière de diplomatie parallèle. En contre partie, nous sommes en face d’un gouvernement qui affiche une altitude de mépris, qui interagit rarement ou de manière très timide avec les initiatives émanant des parlementaires, que cela soit en relation avec les propositions de lois, les missions d’informations ou les commissions d’enquête…

Cette attitude passive ternit davantage l’image de l’hémicycle auprès de l’opinion publique.

C’est pourquoi il faudra œuvrer afin que le parlement soit un véritable espace d’exercice de la souveraineté populaire. Un espace permettant d’exprimer les attentes du peuple et de la gestion des différends entre l’ensemble des composantes de la nation.  Nous avons ô combien besoin d’opérer des changements pour renforcer le rôle du Parlement et ce, conformément à l’esprit et aux dispositions de la Constitution, notamment  l’article 70 qui dispose que le Parlement exerce le pouvoir législatif.

-La construction d’un Front de gauche comprenant toutes les forces de gauche est une initiative du PPS. Comment aller de l’avant dans ce sens ? Est-ce que la dernière expérience des législatives en France pourrait-elle servir d’ « exemple » pour la gauche marocaine ?

Il n’a y pas seulement l’expérience française. Il y a lieu de signaler qu’il y a d’autres expériences de la gauche qui est parvenue à concrétiser des projets d’alliance et créer une dynamique et adhésion populaires, et de ce fait à gouverner. Ces réussites ont eu lieu dans un certain nombre de pays. C’est le cas notamment en Espagne ou dans beaucoup de pays d’Amérique latine où nous assistons à  une sorte de retour de la gauche et des valeurs de gauche. Malheureusement chez nous, Dieu en est témoin, nous avons tout essayé.

Au PPS, la question unitaire est ancrée dans les gênes du parti.  Nous sommes éduqués pour être unitaires. Il s’agit d’un choix stratégique. Cela étant, nous n’allons pas lâcher prise, même si parfois nous sommes confrontés à des attitudes hermétiques, voire sectaires. 

Grosso modo, la constitution d’une alliance de gauche requiert une véritable volonté de la part des acteurs concernés qui sont censés se tourner vers l’avenir et se défaire du passé.

D’ailleurs, je dois souligner que nous avons œuvré pour que ce projet prenne pied en tendant la main à toutes les forces de gauche, notamment à l’USFP. Cependant, il faut dire que la réussite d’une alliance de gauche requiert un projet mobilisateur et une clarté en matière des orientations.

C’est le cas d’ailleurs en France où le Nouveau Front Populaire s’est basé sur une volonté commune mais aussi sur un programme contenant des mesures fortes ayant un caractère démocratique et progressiste. Bref, un programme qui défend l’intérêt suprême du pays et du peuple.

Au Maroc, nous avons déjà proposé une démarche similaire pour que nous puissions nous projeter dans l’horizon 2026. Je dois souligner que nous ne sommes pas concernés par un quelconque remaniement ministériel, car tout bonnement, un remaniement des personnes ne va rien résoudre.

Nous avons besoin d’un changement réel des orientations, car  nous considérons que le gouvernement actuel est incapable d’opérer de véritables changements.  D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nous nous mettons dans la perspective de 2026.

Pour aller de l’avant, nous devons continuer notre combat tout en tendant la main à toutes les formations politiques de gauche pour la création d’une véritable  gauche, voire la constitution d’une alliance plus large, regroupée dans un mouvement citoyen ou un mouvement social et citoyen qui comprend les différentes initiatives et forces de la société.

« Pourriez-vous expliciter davantage votre idée ? »

Je dois souligner que notre devoir, en tant que parti progressiste, est d’aller au devant des attentes de notre peuple et des besoins de notre pays. Pour ce faire, il faut œuvrer à créer un espoir chez la nouvelle génération. Malheureusement, on est confronté à des visions étriquées et, peut-être, à une sorte de vieillissement de la classe politique. Cela pourrait nous dicter de trouver la formule idoine pour passer le relais à une nouvelle génération de militantes et de militants. Toutefois, il faudrait que cette nouvelle génération le veuille aussi.  Il faudrait que cette nouvelle génération vienne prendre le flambeau et puis s’affranchir des blocages du passé, dans le dessein de s’orienter vers l’avenir avec plus de détermination.

Dans cette optique, nous continuons de jouer notre rôle de rapprochement des points de vue entre les différentes composantes de l’opposition. Cette tâche n’est pas du tout facile, car dans les rangs de l’opposition, il n’y a pas que des partis de gauche. Et fort heureusement, malgré les difficultés, nos relations sont bonnes avec tout le monde.

Pour l’instant, il faut reconnaitre que nous sommes confrontés à des contraintes.  Mais nous espérons encore, sous l’impulsion de la réalité de la pression populaire, atteindre cet objectif. Pour ce faire, nous sommes tenus à ce que notre  parti remplisse davantage sa fonction tribunitienne, d’expression et d’opposition constructive.

Nous sommes en tête d’affiche. Nous avons besoin de relayer, encore plus,  nos valeurs et nos idéaux dans les entrailles de la société.

Il est vrai que ce que nous essayons de faire est complexe. Cela nécessite énormément d’énergie, de volonté et de travail et j’espère que nos militants vont nous aider dans notre noble mission.

Le PPS compte-t-il sur ses bonnes relations avec la gauche française pour contribuer à un dégel des relations entre le Maroc et la France ?

Depuis la création de notre parti,  nous n’avons ménagé aucun effort  pour servir les intérêts supérieurs du pays. Nous avons toujours joué ce rôle pour défendre les causes de la nation, à commencer par la marocanité du Sahara. Nous sommes un parti responsable qui a toujours fait preuve d’un haut degré de patriotisme et d’abnégation pour servir les intérêts suprêmes du pays. Nous allons continuer le travail que nous avons commencé avec la gauche française, et surtout avec La France Insoumise (LFI).  Nous œuvrons à ce que cela constitue un élément pour accéder à une nouvelle ère entre le Maroc et la France.

Il y a une prise de conscience, après la visite de Mélenchon dans notre pays, que le Maroc est un Etat souverain, qui a le devoir d’être traité d’égal à égal, avec respect, et qu’il ne renoncera jamais à ses droits territoriaux. Point barre !

Le Maroc a une cause principale : celle du Sahara marocain et ne permettra point de trainer ce problème artificiel qui date de plusieurs décennies.

Cela a été appréhendé par M. Mélenchon et nous espérons que cela serait le cas pour l’ensemble de la classe politique française.

-Quelle analyse faites-vous de l’Initiative royale visant à faciliter l’accès des pays du Sahel à l’océan Atlantique ?

Le Maroc a des orientations stratégiques. En toute objectivité, les décisions de SM le Roi pour la présence du Royaume en Afrique, incarnent la profondeur et la perspicacité de sa vision.  Ces orientations émanent d’une volonté royale suprême ayant pour finalité le développement de la présence du Maroc en Afrique. D’ailleurs le Souverain s’est fortement impliqué pour développer la présence marocaine dans notre continent afin d’impulser un fort élan au pays.  Dans ce sens, il faut mettre l’accent sur le fait que les orientations royales et ses plaidoyers engagés sont d’ordress stratégiques liées aux véritables causes du continent africain, telles les questions de l’eau et de l’immigration.

Il faut dire que l’initiative royale a pour finalité que les richesses et les ressources de l’Afrique doivent profiter à tous les Etats africains. Son initiative est un  investissement dans l’avenir visant le développement dans le vrai sens du terme loin de tout investissement, au sens étroit et consistant en la recherche uniquement du profit et de l’exploitation pur jus des richesses de l’Afrique ne servant, en fin de compte, que les intérêts des pays impérialistes. L’objectif escompté pour le Souverain est de créer des passerelles de coopération entre l’ensemble des Etats composant le continent et de relever les défis relatifs au développent durable. Dans ce cadre, nous espérons que notre voisin de l’Est cesse de nous importuner par son disque rayé et suive l’exemple de SM le Roi.

« Qu’en est-il de la crise dans les facultés de médecine et de pharmacie, en grève depuis sept mois ? Vous faites endosser la responsabilité de cette crise au gouvernement actuel et au ministère de tutelle. Que proposez-vous pour sauver les étudiants et leurs familles du spectre de l’année blanche ? »

D’abord, c’est l’occasion de dire qu’au PPS, nous faisons assumer la responsabilité principale de cette situation au gouvernement. Cela a déjà été le cas lors de la crise de l’enseignement. Car, au lieu d’interagir positivement avec les revendications des étudiants et faire prévaloir la culture du dialogue, le gouvernement a attendu le pourrissement de la situation pour se manifester. Il faudra dire que la crise des facultés de médecine et de pharmacie est une crise qui dénote encore une fois del’absence, chez l’exécutif, d’une vision politique, de la profondeur politique. Cela illustre une incapacité de comprendre que gouverner veut dire convaincre et rassurer les citoyens. Autrement dit, gouverner, c’est l’art de mobiliser et faire adhérer les citoyens à vos projets. Or l’attitude hermétique adoptée par le gouvernement et le ministère de tutelle a contribué à envenimer la situation et au pourrissement, vu le taux de boycott des examens qui se situent aux alentours de 95%. Nous sommes, donc, face à une crise grave qui s’installe dans la durée et à une attitude hautaine qui continue de considérer qu’il n’y a pas de dialogue à avoir avec ces gens là. Or, il faut avoir à l’esprit que ces gens-là sont les fils du peuple. Ils font partie des meilleurs de notre système éducatif. Donc nous avons besoin de leurs compétences.

C’est ce même gouvernement qui estime que la réforme va accélérer la formation de ces compétences dans le champ médical et en particulier dans l’hôpital public. Voilà pourquoi la raison recommande que ces compétences soient bien encadrées en les convaincant à l’utilité du projet gouvernemental et en les faisant adhérer à cette vision. Hélas, cela n’a pas été le cas. Honnêtement, ce gouvernement a encore une fois montré sa faillite et son manque de sens politique. Et comme nous l’avons dit dans notre dernier communiqué du bureau politique, le gouvernement doit être dans l’obligation de gérer cette crise et trouver immédiatement les solutions adéquates afin de sauver les étudiants. Aussi, en principe  lorsqu’on échoue, il y a une seule chose à faire, c’est de présenter la démission. J’espère que le gouvernement tirera de cette crise les leçons qui s’imposent.

« L’hôpital public est également sous haute tension. Les blouses blanches sont en colère contre la sourde oreille du gouvernement, qui prend pour cible le personnel de la santé publique. Comment éviter que ce secteur vital ne soit sacrifié sur l’autel d’une privatisation rampante ? »

A ma connaissance, il y a eu au départ une volonté de faire avancer le dialogue social. Par la suite, on s’est retrouvé dans une situation de blocage marquée par le manque de capacité gouvernemental à produire, notamment, des réponses matérielles mais également en termes de statuts aux différentes catégories de la santé publique. Ainsi, ce sont deux secteurs vitaux qui ont connu une crise sans précédent, alors que ce gouvernement ne cessait de nous ressasser que les secteurs de la santé et de l’enseignement figurent dans la priorité de l’agenda gouvernemental. Il s’agit d’un paradoxe par excellence !  D’autant plus qu’aujourd’hui l’hôpital public, d’un point de vue structurel et matériel, a connu des avancées remarquables. Et pour cause, nous sommes pratiquement sur le point d’achever l’important chantier d’avoir un Centre hospitalier universitaire (CHU) dans chaque région. A cela s’ajoute la construction, sur l’ensemble du territoire national, d’une multitude d’hôpitaux régionaux et provinciaux équipés. Cette réalisation ne revient pas à ce seul gouvernement, nous y avons contribué, mais le gros problème réside dans le manque des ressources humaines. C’est une crise à tous les étages du système de la santé. Et le plus grave, c’est qu’aujourd’hui nous assistons à une sorte de détournement de tous les apports de la couverture médicale vers le secteur privé, notamment les cliniques qui sont en train de pousser comme des champignons et qui prennent plus de 90% des ressources  de la couverture médicale, sachant que le système hospitalier public a encore une fois  enregistré un  déficit record s’élevant à 1,6 MMDH, selon les chiffres de la CNOPS. Et, de surcroit,  les professionnels de santé quittent, de plus en plus, le secteur public en optant pour le privé, alors que d’aucuns y restent rien que pour continuer à percevoir le salaire tout en travaillant dans le privé. Le gouvernement est censé ouvrir davantage les yeux et de se poser les bonnes questions pour savoir où allons-nous. Franchement, j’ai l’impression que le gouvernement n’est pas au rendez-vous pour répondre à ces questions, malgré les efforts déployés, au point que les ministres de la Santé et de l’Enseignement sont abandonnés à leur sort…

Grace aux Hautes Orientations Royales, la réforme du Code de la famille est entrée dans la dernière ligne droite. Estimez-vous que la nouvelle étape pourrait rendre justice à la femme ?

Sans nul doute et c’est notre espoir d’ailleurs. De toute façon, c’est notre attente. Nous avons déployés tous les efforts pour cette fin.  Le PPS avait des positions distinguées, audacieuses mais responsables, loin de tout caractère incongru ou des pratiques qui s’inscrivent aux antipodes des règles de l’éthique devant encadrer tout débat social.

Je dois souligner que nous avons pris en considération les aspects religieux liés à ce dossier, mais également la Constitution marocaine, sa suprématie et les défis de son application tout en interagissant avec la réalité. Partant de cela, nous avons mobilisé de larges catégories de la société pour former un bloc uni pour influencer positivement l’orientation globale de la réforme.

Certes, il y avait quelques  thèses conservatrices. Mais, au PPS nous ne sommes pas opposés à ces thèses, si elles sont exprimées de manière responsable et équilibrée. Mais nous nous opposons catégoriquement aux  positions contenant des sophismes, des mensonges, ou des attaques contre des personnes. Autrement dit, nous interprétons positivement l’initiative Royale, celle de saisine du Conseil supérieur des Oulémas sur certaines propositions à caractère religieux de l’Instance chargée de la révision du Code de la famille. Il s’agit d’une initiative qui illustre l’intelligence et la clairvoyance de SM le Roi, comme c’était d’ailleurs le cas lors de la révision de la Moudawana en 2004. Cela pourrait à nouveau  contribuer à une interaction positive avec les propositions émanant de tous les milieux concernés. En tout cas, nous gardons l’espoir que cette réforme apportera de grandes avancées, surtout en matière de l’égalité des genres. Il s’agit d’un principe qui fait partie des gênes politiques du PPS.

Il est probable que cette réforme ne contiendra pas toutes les revendications faites par le PPS ou par d’autres organisations démocratiques et progressistes qui sont acquises aux droits des femmes. Toutefois, il serait un grand pas en avant si nous arrivions à avoir une grande partie de nos propositions dans la version finale du document. Et le combat va continuer…

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