À Béni Mellal, Judit Seres, directrice du Complexe culturel « Les Grands Arbres » est une personnalité qui se passe de toute présentation. Hongroise de nationalité et marocaine de cœur, Judit s’emploie depuis près de 10 ans avec beaucoup d’engagement et d’enthousiasme à animer la scène culturelle Mellali à travers des activités diverses et variées mais qui ont essentiellement la même visée: l’émancipation féminine.
Docteur en linguistique, Judit a choisi voici 20 ans déjà de s’installer à Béni Mellal non pas en raison d’un coup de cœur instantané pour la ville, mais après avoir cultivé une longue histoire d’affection avec les habitants de la cité des oliviers.
“J’ai beaucoup d’affection pour Béni Mellal, pas forcément pour la ville mais pour tous ces gens merveilleux que j’ai eu la chance de croiser”, se confie Judit dans une interview à M24, la chaîne d’information en continu de l’Agence marocaine de presse (MAP).
Au fil des années, Judit a découvert les gens de Béni Mellal et la grande hospitalité qui les caractérise. Ayant été profondément marquée par cette aventure humaine, elle a finalement décidé de rester à Béni Mellal, surtout après la naissance de son fils qui est venue renforcer à jamais son ancrage dans cette ville du centre du Maroc.
Chaleureuse, accueillante, timide et discrète, Judit l’est au plus haut point. Militante humaniste et éprise des causes féminines, elle n’aime guère s’étaler sur sa vie personnelle et préfère surtout se focaliser sur le travail qu’elle accomplit depuis près d’une décennie à la tête du Complexe culturel “Les Grands Arbres”.
Très attachée à ce haut lieu de la culture qui compte un corpus de plus de 40.000 ouvrages, Judit veille à perpétuer l’esprit du lieu et de ses fondateurs, le financier Omar Akalay, et le père Jacques Levrat qui a dirigé pendant 20 ans le centre de recherche et de documentation “La Source” à Rabat.
Pour Judit, le Complexe culturel “Les Grands Arbres” qui a été créé en 2005 en mémoire de l’épouse décédée de M. Akalay, Suzanne, et dirigé 7 ans durant par le père Levrat, est un précieux héritage qu’elle essaie tant que peut de sauvegarder et de perpétuer la mission qui est d’offrir aux femmes de Béni Mellal un espace culturel, de rencontres, de débats, de réflexion et d’échange autour de thématiques diverses impliquant des intellectuels, des artistes et le public.
“Je m’inscris dans la continuité et dans la lignée du travail entamé par le père Levrat. C’est lui d’ailleurs qui a initié la tradition de la célébration par notre complexe culturel de la Journée internationale des femmes”, dit-elle.
Le père Levrat tenait à ce que cette fête soit célébrée comme elle se doit à Béni Mellal et depuis, la date du 8 mars fait partie des évènements qui ponctuent l’agenda culturel du Complexe “Les Grands Arbres”, explique Judit qui tient aussi durant son mandat à donner à cette occasion un relief et une résonance à travers diverses activités culturelles et festives.
Chaque année, le Complexe “Les Grands Arbres” organise à cette occasion une exposition exclusivement dédiée aux femmes artistes qu’elles soient de renom ou en herbe, précise-t-elle, notant que ce qui est génial, c’est que le Complexe culturel “Les Grands Arbres” offre à la fois l’occasion aux femmes artistes d’exposer leurs œuvres, et au public de découvrir le parcours artistique de certaines femmes artistes innovantes.
Le complexe culturel “Les Grands Arbres” fait également la part belle aux débats, aux échanges et aux projections de films qui traitent de thématiques en lien avec la condition féminine dans le contexte actuel car il est très important de tirer parti des différents supports qui permettent de libérer la parole et de formuler une pensée commune sur les questions qui concernent la femme, ajoute-elle.
Aborder de tels sujets est à la foi essentiel, archi-important et urgent car le fait d’engager des réflexions communes et des débats sereins et constructifs, souvent avec la participation d’associations locales de la société civile, permet de faire bouger les choses et de pallier aux lacunes qui persistent encore malgré les grandes avancées réalisées jusque là, estime Judit.
La femme, une thématique récurrente
“Il est très important de remettre, de temps à autre, sur la table des débats, toutes les précarités et les faiblesses qui concernent les femmes car cela peut provoquer une prise de conscience et un éveil collectif ou encore rompre cette indifférence un peu blasée à l’égard de certaines thématiques propres à la femme”, martèle-elle.
La femme est une thématique récurrente que le Complexe culturel « Les Grands Arbres » met en avant tout le long de l’année et pas uniquement chaque 8 mars, insiste-t-elle, faisant observer que le Complexe a accueilli dernièrement deux projets -“Hikayat Shahrazad” et “Femme Gadda”- qui sont destinés aux jeunes femmes âgées de 18 à 30 ans et qui abordent des valeurs essentielles comme l’égalité du genre et l’estime de soi.
“Le portrait de Leila Alaoui orne la façade de notre bâtiment. C’est une fresque réalisée par l’artiste muraliste Majid El Bahar en hommage à la photographe marocaine décédée lors d’une attaque terroriste à Ouagadougou. C’est juste pour vous dire que la culture est une posture militante et un moyen par excellence de développer des consciences libres et empathiques qui sauront faire le discernement et la cohésion dans le monde”, lance-t-elle sur un ton empli d’émotion.
Malgré la place de choix que détient la femme au sein des activités du Complexe culturel “Les Grands Arbres”, Judit célèbre chaque année la Journée internationale des femmes avec un brin d’appréhension. Elle déplore vivement le fait de s’intéresser le temps d’une seule journée à la femme alors que pour le reste de l’année, elle est négligée voire perdue dans la conscience et l’empathie collectives.
Elle trouve cependant qu’il est très important, à chaque 8 mars, de mettre sous un éclairage spécial des causes féminines qui restent toujours pendantes comme celles de la parité, de l’égalité des chances…
Judit dit s’être installée au Maroc pour le long terme et qu’elle se sent chez elle dans son pays d’accueil et d’adoption. Pour elle, l’accueil et la générosité des Marocains sont vraiment exceptionnelles par rapport aux autres nations.
A Béni Mellal, Judit est entourée de plusieurs femmes merveilleuses, inspirantes et très courageuses qui portent tous ses projets et l’aident à réaliser ses rêves.
Convaincue que la question de la femme reste malgré tout une affaire de femmes, elle entend poursuivre le chemin avec elles pour faire du Complexe culturel “Les Grands Arbres”, une plateforme d’échange d’idées, de réflexion, d’émancipation et de promotion de la femme par excellence.