A mi-chemin de l’Agenda 2030, les résultats sont décevants.

Par Abdeslam Seddiki.

La réalisation des ODD relève d’un vœu pieux, c’est le constat qui se dégage d’une récente étude de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) présentée à l’AG de l’ONU.  Pour y parvenir, il faudrait mobiliser annuellement d’ici à 2030 la somme de 5000 MM$, soit un total de 35000 MM $ !

Les Objectifs de développement durable, adoptés par les Nations Unies en 2015, désignés par le vocable « agenda 2030 », portent sur 17 indicateurs allant de l’éradication de la pauvreté et de la faim, à la réduction de la dette, en passant par les services publics essentiels (éducation, santé …), la réduction des inégalités au sein de chaque pays et entre pays, la lutte contre les changements climatiques etc. Sur l’ensemble de ces indicateurs, les résultats atteints sont décevants et demeurent loin des objectifs de départ.D’après le SG de l’ONU, seuls 15% des objectifs sont en bonne voie. Nombre d’entre eux reculent. Au lieu de ne laisser personne de côté, nous risquons de laisser les ODD de côté ». Et Mr António Guterres de réclamer « un plan de sauvetage mondial ».

Le bilan tel qu’il est dressé dans le rapport de la CNUCED sur les ODD suscite l’inquiétude et interpelle les consciences des responsables politiques et des ultra fortunés de cette planète.  Ainsi, une personne sur dix dans le monde souffre de la faim, et 150 millions d’enfants de moins de 5ans souffrent d’un retard de croissance. Qui plus est, une personne sur trois n’a pas accès régulier à une alimentation adéquate. Dans le même temps, ô paradoxe, près d’un tiers d’aliments produits sont gaspillés dont 17 % le sont au niveau de la consommation. Le monde subit également une dégradation de la faune et de la flore. Il suffit de rappeler que 10 millions d’hectares de forêt sont détruits chaque année dont 90% sont dus à l’expansion agricole. La vie marine est menacée par le rejet des déchets toxiques : 17 millions de tonnes de plastique sont versés chaque année dans l’océan. Ce chiffre devant doubler ou tripler d’ici à 2040.

En matière d’égalité des sexes, il faudrait 40 ans, au rythme actuel, pour que les femmes et les hommes soient représentés sur un pied d’égalité parmi les dirigeants politiques. Par ailleurs, plus d’une femme sur quatre âgée de plus de 15 ans a subi des violences de la partd’un partenaire intime (641 millions)au moins une fois dans sa vie.

Pour l’accession à l’eau potable et à l’électricité, la situation est franchement dramatique : pour au moins de 3 MM de personnes, la qualité de l’eau dont elles dépendent n’est pas connue ; plus de 733 millions vivent dans des pays connaissant un stress hydrique. Au rythme actuel, en 2030, 1,6MM de personnes n’auront pas d’eaupotable gérée en toutesécurité, 2,8 MM n’auront pas de servicesd’assainissement gérésde manière sûre, 1,9 MM n’auront pasd’installations de basepour l’hygiène des mains. De même, 680 M de personnes vivront en 2030 sans électricité contre 733 M en 2020.

Nous vivons dans un monde où domine l’insécurité et l’extension des conflits. C’est ainsi qu’un quart de la population mondiale vit dans des pays touchés par des conflits et 100 millions de personnes ont été déplacés de force en 2021. Quant à la migration clandestine, elle provoque la disparition tragique de milliers de personnes par an : près de 7000 personnes ont perdu la vie en 2022 dont plus de la moitié sont partis de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient.

Dans de telles conditions, la réalisation des ODD à l’horizon 2030 relève de l’impossible. Car les moyens pour y parvenir font cruellement défaut.  Mobiliser 5000 MM $ par an, soit 35 000 MM $ en 7 ans, comme le propose la CNECED constitue une gageure. On ne voit pas par quel moyen y parvenir dans un monde fragmenté et dominé par des tiraillements et des rivalités multiples. Certes, on entend toujours des déclarations pleines de promesses mais rarement suivies d’effet. Les engagements que prennent les grandes puissances pour un transfert de ressources vers les pays en développement et les pays les moins avancés sont rarement respectés. Dans le meilleur des cas, ces « aides » sont distillées au compte-goutte et souvent monnayées en exerçant des pressions sur les pays bénéficiaires. Et c’est là où se situe le nœud du problème. C’est dire que la solution ne peut être que politique. Les approches techniques viendraient en deuxième lieu. C’est dans ce sens, que les pays en voie de développement, plaident pour un nouvel ordre économique international qui rompe avec le néo-colonialisme et la domination du capital financier international.

Bien sûr, les pays du Sud sont appelés à revoir leur politique pour mobiliser leurs moyens propres. Même le FMI les y invite à travers une meilleure collecte des impôts comme le suggère le directeur du département des affaires budgétaires de cette institution : « les marchés émergents et les économies en développement ont besoin de 3.000 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 pour financer leurs objectifs de développement et la transition climatique ». Ce montant représente environ 7 % du produit intérieur brut (PIB) combiné de ces pays en 2022. D’après le FMI de nombreux pays ont le potentiel d’augmenter leur ratio impôts/PIB jusqu’à 9 points de pourcentage. Les dirigeants de ces pays sont-ils prêts à accomplir cette révolution ?

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