Après la tenue des assemblées annuelles de la BM et du FMI à Marrakech, le bilan est concrètement positif

Par Abdeslam SEDDIKI.

Après la tenue des assemblées annuelles de la BM et du FMI à Marrakech, tous les participants sont rentrés chez eux visiblement satisfaits. Le mérite revient en grande partie au pays hôte qui a su réunir toutes les conditions de logistique et de sécurité pour assurer un bon déroulement des travaux mettant en œuvre son expertise acquise au fil des années. Car ce n’est pas la première fois que notre pays   accueille dans la ville ocre des événements de cette ampleur : déjà en 1994, Marrakech a abrité la réunion donnant lieu à la naissance de l’OMC (Organisation mondiale de commerce) qui a succédé au GATT ; puis en 2016, au même endroit s’est tenue la cop 22. Sans parler des autres rendez- vous à caractère sportif ou autres ?

Pour ce qui est de l’ordre du jour de ces assemblées et des thèmes débattus, force est de reconnaitre également la richesse et la pertinence des choix des sujets embrassant la problématique de la dette, la lutte contre la pauvreté et le changement climatique, l’inclusion financière, les perspectives économiques mondiales, l’agenda 2030 des Nations-Unies, la nouvelle économie. L’Afrique et le Maroc ont été bien évidemment à l’honneur.  Le continent Africain a fait l’objet d’une attention particulière. De même, les participants ont loué les progrès réalisés par notre pays dans le domaine des réformes touchant l’économie et la société sans omettre sa capacité   à gérer les grandes crises (exemple covid-19) et les catastrophes naturelles comme le dernier séisme meurtrier qui nous a frappé la région du Haut-Atlas et ceci grâce à la clairvoyance du leadership du Souverain et à la solidarité sans faille dont fait preuve le peuple marocain.

Bien sûr, et cela est coutumier, des réunions bilatérales multiples se sont déroulées en marge des travaux. Ces rencontres à la marge s’avèrent par moments plus fécondes que des rencontres officielles, car elles ont le mérite d’échanger d’une façon moins protocolaire dans un discours direct et moins codé, créant ainsi des rapports de confiance et de proximité. Cette diplomatie douce qui est une sorte de travail préparatoire débouche    généralement sur des résultats palpables.

Par ailleurs, la société civile à la fois marocaine et mondiale n’a pas chômé. Elle s’est montrée extrêmement active en développant un argumentaire qui n’est pas celui des institutions de Betton Woods. Voire, il est parfois aux antipodes de leurs thèses, allant même jusqu’à organiser un tribunal pour juger les responsables de ces instituions.  On relèvera, toutefois, que toutes les activités de la société civile, dont une bonne partie s’est déroulée dans l’enceinte universitaire, et cela ne manque pas de sens, n’ont connu aucun incident contrairement à ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays.  Ce qui dénote son niveau de maturité et son attachement aux valeurs démocratiques.

Cependant, le moment fort de cette rencontre réside sans conteste dans le message royal adressé aux participants le 13 octobre. A vrai dire, ce message est porteur de plusieurs  messages dont notamment la vision du Maroc sur les rapports entre pays, la place de l’Afrique dans le concert des nations et les instances internationales et la nécessité des réformer les instituions mondiales en vue de  sauvegarder la paix et la stabilité mondiales. « Les évolutions économiques, sociales et politiques de ces dernières années appellent certes à une réforme des institutions et des règles régissant le multilatéralisme. Néanmoins, les principes de base de ce dernier doivent être consolidés et l’esprit qui l’anime ravivé. Ils demeurent en effet indispensables pour préserver la stabilité et la paix mondiales et favoriser les synergies afin que soient relevés les défis communs auxquels font face notre planète et nos peuples.

Mais, comme nous le savons tous, face à des défis mondiaux, il faut des solutions mondiales et celles-ci ne peuvent être conçues que dans le cadre de l’unité et du respect mutuel.

Pour cela, il convient d’intégrer et de valoriser la diversité comme source de richesse et non de conflit, en tenant compte des spécificités intrinsèques à chaque pays et à chaque région.

De même, il importe de revoir et d’améliorer l’architecture financière mondiale pour qu’elle soit plus équitable et plus inclusive. Ces Assemblées Annuelles constituent, à cet égard, le forum idoine pour un dialogue et un débat constructif autour de cette refonte.

Nous appartenons tous à une seule et même planète et les avenirs de nos pays sont, à l’évidence, indissociables. » (Extrait du message royal)

C’est justement au niveau de la réforme de l’architecture financière mondiale que des efforts sont demandés à commencer par la réforme des institutions de Bretton Woods qui ne sont plus en adéquation avec le monde d’aujourd’hui et les rapports de force qui le caractérisent ainsi que les dangers qui menacent la planète. C’est une lapalissade d’affirmer que le Monde d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui hérité de la deuxième guerre mondiale. Le monde a connu des transformations profondes à tous les niveaux : géo-économique, financier, démographique … Il suffit de rappeler que le nombre de pays qui ont assisté à la conférence constitutive de Bretton Woods en 1944 ne dépassait pas 44. Ils sont maintenant plus de 190 à appartenir à ces institutions. Ladite  conférence a consacré la suprématie des USA et le dollar comme monnaie mondiale unique, ce n’est plus le cas maintenant avec l’émergence de nouvelles puissances qui remettent en cause le leadership américain et la dollarisation de l’économie mondiale.  D’ailleurs, les premières fissures sont apparues lors du passage d’un système de change fixe à un système de change flottant et la fin de la convertibilité du dollar au début des années 70 du siècle dernier. Au niveau de la gouvernance de ces instituions, on constate que les instances dirigeantes sont essentiellement d’origine   américaine et européenne laissant peu de place aux pays émergents et aux pays anciennement colonisés. Les postes de Directeur sont « réservés » et inamovibles :   un américain à la tête de   la Banque Mondiale et un européen comme Directeur du FMI. Sans oublier le droit de véto dont dispose les USA qui n’a de nos jours aucune justification.

Et c’est dans ce contexte que des voix autorisées s’élèvent pour appeler à une véritable réforme   de ces deux institutions dans le sens d’une meilleure représentativité des différents pays et continents et d’une suppression des « privilèges » accordés à certains pays quand ils ne sont pas imposés par la force ! Si on ne pouvait pas retenir le principe « un pays une voix » comme c’est le cas à l’ONU et à  l’OMC, ne faudrait-il pas  au moins améliorer sensiblement le quota des pays en voie de développement et notamment de l’Afrique dont le poids reste insignifiant ? De même, il est temps d’assouplir le principe de conditionnalité qui s’apparente à un véritable diktat imposé aux pays lourdement endettés.  C’est en procédant à ces réformes que ces instituions gageraient l’adhésion des peuples qui voient toujours d’un mauvais œil leur intervention. A tort ou à raison.   

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