Arthur H enchante avec son double maléfique

Musique

Il ne pouvait pas laisser tomber Alice, son « double maléfique »: Arthur H prolonge le plaisir de ce personnage qu’il avait incarné au théâtre par un album-concept à la mélancolie suave, colorée d’électro et d’auto-tune.

« Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge », pièce de théâtre de l’hiver 2019 née de la rencontre entre l’artiste et le metteur en scène Wajdi Mouawad, trouve donc un développement dans un disque qui sort ce vendredi.

Arthur H y tenait le rôle principal, celui d’un chanteur à succès en perdition. Et il faut croire qu’Alice, l’anti-héros qu’il jouait –costume doré, chevelure peroxydée, lunettes noires– a fini par manquer à l’auteur-compositeur-interprète.
« J’aime bien Alice, mon double maléfique, enfin non, plutôt le pire de ce que j’aurais pu devenir si les circonstances avaient été différentes; on a toujours de la tendresse pour la pire version de soi-même », confie à l’AFP Arthur H.
« Et puis, j’ai du mal à abandonner des chansons, là ça me faisait mal au coeur: on a fait un beau projet avec Wajdi Mouawad, une pièce très drôle, très folle et toutes ces chansons écrites pour cette pièce, je veux leur donner une nouvelle vie », déroule-t-il de sa voix roulée dans les graviers.

L’album est une très bonne surprise, avec des partis pris, comme l’auto-tune, relevés avec brio.
Le choix de ce dernier procédé qui trafique les voix, plébiscité dans les musiques urbaines, pourrait sembler incongru pour un chanteur à la signature vocale si reconnaissable au naturel.

« L’auto-tune, c’est une couleur actuelle: si tu veux peindre un tableau, il n’y pas de raison de s’empêcher de prendre une couleur, ça peut avoir un côté très kitsch, mais parfois c’est aussi un peu religieux, comme une plainte cosmique, il y a un côté mélopée », argumente-t-il.

« Au début, l’auto-tune c’était pour corriger la fausseté des chanteurs, avec un effet de lissage, j’ai essayé et ça m’a énormément plu, je me suis amusé avec. » Le fils de Jacques Higelin a poussé le jeu très loin avec ce filtre vocal en chantant dans son album « Recueillement », un titre tiré d’un texte de… Charles Baudelaire.

« Chanter Baudelaire à l’auto-tune, sur le papier, ça peut sembler absurde: en vrai, ce n’est pas absurde, ça exprime aussi une mélancolie urbaine, qui correspond bien à Baudelaire, ça fait ressortir la modernité et l’intemporalité du texte », souligne le musicien.

Quand à l’habillage électro, il vient en droite ligne des différents confinements passés, liés à la pandémie. En avril 2020, Arthur H avait participé à l’album « Music for containment », véritable B.O d’un monde vivant en vase clos, avec des morceaux d' »ambient », cette musique planante, rêveuse, parfois inquiète. Un projet collectif initié par l’artiste électro Molécule.

« Ce morceau +ambient+ (+Paris la silencieuse+) fait pour Molécule, j’ai eu beaucoup de plaisir à le faire, dans une toute petite pièce dans l’appartement où j’ai passé le confinement, avec une espèce d’excitation à faire un morceau tout seul; puis j’ai continué avec ce disque (+Mort d’un chanteur…+) dans le même endroit avec le même matériel », détaille-t-il.

Maintenant, il n’a qu’une hâte, oublier un temps les écrans d’ordinateur et retrouver des musiciens en studio ou sur scène. Il s’est d’ailleurs offert une collaboration marquante pendant l’été avec la célèbre danseuse-chorégraphe Carolyn Carlson pour le futur clip de « Nancy », morceau de « Mort d’un chanteur… ».
« Carolyn Carlson, c’est une femme fantastique, très puissante, avec une énergie absolument extraordinaire, à 78 ans, très expressive dans sa danse ». La vidéo fait déjà saliver, puisque à entendre Arthur H, il s’agit d’un drôle de ballet-duel entre la danseuse et… un drone.

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