Au-delà de la crise en France, la Palestine omniprésente

Fête de l’Huma 2024

Mohamed Khalil

En choisissant la date du deuxième vendredi du mois de septembre de chaque année pour l’organisation de la Fête de l’Huma, Marcel Cachin, le directeur de l’Huma en 1930, et les initiateurs de cette grande fête communiste étaient de grands visionnaires. Et pour cause, cette 89 ème édition n’a pas dérogé à la règle de constituer un temps fort de la rentrée politique et syndicale en France, comme cette Fête le fut surtout durant les grandes crises et des moments historiques tristes vécus par l’humanité.

Ainsi donc, du 13 au 15 septembre à La Base 291 à Brétigny-sur-Orge, en Essonne, a été fortement ponctuée par d’intenses débats politiques, idéologiques, sociaux et culturels.

L’ancienne base militaire s’est transformée, l’espace de 3 jours, en un haut lieu de la protestation contre la «Macronie», le Rassemblement national et la droite avec en tête le nouveau premier ministre nommé, Michel Barnier. La question palestinienne et le génocide de son peuple a ravi la vedette au contexte international, où la guerre Russie-Ukraine a été reléguée au second plan, malgré des débats très objectifs.

Fabien Roussel, le Secrétaire national du Parti communiste français, dès le premier jour de la Fête, a résumé la nouvelle situation et donné le ton en se référant à la démarche de Macron : « Négocier avec le Rassemblement national, avec l’extrême-droite, nous appelons ça collaborer ».

Il faudra dire que les stands de l’Huma vivent à une forte allure. Près de 400 débats ont été organisés durant les 3 jours, dominés par la crise politique française et le génocide contre le peuple palestinien à Gaza et en Cisjordanie.

La contradiction politique principale en France aujourd’hui est indéniablement la prochaine constitution d’un gouvernement de droits, autour du Michel Barnier alors que le Nouveau Front Populaire –NFP- est arrivé en tête des formations politiques en lice pour les dernières législatives, mais écarté par le président français de la gestion gouvernementale.

Pour les festivaliers du Plessis Pathé « c’est une trahison à laquelle il faudra s’opposer avec force ».

D’ailleurs les grands débats politiques et les meetings organisés par le NFP ont été marqués par la présence des leaders de ses composantes politiques : de l’insoumis Jean-Luc Mélenchon à l’écologiste Marine Tondelier, en passant par le socialiste Olivier Faure, sans parler de nombreux dirigeants des 4 partis de gauche.

Par ailleurs, Fabien Roussel a participé, dès vendredi, à un débat sur le thème : « Reconquérir le monde du travail face au RN », avec la participation de la candidate du Nouveau front populaire au poste de Première Ministre, Lucie Castets et la Secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.

Mais il faudra également signaler que, en 2024, le PCF fait preuve d’ouverture envers certaines personnalités de la droite, en les invitant aux débats.

Fabien Roussel débattra avec Edouard Philippe, l’ancien premier ministre de Macron et maire du Havre, souvent sous les huées et vociférations du public présent contre celui qui, en créant le parti Horizons se positionne ouvertement contre le NFG et s’allie à  Macron. 

Roussel a justifié ce débat par « la confrontation des idées » de la gauche et de la droite, pour « retrouver « le goût du débat ». Puisque rien ne rapproche les deux hommes si l’on excepte quelques sujets comme la défense d’une énergie dé-carbonée. 

Mais déjà un brin de divergences avec les autres formations du NFP sur une candidature commune de la gauche pour 2027, où il laisse penser qu’il sera candidat à la prochaine élection présidentielle … et après avoir vivement critiqué la politique de Mélenchon.

De Villepin acclamé

Dans le cadre de cette ouverture, l’Agora de la Fête de l’Huma a vécu des moments de grande intensité avec l’ancien premier ministre Dominique de Villepin qui a eu, en récompense de ses positions autonomes du pouvoir macronien, a situé les enjeux au niveau mondial et la place que la France doit occuper sur cette arène. L’ancien ministre des AE sous Chirac s’était fortement distingué par sa volonté de ne pas céder aux pressions américaines qui veulent faire de la France et de l’Europe leur valet résigné.

L’alignement de Paris sur la question du Proche Orient et ses positions sur l’Ukraine traduisent la faiblesse de la France qui s’accroche à l’assistanat et à la soumission à Washington.

Jean-Luc Mélenchon en vedette

Samedi dernier au stand de la France insoumise, le président de La France Insoumise a demandé, lors d’un discours, à tous les groupes parlementaires de gauche à l’Assemblée de se joindre à la procédure de destitution du président de la République lancée par la FI, tout en manifestant son soutien au peuple palestinien contre le génocide dont il est victime de la part d’Israël.

 Sous des applaudissements nourris et devant une foule dense qui a trouvé place y compris dans les stands avoisinants et les grandes artères de la Fête, Mélenchon a été on ne peut clair pour résumer lasituation.

 « Je dédie notre rassemblement au martyr du peuple palestinien. Les puissants ont laissé faire un génocide ininterrompu. Ils ont oublié Guernica, parce qu’ils le font eux-mêmes actuellement ».  

« J’ai honte de constater que mon pays ne fait rien, pendant que les massacres continuent », a martelé Mélenchon devant une foule acquise à la cause palestinienne et à l’impératif de paix dans la région.

Revenant sur Macron, en réalité, estime JLM, il s’agit du fait qu’ « Un homme seul a opposé son veto au suffrage universel. Le roi Louis XVI lui-même n’avait pas eu le droit de le faire.

Parlant de Michel Barnier, le nouveau premier ministre, « il représente le parti qui a fait le moins gros score de toute l’élection. Et il va remplir le gouvernement de perdants ». Pour lui, il faudra riposter au « hold up » !

Pour lui, encore, Macron « ouvre une crise politique » rappelant que « le principe fondamental de la démocratie est de savoir reconnaître sa défaite ». 

Mélenchon a également plaidé pour « dédramatiser la discussion à l’intérieur de la gauche, l’émulation plutôt que la compétition ».

Angela Davis en vedette

Samedi matin, la Fête a vibré sous la voix d’Angela Davis, qui revient à la Fête après ses lointains passages en 1973 et en 1991. La célèbre militante communiste américaine avait laissé des traces il y a 51 années, après avoir été libéré de prison en 1972, quand le monde progressiste avait « peur » pour elle, isolée dans une chambre de prison et encourant la peine de mort pour celle que le président Nixon avait qualifié de « terroriste ». Elle était accusée d’avoir introduit des armes aux frères de Soledad, mis en prison par une justice raciste.

La militante des Black Panthers est venue, notamment, pour plaider la libération du journaliste afro-américain Mumia Abu-Jamal, qui est emprisonné depuis 1981 et condamné  à mort lors d’un simulacre procès que la Commission des droits de l’homme de l’ONU juge inéquitable.

Et, à côté de ses rencontres et débats, Angela Davis, fidèle à ses engagements politiques en faveur des démunis, a fait la promotion d’un collectif « La Plume et le Poing », dédié à la «Voix des sans-voix».

Reconnaissante et nostalgique d’un passé heureux en luttes et combats, Angella déclara d’emblée : « « c’est tellement émouvant de retrouver ici des gens qui se sont battus pour ma libération il y a 50 ans… »

Elle ne manqua pas de décliner, réaffirmer et d’actualiser, à 80 ans, ses fortes convictions d’hier et d’aujourd’hui : « Nous devons contester le capitalisme, c’est lui l’ennemi de tous les combats progressistes », dira-t-elle avant d’ajouter : … « A plein d’égards, le progressisme a plutôt reculé, du point de vue des USA, de l’Europe, et de ce pays (…) Je n’aurai jamais imaginé le niveau et l’ampleur du racisme auquel on s’est habitué aujourd’hui ». Mais, au fond, aujourd’hui, elle reste optimiste quand elle  voit « notamment l’implication des jeunes générations pour la liberté en Palestine et arrêter le génocide en cours».

Elle précisera que, aux Etats Unis, « tous les progressistes juifs que je connais sont opposés au sionisme, le mouvement de solidarité envers Gaza est mené par les juifs radicaux de gauche ».

Et de conclure sur le sujet par une forte conviction « quand le combat est mené par des descendants de personnes qui ont vécu l’holocauste, quand ceux-là disent “plus jamais”, ils ne disent pas plus jamais pour eux mais plus jamais pour personne »… Tout est dit !

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