Scène artistique nationale en deuil
Mohamed Nait Youssef
La scène artistique nationale est en deuil. Trois figures emblématiques des mondes des arts et de la culture ont quitté le monde des vivants pour rejoindre d’autres cieux. En effet, les artistes et le grand public marocains ont vécu un week-end triste en perdant trois grands piliers et vétérans du milieu artistique : Noureddine Bikr, Mohamed Abouelouakar et Fttah Lah Lmgahri.
Noureddine Bikr, l’authentique
Humoriste de talent. Ses prestations et rôles sur les planches ou encore sur le grand et petit écran ont fait le bonheur du public marocain. L’authentique comédien et acteur, Noureddine Bikr a rendu l’âme vendredi dernier. La faucheuse l’a eu après une longue lutte contre la maladie. Il a 70 ans.
Le regretté a vu le jour à Casablanca, en 1952. Il a mené une enfance à la fois paisible et électrique au mythique quartier de Derb Sultan, à Casablanca.
Autodidacte. A un âge assez jeune, il a fait ses premiers pas, aux débuts des années 60 du siècle dernier, en jouant le rôle d’un enfant dans la pièce de théâtre «Dar El Nisyan» avec la troupe «Al Oukhouwa Al Arabia», en 1967. Il avait 10 ans seulement.
Né dans une famille issue de Aït Baha, dans la région de Souss-Massa, le défunt a incarné plusieurs personnages avec son accent amazigh habituel et son jeu de comédien aux multiples facettes.
Feu Noureddine Bikr a été connu par ses interprétations dans la fameuse troupe de Masrah Al Hay où il a brillé de mille feux en présentant des pièces telles « Sharah melah», « Heb Watbane », aux côtés des comédiens et humoristes Abdelilah Ajil, Mohamed El Khiari et Hassan Foulane.
En 1988, il a fait son entrée en grande pompe dans la télévision marocaine en jouant dans la série à succès à l’époque « Serb Lahmam» avec Rachid El Ouali, Souad Saber, Saida Baadi et d’autres visages connus de la scène.
L’artiste a laissé son empreinte dans plusieurs œuvres partagées entre le cinéma, le théâtre et la télévision dont le film « Zeft» (Asphalte) (1984) réalisé par le grand dramaturge et metteur en scène Tayeb Saddiki, «La Garde du corps» (1984) de François Leterrier, «les griffes du passé» (2015) réalisé par Abdelkrim Derkaoui, «toile d’Araignée» (2016) de Abdelhay Iraqi, «Aami» (2016) de Nassim Abassi, des séries « Sarab» (1998), «Al moussaboun» (1999), «Saken Oumeskoun» (2017) et d’autres travaux.
La dépouille du comédien a été inhumée au cimetière Chouhada, à Casablanca, en présence des membres de sa famille, de ses amis, ainsi que des figures des mondes de l’art et de la culture.
Mohamed Abouelouakar : un peintre avec un œil de cinéaste
La triste information du décès de l’artiste peintre mais aussi réalisateur, Mohamed Abouelouakar, est venue de la Russie où il a tiré sa révérence, jeudi 1er septembre, à Elektrostal, ville située à 58 km à l’est de la capitale, Moscou.
Grande signature ayant marqué le paysage pictural et plastique national, continental et international, le regretté, né en 1946 à la ville ocre, Marrakech, a fait ses débuts dans le monde du 7ème art. Il a signé plusieurs films dont le court-métrage «Composition musicale» (1970), « Souvenirs d’une ville», un documentaire sur la ville de Marrakech (1977), « Au carrefour des trois continents», documentaire (1977) et les films «Hadda» (1984), «Tueurs (Les)» (1985).
Mohamed Abouelouakar a fait des études supérieures à l’institut national de la cinématographie de Moscou de 1966 à 1973. A l’époque, l’artiste dans sa quête artistique et esthétique a été influencé par les peintres russes et occidentaux.
«Son expérience du 7e art a beaucoup marqué ses œuvres peintes, dans lesquelles les compositions sont savamment orchestrées, mises en scène, théâtralisées. Dans les années 1980, où l’artiste a commencé à travailler et à vivre par alternance entre le Maroc et la Russie, sont apparus et, depuis les années 1990, ont gagné en ampleur, les thèmes et les formes de sa propre mythologie qui allaient devenir la marque singulière de sa création picturale. », peut-on lire dans une biographie consacrée à l’artiste par L’Atelier 21, où il avait exposé son «œuvre en mouvement» du 15 décembre 2020 au 16 janvier 2021.
La peinture, la photographie d’art et le cinéma constituaient son univers et ses champs de prédilection. Car, sa peinture a influencé son cinéma et vice-versa. Des couleurs vives, des figures, des symboles, des traits, des reliefs, les œuvres picturales de l’artiste qui vivait entre le Maroc et la Russie, ont été ponctuées par un lyrisme russe, un réalisme féroce et un référentiel culturel et artistique universel.
«Les films de Tarkovski et le soufisme d’Ibn Arabi ont toujours accompagné Abouelouakar dans son itinéraire artistique. Sa vie et son œuvre sont une longue méditation sur le sens de la vie et de la mort, sur le destin de l’homme. Imprégné d’une double culture musulmane et occidentale, l’artiste transmet à ses peintures le souffle inspiré des grands mythes qui ont nourri l’Orient et l’Occident, anges déchus de la tradition biblique, démons des contes arabes, monstres à tête d’animal », a écrit Dounia Benqassem, auteur du Dictionnaire des Artistes Contemporains du Maroc aux Editions Africarts.
Fathallah Lamghari : «Mouhal Yensak El Bal»
Une autre grande perte pour le paysage artistique national. Fathallah Lamghari, un des ténors et piliers de la chanson marocaine, s’en est allé, samedi soir dans un hôpital de la capitale. Il a passé l’arme à gauche après une longue lutte contre la maladie. Il avait 82 ans.
Feu Fathallah Lamghari a ouvert les yeux à Fès en 1940. Il fut l’un des compositeurs et paroliers ayant contribué à l’enrichissement du répertoire national, entre autres, «Maghiara», «Kas el bellar», «Wallah manta maana», «Allah ala Raha», «Daât Li Nouara», «Essennara», «Mouhal Yensak El Bal», «Fainek A Lahbib» et d’autres titres. Un patriote qui a contribué à l’épopée de la Marche Verte en sortant la fameuse et mémorable chanson «Nidae Al Hassan».