Chez les peuples Bassas du Cameroun localisés au Centre et au Littoral se pratique une danse et musique à l’allure et au rythme très enjoué, l’«Assiko». A l’origine, une danse esquissée dans les processions traditionnelles de guérison, l’Assiko est devenu vers le milieu des années 60 une danse de fête grâce à certains virtuoses de la guitare et de la percussion. Elle a acquis ses lettres de noblesse dans le pays, quoiqu’à l’international, elle est restée marginale.
L’«assiko» est une danse aux caractéristiques particulières. Elle se pratique pieds nus, à même le sol par des danseurs simplement vêtus de T-shirt et d’un tissu roulé autour de la taille. Ceux-ci se livrent alors à de nombreux déhanchements, des successions de petits pas exécutés debout ou accroupis. C’est aussi l’occasion de se livrer à des démonstrations d’équilibre ou d’acrobatie accompagnées de diverses formes de levée de tables ou d’autres objets lourds avec les dents, danse avec des bouteilles sur la tête. La transe y est également présente. En tant que style musical, l’«assiko» est pratiqué par une formation constituée d’un chanteur, d’un guitariste et d’un percussionniste jouant à l’aide de couteaux et de fourchettes en métal sur un flacon vide. Toutefois, la basse et la batterie peuvent y être associées.
S’il est une personne dont le nom restera à jamais lié à l’«Assiko», c’est bel et bien Jean Bikoko, surnommé «Aladin». D’ailleurs, il est désigné comme le «pape» de l’assiko par les férus de ce genre musical. Grâce à sa virtuosité et sa technique de jeu magique, il est considéré comme le créateur de l’Assiko moderne. Celui qui aura fait sortir ce genre musical de sa zone d’ombre et l’aura hissé parmi les principaux genres musicaux du Cameroun. Mythique guitariste, l’homme né vers les années 40 dans la ville d’Eséka débute sa carrière dans les années 60 sur les ondes de radio Douala et dans les soirées nightclubs de la région. Il est celui qui introduit la guitare électrique de même que la percussion et la contrebasse dans l’assiko. Avec lui, le rythme de cette musique décolle véritablement. C’est encore lui qui innove le jeu des danseurs sur scène, en introduisant notamment la technique du «pagne roulé» autour des hanches pour accentuer le mouvement des danseurs lors des prestations.
Transformé en vedette de l’ «assiko», il sera même invité à diner par le couple Johnny Hallyday et Sylvie Vartan, lors d’une de ses visites en France. Avec son groupe, il se produit dans de nombreuses manifestations officielles, entre autres le festival culturel panafricain d’Alger en 1969, l’année où il sort son titre «wanda ntet». Presqu’une décennie plus tard, il participe au festival des arts nègres de Lagos en 1977. Mais rien de plus…Si le talent de Jean Bikoko est attesté par tous, sa production artistique ne sera pas très prolifique. Il est l’auteur des titres populaires comme «Di Yanna», «Hiki djam ligwen guen», «Makabo Maoo», «Saï mbog», «ndutu bakeke» ou encore «Jolie Yem». Ce n’est qu’en 2003 et 2008, quelques années avant sa mort qu’il sort les albums «Um Nyobe » et «Assiko story». Jusqu’à son décès en 2010, l’homme est resté anonyme en dehors de l’Afrique Centrale, mais a le mérite d’avoir légué un héritage à ses successeurs qui continuent d’œuvrer inlassablement pour assurer à ce genre musical une popularité à l’international.
Danielle Engolo