On les rencontre au Cameroun, au Gabon ou encore en Guinée Equatoriale. Ils ont la même culture, parlent la même langue… Les «Fang» ou encore «Beti», comme on les appelle plus communément dans le pays à la forme triangulaire, se veulent un peuple de «Seigneurs» ou d’«Hommes libres». Etymologie oblige ! Zoom sur ce peuple qui constitue environ 20% de la population camerounaise.
Un mythe de l’ethnie raconte qu’il y’a plusieurs siècles de cela, le peuple beti vivait de l’autre côté de la Sanaga, un fleuve localisé dans la province du Centre du Cameroun. A la fin du XVIIIe siècle, alors qu’un certain Ousman Dan Fodio, un chef musulman, avait lancé une campagne de prosélytisme des peuples animistes du pays, les «beti» décidèrent de s’en fuir en traversant le fleuve, mais ceci sur le dos d’un serpent appelé «Ngan Medza». Une partie du peuple monta sur le dos du serpent qui servait de pont et atteignit l’autre bord du fleuve. Malheureusement, un jour, le voyage connut des déboires. Alors qu’ils traversaient une fois en pleine nuit, celui qui tenait la torche pour éclairer les passants et qui se tenait à la queue du groupe, monta en dernier. La flamme étant sur le point de s’éteindre, il laissa tomber par maladresse quelques flammèches sur le dos du serpent. Celui-ci, brûlé, les laissa couler. C’est ce qui explique qu’au Cameroun, on retrouve certains Beti de l’autre côté de la Sanaga et d’autres non.
En effet, le peuple «Beti» est localisé majoritairement dans les régions du Centre et du Sud du pays. Aujourd’hui, il est dispersé dans l’étendue du territoire, surtout dans la région du littéral, étant donné son attrait économique. Les villes de Yaoundé, Mbalmayo, Obala et Ebolowa restent toutefois leurs fiefs.
Son origine en Afrique Centrale reste complexe à définir. Certains situent même sa genèse dans le Sud de l’actuelle Egypte. Mais la thèse la plus admise est celle de la tradition orale. En effet, les «beti» auraient eu un ancêtre «bantou» commun appelé Nanga. Celui-ci aurait donné naissance à plusieurs enfants : Kolo Beti, Eton Beti, Mvele Beti, Mvan Beti, Meka Beti Bulu (la seule fille) et Ntumu, le dernier-né. Ce sont ces descendants qui auraient été par la suite à l’origine des différentes tribus: Eton, Kóló (appelés Ewondo), Bulu, Manguissa, Etenga et Mvele.
Le mot «beti» est la forme plurielle de «nti» qui veut dire Seigneur, noble, traduisant la perception que ce peuple a de lui-même. On les appelle également «fang» ou «pahouin». Ce sont près de 3 200 000 fangs ou Beti qui vivent au Cameroun, sur les 4 800 000 que l’on a recensés en 2013 en Afrique Centrale.
Qu’ils soient au Cameroun, au Gabon, en Guinée Equatoriale, les Beti se comprennent. Ils sont caractérisés par une unité linguistique malgré la diversité des dialectes des tribus, les légères différences se situant au niveau du vocabulaire, de la prononciation…
Ils partagent plusieurs valeurs, entre autres l’importance du nom, le don de la parole et de l’éloquence, la générosité «akab», le courage «ayog», l’affabilité «mgba», le respect des ainés… Seul un individu réunissant ces caractéristiques pourrait prétendre au leadership.
Au niveau de l’organisation sociopolitique, il s’agit d’une société lignagère, pas centralisée. La structure sociale qui y prédomine c’est la famille ou «ndabot» ou «mvog», la prééminence étant déterminée par la séniorité ou l’ainesse, «ntol».
Traditionnellement, ils sont sédentaires, des agriculteurs et forgerons. Avant l’arrivée des Européens, ils étaient monothéistes, croyant en seul Dieu appelé «Zamba», «Ntondobot» (celui qui fait sortir l’Homme à la manière d’un doigt de banane qu’on fait sortir de ses peaux) ou «Nkombot», le créateur de l’Homme. En parallèle, ils rendent aussi un culte aux ancêtres.
Dans l’histoire, les Beti furent de grands guerriers. Malgré le temps, ils ont gardé une perception de noblesse d’eux-mêmes.
Danielle Engolo