Coronavirus: il faut cesser de se toucher le visage!

La main cet ami intime qui vous veut du mal

Par Dr Moussater Khadija*

Face à la pandémie du COVID-19, les recommandations de l’OMS sont claires : ne plus se toucher le visage, les zones des yeux, du nez et de la bouche étant les portes d’entrée du virus ; ou plus exactement ne pas le faire quand nos mains sont dans le voisinage d’autres personnes ou ont été au contact d’objets et de surfaces potentiellement contaminés et tant que nous ne les avons pas lavées méticuleusement après. Ce lavage permettrait de diminuer la contagion de 30 à 50%.

Cette recommandation apparaît plus facile à dire qu’à faire, tant ce réflexe est ancré en nous et que dans les faits, il est quasiment impossible de ne pas porter ses doigts à son visage. Il s’agit de gestes «réflexes» qui nous permettent d’interagir avec nous-mêmes et les autres.

Un geste régulateur de notre état d’esprit

La gestuelle des mains est en effet par excellence  le reflet de notre inconscient et de notre état d’esprit : 70 à 80% des aires cérébrales du cerveau sont d’ailleurs en lien avec ces deux organes.

Ce geste de se toucher (une micro-démangeaison le plus souvent) est le meilleur révélateur de notre état interne car il permet de réguler les émotions et d’évacuer les tensions. On a tendance à augmenter sa fréquence pour de multiples raisons lorsqu’on est anxieux, gêné ou stressé mais aussi lorsqu’on s’ennuie. On l’accomplit aussi quand on ne ressent rien de particulier. Tout cela, sans que nous nous en rendions compte, la plupart du temps.

Ce phénomène est même «archaïque», venant de la nuit des temps et avant même la naissance : en 2013, des chercheurs britanniques ont découvert que les fœtus portent déjà la main à leur visage pour développer leur sens du toucher et également lorsque leur mère est dans une situation d’anxiété.

Une fois toutes les 2min30 en moyenne !

Ce mouvement est beaucoup plus fréquent qu’on ne le croit souvent. Une étude australienne en 2015 (confortée par une étude japonaise en 2019), réalisée sur un groupe de vingt-six étudiants, montrait qu’ils se touchaient, en moyenne, vingt-trois fois par heure, soit environ une fois toutes les 2min30. 44% de ces contacts impliquaient une muqueuse (yeux, nez et bouche) et 56% des zones non muqueuses. Parmi les contacts avec les muqueuses, 36 % concernaient la bouche, 31% le nez, 27% les yeux et 6% une combinaison de ces trois zones.

Cette fréquence est très variable selon individus, certains se touchant machinalement jusqu’à… «trois mille fois par jour», indiquaient les agences régionales de santé françaises (ARS) dans un communiqué de novembre 2017 portant  sur les gestes barrières pour se protéger du virus de la grippe.

Un changement de  nos habitudes

Les experts du comportement expliquent souvent qu’il est nécessaire d’abord de prendre conscience des situations dans lesquelles nous portons nos mains à notre visage (fatigue, stress, ennui…) pour pouvoir se défaire ensuite de ce geste, intempestif actuellement surtout quand il est compulsif.

Cette prise de conscience ne suffit pas à le faire disparaître la plupart du temps. Si les habitudes mettent des années à s’implanter, il est vain de vouloir les arrêter d’un seul coup (surtout, quand on sait que les maghrébins sont par nature plutôt tactiles). Il vaut mieux prévoir d’en venir à bout avec le temps en essayant de réduire progressivement ce réflexe de cinq à deux ou trois fois par heure par exemple jusqu’à parvenir à le maîtriser complètement.

Il faut parallèlement  développer de nouvelles habitudes de substitution, proches autant que possible des anciennes, mais sans risque. Se toucher l’arrière de la tête, plus éloignée des muqueuses, est par exemple une nouvelle attitude excellente.

Lorsqu’on ressent le désir de se démanger, on peut aussi par exemple serrer les poings, s’asseoir sur ses mains, appuyer ses paumes sur ses cuisses ou étirer les bras le long de son corps.

Certaines sources recommandent également la manipulation d’objets, qui permet d’occuper ses mains autrement : on peut ainsi se frotter le bout des doigts, tripoter un stylo ou presser une balle. Pour les personnes qui ont des habitudes tenaces, cette manipulation d’objets n’est pas aussi efficace que les gestes alternatifs (comme se gratter la tête) : certains peuvent en effet avoir tendance à la fois à jouer avec des objets par ennui et à porter la main au visage et/ou aux cheveux en cas de stress.

On le voit et on le sait, ce n’est pas simple de changer ses habitudes ! Il ne faut pas non plus verser dans la peur obsessionnelle de ce que l’on peut toucher ! Ce n’est pas la fin du monde que d’effectuer ce mouvement si on observe bien les autres gestes barrière.

Casablanca, le 26 avril 2020

*Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie

Présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc (AMRM)

Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS)

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