Dans la nuit de mardi à mercredi et après 15 heures d’un débat houleux, les 81 sénateurs brésiliens ont voté, par 59 voix pour et 21 contre, en faveur de la poursuite de la procédure visant la destitution de la Présidente Dilma Rousseff écartée du pouvoir le 12 Mai dernier après avoir été accusée d’avoir maquillé des comptes publics dans le cadre de sa réélection en 2014 et d’avoir outrepassé l’accord du Parlement lors de la signature de décrets engageant des dépenses non prévues au budget.
Ouverte en décembre 2015 après avoir été approuvée par la Chambre des députés et par le Sénat, cette procédure en destitution est actuellement en phase d’instruction.
Se considérant victime d’un «Coup d’état institutionnel» perpétré par son vice-président le centriste Michel Temer et la droite brésilienne et abandonnée par ses alliés, il semble que seul un miracle pourrait sauver Dilma Rousseff dont le procès s’ouvrira le 25 Août prochain, un procès à l’issue duquel si les 2/3 des sénateurs, soit 54 sur 81,votent pour sa destitution, son sort sera définitivement scellé et le Parti des Travailleurs sera contraint de se dessaisir du pouvoir qu’il détenait depuis 13 années.
Refusant, toutefois, de baisser les bras et de s’avouer vaincue, Dilma Rousseff qui ne reconnait pas avoir commis un quelconque « crime de responsabilité» entend publier une «Lettre au peuple brésilien » dans laquelle elle s’engagera à organiser un référendum demandant aux électeurs s’ils voudraient bien anticiper la présidentielle de 2018. Mais pour cela, un amendement à la Constitution doit être approuvé par le Parlement et là, rien n’est acquis.
L’analyste Sergio Praçà de la Fondation Getulio Vargas qui ne l’entend pas de cette oreille considère qu’il est «pratiquement impossible qu’elle revienne au pouvoir» puisqu’elle «a commis tous les types d’erreurs qu’un président puisse commettre comme ne pas tenir ses promesses de campagne, ne pas accorder l’attention nécessaire à sa coalition gouvernementale, ignorer son propre parti et n’écouter personne».
Mais ses déboires ne s’arrêtent pas là car le Parlement en place est le plus conservateur de ces 50 dernières années, la récession économique bat son plein depuis des décennies, le chômage est en hausse et la confiance des investisseurs en baisse du fait de scandales de corruption qui ont éclaboussé une bonne partie de l’élite politique et industrielle du pays.
Désireux de se maintenir au pouvoir et d’assister au sommet du G20 qui se déroulera en Chine en qualité de Président du Brésil et non pas en tant que «Président par intérim», Michel Temer espère, toutefois, que Dilma Roussef sera destituée le 25 Août prochain. «Le monde a besoin de savoir qui est le Président du Brésil» avait-il déclaré à la fin du mois dernier à des agences de presse internationales.
Mais n’oublions pas, néanmoins, que ce dernier ne recueille pas les faveurs de la population et qu’il a été longuement conspué par les spectateurs lorsqu’il est venu au mythique stade Maracana vendredi dernier pour prononcer la célèbre phrase protocolaire annonçant l’ouverture officielle des Jeux Olympiques ; des huées et des sifflements auxquelles répondaient les slogans des manifestants massés autour du stade qui scandaient à l’unisson : «On se fiche des Jeux Olympiques, on veut des emplois, la santé et l’éducation».
C’est donc devant plusieurs centaines de millions de téléspectateurs que les brésiliens ont fait étalage de leur profond malaise, de la sévère crise politique et économique dans laquelle ils sont empêtrés et qu’ils ont dénoncé bruyamment le coup d’Etat parlementaire qui a permis à Michel Temer de prendre – à titre intérimaire – les rênes du pouvoir après l’éloignement de la Présidente travailliste, dauphine du Président Lula, contrainte de se contenter de voir à la télévision la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques qui se déroulent à Rio de Janeiro.
Il est à signaler, au passage, que le remplaçant de Dilma Rousseff est impopulaire et qu’il a déjà été condamné par le Tribunal Supérieur Electoral de Sao Paulo pour avoir largement dépassé en 2014 les dépenses de campagnes autorisées. Aussi, risquerait-il d’être lui-même inéligible pour huit années donc «à vie» compte-tenu de ses soixante-douze ans. En outre, selon un sondage réalisé en Avril dernier, Michel Temer ne serait crédité que de 8% des intentions de vote à l’élection présidentielle de 2018. Enfin, si elle venait à avoir lieu, son élection créerait une situation inédite puisqu’il serait le premier chef d’Etat du Brésil à disposer d’une ficha suja», d’un casier judiciaire sale.
Nabil El Bousaadi